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Les « petits pois » s’invitent en cuisine. Comparés aux légumes verts par le chef de l’Etat à l’automne 2007, les magistrats ont décidé de se faire entendre. Rejoints par des avocats et des professionnels de la justice (éducateurs, psychiatres, greffiers…), ils organisent demain à l’Assemblée nationale, les « Etats généraux de la justice pénale ». Objectif : reprendre la main au moment où l’Elysée lance plusieurs réformes à même de bouleverser le monde judiciaire, à commencer par le projet de suppression du juge d’instruction, véritable bombe de la future réforme de la procédure pénale.

« Notre mouvement n’est ni corporatiste ni opposé à toute réforme. Nous demandons juste d’être consultés et écoutés, au lieu d’être méprisés ou attaqués comme c’est le cas actuellement », explique Serge Portelli, vice-président du tribunal de Paris et coordonnateur des Etats généraux. Débats sur la procédure pénale, la justice des mineurs, les conditions de détention… le collectif veut à chaque fois « défendre les libertés » avec une justice « indépendante, démocratique et républicaine ». « Chaque heure qui passe, la situation s’aggrave », estime Serge Portelli, qui égrène les réformes lancées par la garde des Sceaux, Rachida Dati, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy : « La carte judiciaire découpée à la hache, le garde des Sceaux autoproclamé “chef des procureurs”, les peines planchers qui ligotent les magistrats du siège, et maintenant la suppression du juge d’instruction, contre-pouvoir indépendant, remplacé par un parquet sous l’autorité directe du politique. »

Face à ce danger d’une « justice aux ordres », les Etats généraux appellent les politiques « de droite comme de gauche » à réagir. Un discours qui prend : Jean-Paul Garraud, député UMP et ancien juge d’instruction opposé à sa disparition, a déjà rallié à sa cause quelque 80 collègues de droite. De quoi promettre des débats houleux lors de l’examen parlementaire de la réforme du Code de procédure pénale.

Bastien Bonnefous

lexpress.fr
Par Gilles Gaetner,

Deux avocats, Mes Ranouil et Portejoie, expliquent pourquoi les arrêts des cours d’assises doivent être motivés.
Ah! l’intime conviction, cette gueuse, qui permet à une cour d’Assises de condamner sans motiver sa décision!  Visiblement, les avocats Pierre-Charles Ranouil, également agrégé de droit romain et d’histoire du droit, et Gilles-Jean Portejoie, l’un des ténors du barreau de l’ hexagone ne l’aiment pas. Mais pas du tout! Ils le font savoir, dans un petit livre très savant, bourré de références historiques, que tous les jurés de cours d’assises et étudiants en droit se devraient de lire. (1)

Le postulat de base des deux avocats est extrêmement simple: un prévenu qui passe en correctionnelle, s’il est condamné, a droit à un jugement motivé qui explique et détaille le pourquoi et le comment de la peine qui lui est infligée. Or, bizarrement, celui qui est jugé par une cour d’assises, donc pour une infraction beaucoup plus grave, un crime, -et qui risque gros- n’a pas droit à cette protection: depuis la Révolution française, en passant par le code d’instruction criminelle de 1808 et le code de procédure pénale de 1959, la cour d’Assises et les jurés, au moment de la délibération sur le sort d’un accusé, ne doivent obéir qu’à un impératif: celui de suivre leur conscience et leur intime conviction pour condamner un individu… Une aberration que démontrent (et démontent) brillamment Ranouil et Portejoie qui souhaitent tout au long de leur ouvrage que l’intime conviction rendent l’âme. Enfin.

Et les deux auteurs de rappeler ce que déclarait Robespierre à la tribune de l’ Asssemblée constituante le 3 janvier 1791: “La loi ne peut pas abandonner à la seule conscience du juge le droit de décider autrement”.
(1)Glas pour l’intime conviction. De l’instinct à la raison(Unlimit.Ed)124 pages. 15 euros

Reuters
Trois organisations de magistrats françaises se sont déclarés opposés lundi à un projet de réforme de la justice voulu par l’Elysée et qui prévoit la suppression du juge d’instruction indépendant.

Cette idée avancée par le président Nicolas Sarkozy le 7 janvier est défendue dans le pré-rapport d’une commission de réflexion dirigée par le magistrat Philippe Léger, qui a remis officiellement ses conclusions au ministère de la Justice.

L’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), le Syndicat de la magistrature (gauche) et l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) condamnent ce projet en soulignant qu’il aboutirait à donner tous les pouvoirs d’enquête aux procureurs, nommés sur décret du chef de l’Etat.

“L’AFMI, l’USM et le SM sont consternés par de telles propositions. Ils demandent solennellement la dissolution du comité Léger qui a démontré sa partialité et ses insuffisances”, déclarent les organisations dans un communiqué commun.

Recevant des membres de la commission Léger au ministère, la ministre de la Justice, Rachida Dati, a annoncé de son côté une “consultation” mais déclaré d’emblée qu’elle sera suivie d’un projet de loi après le rapport final de la commission Léger, attendu en juin.

“Il est désormais indispensable de faire évoluer la justice de notre pays en offrant à tous les garanties qu’une société moderne doit apporter à ses citoyens”, a-t-elle dit dans un communiqué.

Le rapport de la commission présidée par Philippe Léger prône la suppression du juge d’instruction et son remplacement pour les enquêtes par les procureurs, qui sont nommés par décret du président de la République et rendent des comptes au ministre de la Justice.

LIMITATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

La commission avance l’idée d’un “juge de l’enquête et des libertés” qui statuerait dans le cadre des investigations sur les mesures coercitives comme perquisitions, écoutes téléphoniques, mandats d’amener.

Il ne serait qu’un “alibi” d’indépendance, estiment les organisations de magistrats, qui soulignent que les procureurs français ne constituent pas, selon la Cour européenne des droits de l’homme, une “autorité judiciaire” valable, en raison de leur mode de nomination.

La commission propose en forme de compensation d’élargir l’accès des avocats aux dossiers d’enquête au stade des gardes à vue et de permettre un entretien plus rapide avec leur client, au bout de douze heures.

Il est question aussi de limiter la détention provisoire avant procès à six mois pour les délits mineurs, un an dans le cas d’un délit grave, deux ans pour un crime, trois ans en matière de terrorisme.

Présentée par l’Elysée comme un progrès pour les libertés publiques, la suppression du juge d’instruction, fonction de magistrat-enquêteur indépendant née en 1811, est considérée par la gauche et les syndicats de magistrats comme un moyen de placer le système judiciaire sous la tutelle du pouvoir.

Les juges d’instruction conduisent moins de cinq pour cent des affaires pénales, mais les plus importantes : tous les dossiers criminels et les investigations politico-financières.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

La ministre de la justice Rachida Dati a reçu, lundi 9 mars, les membres de la commission présidée par l’ancien avocat général Philippe Léger sur la réforme de la procédure pénale, qui avalise la suppression du juge d’instruction. Dans un prérapport, que nous publions, ce comité prévoit, conformément à la volonté exprimée par le président de la République, Nicolas Sarkozy, de remplacer le juge d’instruction par un juge de l’enquête et des libertés. Cette suppression d’un symbole de la justice française avait suscité de très vives inquiétudes. Revue de détail des propositions.

Instruction. L’instruction sera menée “à charge et à décharge” par le parquet. Pour la commission, cet accroissement du rôle du parquet ne justifie pas une modification de son statut, contrairement à ce qu’avait préconisé Mireille Delmas-Marty, lorsqu’elle avait suggéré la suppression du juge d’instruction en 1990.

Le débat sur l’indépendance du parquet a agité les milieux politiques et judiciaires, mais assez peu la commission, qui ne juge pas utile d’aligner les conditions de nomination des magistrats du parquet sur celle du siège. Les procureurs sont nommés après un avis consultatif du Conseil supérieur de la magistrature, dont le ministère de la justice ne tient souvent pas compte.

Pour le comité Léger, “le véritable contrepoids à l’extension des pouvoirs du parquet est un nouvel équilibre de la procédure pénale”. Le juge de l’enquête et des libertés interviendra pour les “mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles” (écoutes téléphoniques, perquisitions, placement en détention , etc).

Victimes et droits de la défense. Les parties civiles et la défense pourront demander au parquet de réaliser des actes. En cas de refus, le juge de l’enquête pourra enjoindre le parquet de les réaliser. “Si l’on craint l’inertie du parquet dans les affaires dites ‘sensibles’, l’organisation d’un débat public où l’action du procureur pourra être mise en cause constituera à n’en pas douter un aiguillon pour le ministère public.”

La partie civile pourra s’opposer à un classement sans suite, en matière criminelle. En matière délictuelle, la victime devra “poursuivre elle-même le mis en cause devant la juridiction de jugement par le biais d’une citation directe”. “La victime dans le cas d’accidents technologiques ou des délits financiers se retrouvera seule devant les juges”, explique Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (modérée, majoritaire) qui se dit “consterné” par le projet.

Les personnes mises en examen s’appelleront désormais “mises en cause”. La commission prévoit deux régimes d’instruction. Le “régime simple”, qui correspond à celui de l’enquête préliminaire aujourd’hui, ne donne pas de nouveaux droits aux “mis en causes”. “En revanche, placé sous le régime renforcé, le mis en cause disposera de droits équivalents à ceux du mis en examen dans l’information actuelle.” Le mis en cause pourra demander au parquet de passer en régime renforcé. En cas de refus, il pourra saisir le juge de l’enquête et des libertés.

Gardes à vue. L’avocat pourra avoir un deuxième entretien avec son client à la douzième heure de garde à vue, avec accès aux procès-verbaux des interrogatoires de son client. Il pourra assister aux interrogatoires, en cas de prolongation de la garde à vue au-delà de vingt-quatre heures.

Ces mesures ne s’appliquent pas pour la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et le terrorisme. Pour limiter le recours aux gardes à vue qui concernent 1 % des Français, la commission propose de l’interdire pour les infractions punissables de moins d’un an de prison. Dans ces cas, elle sera remplacée par une nouvelle mesure de “retenue judiciaire”, d’une durée maximale de six heures. Cette nouvelle procédure pourra être utilisée pour l’ensemble des infractions passibles d’une condamnation jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Le rapport veut encadrer les délais-butoir en matière de détention provisoire avec un maximum de trois ans pour le terrorisme et la criminalité organisée et dépénalise la violation du secret de l’enquête.

Le comité explique en conclusion que “la mise en œuvre des mesures proposées ne pourra être effective qu’après un délai estimé à deux ou trois ans”. En mars 2007, le Parlement a adopté une loi, réformant la procédure pénale, issue de la commission parlementaire après le scandale d’Outreau. Le texte prévoyait la collégialité des juges d’instruction à partir de 2010, et il est en suspens depuis l’annonce présidentielle.

Dans un communiqué commun, l’USM, le Syndicat de la magistrature et l’Association française des magistrats de l’instruction dénoncent “une claire menace pour l’indépendance sans véritable avancée pour les droits de la défense”. “Cela donne tout le pouvoir au parquet et à la police. Avec un parquet complètement dépendant, c’est inquiétant dans une démocratie”, explique Christophe Régnard.
Alain Salles

LEMONDE.FR | 09.03.09 |

PARIS (AFP) — Un pré-rapport du comité de réflexion sur la réforme pénale, incluant la suppression du juge d’instruction, devait être transmis ce vendredi à la ministre de la Justice Rachida Dati, a-t-on appris de sources proches de la commission.

“Je confirme que nous attendons la remise probable à la Chancellerie du rapport d’étape de Philippe Léger dans la journée”, a indiqué à l’AFP Guillaume Didier, porte-parole de la ministre.

“Rachida Dati recevra les membres de la commission pour un déjeuner de travail lundi”, a-t-il ajouté.

Le “Comité de réflexion sur la rénovation des codes pénal et de procédure pénale”, présidé par le haut-magistrat Philippe Léger, doit transmettre ce pré-rapport sur la réforme de toute la partie de la procédure qui précède le procès pénal.

Le rapport final, qui portera aussi sur le procès pénal lui-même, devrait être remis à l’été.

Alors qu’il était installé depuis le 14 octobre 2008, le comité Léger s’était vu assigner plusieurs “lignes directrices” par le président Nicolas Sarkozy, le 7 janvier, devant la Cour de cassation.

Le chef de l’Etat s’était alors prononcé en faveur de la suppression de la fonction de juge d’instruction au profit d’un nouveau “juge de l’instruction” qui ne dirigerait plus les enquêtes mais en contrôlerait le déroulement.

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Le samedi 28 mars, à 17 heures, les deux chaînes proposeront conjointement une spéciale consacrée à la réforme de l’instruction.

Présentée par Arnaud Ardoin et Anne Gintzburger, l’émission Le Juge d’instruction en question proposera un débat sur la réforme de la justice. Des experts y seront auditionnés par 7 parlementaires spécialistes du sujet, dont Marylise Lebranchu, Philippe Houillon et André Vallini.

En présence d’élèves de l’École nationale de magistrature, l’émission se déroulera dans la salle Lamartine de l’Assemblée nationale, où s’est notamment tenue la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau.

Le programme sera rediffusé le dimanche 29 mars, à 20 h 40 sur Planète justice et à 21 heures sur La Chaîne parlementaire.

P.C.
05/03/2009 – 13:48

Le Sénat a adopté le projet de réforme des institutions le 17 juillet 2008.

La garde des Sceaux a défendu mardi son projet de loi pénitentiaire devant les sénateurs, en leur demandant de revenir sur certains de leurs amendements notamment concernant l’encellulement individuel.

L’avis du patron de l’USM sur LCI Radio : un “projet extrêmement décevant”

La présentation du texte avait été reportée à deux reprises. La garde des Sceaux, Rachida Dati, a défendu mardi son projet de loi pénitentiaire devant les sénateurs, assurant qu’elle “propose une vision apaisée du monde pénitentiaire”, prenant mieux en compte les détenus. “Il propose de concevoir l’incarcération à partir de la personnalité du détenu et pas uniquement à partir de la peine” a-t-elle souligné. Il prévoit “de différencier les régimes de détention, de mettre en oeuvre des droits individuels issus notamment des règlements pénitentiaire européens” et “vise à favoriser les activités de formation et de réinsertion” a-t-elle détaillé. Pour la ministre, qui reconnaît que “les prisons françaises n’ont pas  toujours été à l’honneur de la France”, avec son texte “la prison devient  humaine et tournée vers l’avenir”. Les prisons françaises, surpeuplées, ont notamment connu récemment une vague de suicides.

Plusieurs pierres d’achoppement

Sur les questions en débat avec la commission des Lois à majorité UMP, qui a considérablement remanié son texte, elle a plaidé pour revenir au projet initial sur plusieurs points. La commission a notamment affirmé le principe de l’encellulement individuel pour les prévenus et les condamnés, s’opposant à la “banalisation juridique de l’encellulement collectif” proposée selon les sénateurs par le gouvernement. Pour Rachida Dati, “il ne s’agit pas de dire à la place du détenu ce qui est bien pour lui” mais “d’offrir un véritable choix, entre cellule individuelle et  cellule collective”.

La garde des Sceaux a souhaité le retour à une durée maximale de 40 jours pour le placement en quartier disciplinaire, ramenée à 30 jours par la commission. “L’an  dernier, plus de 500 agents ont été agressés, je ne peux l’admettre, il faut des  sanctions exemplaires”, a-t-elle dit. Elle s’est enfin opposée à la saisine du juge des référés par un détenu placé à l’isolement et à la reconnaissance d’un droit d’expression et de manifestation des personnels aligné sur celui des fonctionnaires.

“Dix ans que l’on attend cette loi pénitentiaire”

“Soyons nets, il y a deux textes, le texte initial de la chancellerie, décevant, et le texte de la commission des lois, qui comporte des avancées mais qui reste encore en retrait sur le droit commun et les règles pénitentiaires européennes”, a pour sa part réagi Alain Anziani (Doubs) lors d’une conférence de presse du groupe PS. Il s’est inquiété de la volonté du gouvernement – qui a déposé 8 amendements –  de revenir sur les avancées de la commission des Lois.

L’ancien garde des Sceaux Robert Badinter a lui stigmatisé la procédure d’urgence (une lecture par assemblée) déclarée par le gouvernement sur ce texte.  “Cela fait 10 ans que nous attendons la loi pénitentiaire, après tant d’attente,  cela méritait qu’on ait droit à la discussion” a-t-il dit. Le groupe PS a demandé au président du Sénat Gérard Larcher qu’il sollicite la levée de cette procédure. Son homologue de l’Assemblée nationale, Bernard  Accoyer (UMP), s’est prononcé mardi matin pour cette levée. Selon les nouvelles règles du travail législatif, l’urgence peut être levée  si les présidents de l’Assemblée et du Sénat le demandent conjointement.

Notes – Jean-Paul Jean – 13 février 2009 La réforme de la procédure pénale s’est engagée dans la précipitation, après l’annonce de la suppression du juge d’instruction par le Président de la République le 7 janvier dernier.
Selon Jean-Paul Jean, magistrat, professeur associé à l’Université de Poitiers et membre du groupe de travail “Justice et Pouvoirs” de Terra Nova, plutôt qu’une rupture illusoire, c’est une réforme pragmatique qu’il faut engager, dans le respect des libertés, de l’égalité et de l’efficacité de la procédure pénale.

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L’annonce mercredi 7 janvier par le Président de La République de la suppression du juge d’instruction est pour le moins inhabituelle : le comité de réflexion sur la rénovation des codes pénal et de procédure pénale, présidé par le magistrat Philippe Léger, n’a pas encore rendu son rapport, et la déclaration du chef de l’Etat a déjà provoqué la démission de deux de ses membres. Alors que s’est ouverte la procédure disciplinaire initiée contre le juge Burgaud, jugé pour le fiasco de l’affaire d’Outreau, le climat actuel ne prête pas à la sérénité. Or, les enjeux majeurs de la réforme de la procédure judicaire n’autorisent pas la précipitation. Il convient de prendre la distance nécessaire à la réflexion.

Les changements opérés depuis une décennie ont profondément modifié la procédure pénale. Les juges d’instruction, de moins en moins saisis, ont vu leurs prérogatives se réduire en faveur de celles du parquet et de la police. La procéduralisation croissante de l’instruction a conduit à la réduction du temps judiciaire consacré au traitement de fond et à la recherche de la vérité. Quant au transfert du pouvoir de placer en détention provisoire au Juge des Libertés et de la détention, il n’a pas suffit à limiter l’usage excessif de cette pratique.

Ce bilan appelle une réforme pragmatique du système pénal, guidée par le respect de l’égalité, des libertés, et de l’efficacité de la procédure pénale. Plutôt qu’une rupture illusoire, il conviendrait d’assurer une continuité réformiste, en limitant le rôle du juge d’instruction aux seules affaires qui nécessitent son intervention, et en poursuivant la modernisation du schéma global d’organisation de la justice pénale, pour concilier l’efficacité dans la lutte contre la criminalité et la protection des libertés.

Le juge d’instruction est trop souvent perçu à travers son mythe . Bien d’autres réalités se cachent derrière l’image du « petit juge » solitaire, chevalier blanc s’attaquant aux puissants, qui a marqué la période des affaires politico-financières des années quatre-vingt-dix. C’est à partir de ces réalités qu’il faut réfléchir sereinement à la fonction de juge d’instruction au regard des principes qui gouvernent l’enquête pénale.

La finalité de l’instruction préparatoire est de permettre le jugement d’une affaire pénale dans les meilleures conditions possibles : un délai raisonnable, les éléments de droit et de fait rassemblés contradictoirement pour un débat à l’audience publique permettant de statuer sur la culpabilité et, dans le cas où celle-ci est établie, sur la peine. L’intervention du juge d’instruction est obligatoire en matière de crime et nécessaire pour les délits concernant des affaires complexes ou dans lesquelles lui seul peut réaliser certaines investigations.

Les choix effectués depuis une décennie, sous deux majorités politiques différentes, ont profondément modifié la procédure pénale et recomposé la place des différents acteurs du système judiciaire . On peut résumer ainsi ces évolutions : les 616 juges d’instruction français sont de moins en moins saisis, et leurs prérogatives ont fortement diminué, tandis que celles du parquet et de la police se sont élargies, le tout sous un contrôle de plus en plus formel et ponctuel des juges du siège.

–  Des juges de moins en moins saisis : 30.800 affaires nouvelles en 2006 contre 43.600 en 1997, 7,4 % des crimes et délits poursuivis en 1996, 4,3 % en 2006.

–  Des instructions préparatoires de plus en plus lentes : avant d’aboutir à un jugement, 35 mois pour une affaire de moeurs ou financière.

–  Des juges de plus en plus concurrencés par le parquet : tant qu’une mesure de contrainte n’est pas nécessaire, les bureaux des enquêtes des grands parquets traitent les affaires en enquête préliminaire en demandant au juge des libertés et de la détention (JLD) les autorisations d’actes portant atteinte aux libertés (écoutes, perquisitions…). Ainsi, suite à une dénonciation de TRACFIN, l’affaire mettant en cause Julien Dray sans qu’il puisse avoir accès à la procédure aurait à l’évidence fait l’objet, il y a encore peu, d’une ouverture d’information. Les juges d’instruction parisiens spécialisés en matière économique et financière dénoncent la diminution de leurs saisines dans les affaires sensibles et une maîtrise totale du parquet sur la gestion de ces contentieux. En 2006, les 14 juges du pôle financier ont reçu 200 affaires nouvelles, 165 en 2007, et… 90 en 2008.

Si les juges d’instruction sont de moins en moins saisis par les parquets, leurs cabinets sont encore  encombrés de plaintes avec constitution de partie civile dont beaucoup n’ont d’autre but que de retarder une procédure civile ou commerciale ou de faire procéder à des investigations financées sur frais de justice. Ainsi, à Paris, en matière économique et financière, 60% des dossiers de cabinets d’instruction étaient ouverts à l’initiative des parties civiles, dont 80% se terminaient par un non-lieu. La loi du 5 mars 2007, en obligeant préalablement à saisir le parquet pour enquête et éventuelles poursuites, avant toute ouverture d’information , a utilement fait diminuer le nombre de ces procédures.

Les cabinets d’instruction sont également surchargés du fait d’une procéduralisation croissante qui conduit à multiplier les actes formels sans aucun intérêt pour ce qui constitue la mission première du juge, la recherche de la vérité. Les réformes législatives successives ont multiplié les possibilités d’intervention et de recours des parties, parquet, mis en examen, parties civiles. D’où une augmentation des saisines de la chambre de l’instruction en incidents, demandes d’actes et de nullité de procédure qui s’ajoutent aux contentieux relatifs à la détention provisoire et au contrôle judiciaire.

Le résultat de ce formalisme inadapté imposé par le législateur est une part de plus en plus réduite du temps judiciaire consacré au traitement des questions de fond. A la durée excessive des procédures d’instruction elles-mêmes, vient s’ajouter celle du délai d’audiencement pour que l’affaire soit jugée au fond, du fait de l’encombrement des tribunaux correctionnels et des cours d’assises. La France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi l’arrêt Crétello du 23 janvier 2007 constatant 5 ans de détention provisoire dont 17 mois entre la fin de l’instruction et l’ouverture du procès.

La loi Guigou du 15 juin 2000 a retiré au juge d’instruction son pouvoir le plus important, celui de placer en détention provisoire, transféré au JLD qui statue ponctuellement sur les demandes transmises par le juge d’instruction, voire par le parquet en cas de refus de saisine par le juge d’instruction, cette dernière possibilité étant issue de la loi Perben II du 9 mars 2004. Le juge d’instruction conserve la possibilité de placer le mis en examen sous contrôle judiciaire (cautionnement, interdiction professionnelle…), ainsi que, disposition favorable aux libertés, de remettre une personne en liberté à tout moment.

Toutefois le recours trop important à la détention provisoire et sa durée excessive, comme dans l’affaire d’Outreau, constituent toujours des vices majeurs de notre système. Malgré les textes, les pressions et les habitudes sont fortes. Le caractère exceptionnel de la détention provisoire, affirmé par l’article 137 du code de procédure pénale, n’est plus qu’un vœu pieux quand 3 personnes sur 4 entrent en prison à ce titre.

1 – QUESTIONS-CLES POUR DES AXES DE REFORME

Si l’on estime nécessaire une nouvelle réforme de notre système pénal pour les affaires complexes, celles qui aujourd’hui sont instruites par un juge ou devraient l’être, une approche ponctuelle n’est plus permise.

Peut-on penser l’instruction préparatoire et le magistrat qui en aura la charge en évitant le réflexe corporatiste (on attaque le juge d’instruction parce qu’il s’attaque aux puissants !), l’immobilisme (pourquoi changer alors que l’on envie notre système à l’étranger ?) et l’anglophobie primaire (il faut refuser le système accusatoire car le droit anglo-saxon nous envahit !) que l’on trouve très souvent exprimés de façon explicite ou implicite ?

Une autre approche est possible, fondée sur un pragmatisme conciliant le respect des principes du procès équitable et l’efficacité dans la lutte contre la criminalité. On peut réfléchir à l’amélioration de la phase préparatoire au jugement en partant de quatre questions clés. Avec un juge d’instruction plutôt que sans, la procédure pénale est-elle plus efficace ? Les libertés sont-elles mieux garanties ? L’égalité des armes entre accusation et défense, et l’égalité des citoyens devant la loi sont-elles mieux assurées ? Les ingérences politiques dans l’établissement de la vérité judiciaire sont-elles limitées ?

1.1 – LE TRAITEMENT DES DOSSIERS COMPLEXES EST-IL PLUS EFFICACE AVEC UN JUGE D’INSTRUCTION QUE SANS ?

Si l’on étudie les délais d’instruction, la réponse est non. Lorsque l’on analyse la valeur ajoutée du travail du juge d’instruction, la réponse est variable. Dans trop de dossiers, le juge d’instruction se contente de reprendre ou de compléter à la marge les investigations policières, voire de leur donner un cadre juridique pendant le temps de la détention provisoire. Pour une grande partie de ces dossiers qui passent actuellement par l’instruction, même pour des affaires  criminelles susceptibles d’aboutir en cour d’assises, il suffirait de saisir un juge de l’instruction qui autoriserait les principaux actes portant atteinte aux libertés, ordonnerait des compléments d’enquête et des expertises, statuerait en premier ressort sur les détentions provisoires et les mesures de contrôle judiciaire et s’assurerait par un débat public et contradictoire entre le parquet, les parties civiles et les mis en cause, que l’affaire est en état d’être jugée. L’essentiel est que le juge du fond soit saisi rapidement pour une audience publique qui devra nécessairement prendre plus de temps qu’aujourd’hui, puisqu’il faudra entendre les principaux témoins, procéder aux confrontations. L’oralité des débats, comme en cour d’assises, redeviendra la règle effective. Compte tenu des temps d’audience nécessaires, cela implique un redéploiement des moyens et des modes d’organisation modernes, que le système judiciaire peut intégrer si la pédagogie, les moyens humains et budgétaires précèdent et accompagnent la réforme. Egalement si, par ailleurs, pour dégager du temps d’audience, on traite selon le mode de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en débat public, des affaires graves mais dans lesquelles les faits sont reconnus.

1.2 – AVEC UN JUGE D’INSTRUCTION, LES LIBERTES SONT-ELLES MIEUX GARANTIES ?

Non, du fait de « la justice de cabinet » à laquelle on doit toujours préférer le débat public qui empêche les pressions expresses ou diffuses. Mais l’atteinte première aux libertés par la détention provisoire n’est plus le fait du juge d’instruction. Et malheureusement l’on doit constater que l’instauration du JLD, ce juge sans statut saisi ponctuellement, s’il a complexifié la procédure, n’a en rien fait diminuer la détention provisoire.

1.3 – L’EGALITE DES ARMES ET L’EGALITE DES CITOYENS DEVANT LA JUSTICE PENALE SONT-ELLES MIEUX ASSUREES AVEC UN JUGE D’INSTRUCTION ?

Oui. Dans un système de type inquisitoire comme le nôtre, le coût des procédures est à la charge de l’Etat, à la différence du système accusatoire de common law où les personnes modestes ne peuvent pas réellement assurer leur défense, ou documenter leur plainte en ce qui concerne les victimes. Beaucoup dépend de la qualité, des moyens et des prérogatives de la défense. Il faut donc créer un service public de défense pénale, financé sur le budget de l’aide juridictionnelle, intégrant des avocats seniors encadrant des plus jeunes assurant un minimum de cinq ans d’activité, avec un statut leur garantissant une totale indépendance. Le coût sera élevé, mais sans investissement lourd, l’égalité des armes ne sera qu’un leurre et seules les personnes disposant des moyens financiers suffisants pourront se permettre le recours aux services d’avocats spécialisés, l’appui d’experts et la mise en œuvre de contre-enquêtes.

1.4 – L’EXISTENCE DU JUGE D’INSTRUCTION PERMET-ELLE DE LIMITER LES INGERENCES POLITIQUES DANS L’ETABLISSEMENT DE LA VERITE JUDICIAIRE ?

Oui, car le juge d’instruction est celui qui peut conduire ses investigations lorsque des puissants sont en cause, notamment dans les affaires politico-financières. Nombre d’affaires de corruption, de financement illégal de partis politiques, d’abus de biens sociaux, impliquant le pouvoir socioéconomique ou des personnalités ayant les réseaux d’appui suffisants n’auraient jamais pu aboutir, voire n’auraient même pas été initiées si des juges d’instruction n’avaient pas été saisis. Là réside le principal risque si les procureurs se voient confier l’initiative de toutes les investigations. Le garde des sceaux, encore plus depuis la loi du 9 mars 2004, veut s’affirmer comme « le chef des parquets ». Les procureurs généraux sont nommés de façon discrétionnaire en conseil des ministres, la hiérarchie des parquets étant renforcée dans le cadre d’un processus de nomination très encadré qui promeut aux postes de responsabilité les plus proches du pouvoir en place. Les ministres de la Justice ne respectent plus les avis non conformes du Conseil supérieur de la magistrature, contrairement à la période 1997-2002. L’intervention du politique dans les affaires ne peut donc être contrebalancée que par l’indépendance des magistrats en charge des affaires sensibles ainsi que par la transparence des procédures et des décisions.

2 – DE DELICATS EQUILIBRES

La principale conséquence de la suppression du juge d’instruction serait le transfert de toutes les initiatives et des fonctions d’investigation au parquet, même dans les affaires les plus sensibles. Ce choix serait lourd de conséquences. Il ne pourrait évidemment, pour éviter les interventions du politique, garantir les libertés et être compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme , s’effectuer qu’après avoir accordé un statut garantissant l’indépendance des magistrats du parquet dans la conduite des enquêtes. Cette orientation semble difficilement compatible avec celles fixées par le président de la République, et en tous cas serait en contradiction totale avec les dispositions résultant de la loi du 9 mars 2004 .

L’hypothèse de la suppression du juge d’instruction implique donc préalablement une réforme  pour garantir l’indépendance des magistrats du parquet dans la conduite des affaires individuelles. Le statut de la police judiciaire devrait aussi être renforcé dans la loi, pour éviter les pressions de la hiérarchie politique et administrative du ministère de l’Intérieur qui a désormais autorité sur toutes les forces de police et de gendarmerie.

En fin de compte, plutôt qu’une rupture illusoire, ne serait-il pas plus raisonnable d’assurer une continuité réformiste et de rester en cohérence avec les conclusions de la commission parlementaire tirant les leçons de l’affaire d’Outreau ? Et donc mettre en œuvre, comme prévu par la loi du 5 mars 2007, la collégialité de l’instruction, autour des pôles de l’instruction, à compter du 1er janvier 2010. Le juge d’instruction ne serait pas supprimé, mais son rôle serait limité aux seules affaires dans lesquelles il apporte une réelle valeur ajoutée, par la nécessité d’investigations nouvelles, la grande complexité de l’affaire ou pour prévenir les risques d’intervention politique dans un dossier sensible.

Quand les faits sont reconnus, même en matière criminelle, il n’y a aucune raison de saisir un juge d’instruction pour allonger inutilement les délais de comparution à l’audience de jugement. Ce pourrait être un magistrat du siège, président du tribunal ou son délégué, obligatoirement saisi par le parquet, qui effectuerait le choix de saisir ou non un juge d’instruction. Pour tous les autres dossiers, un juge de l’instruction, à l’instar d’un juge de la mise en état en matière civile pourrait simplement, en audience publique, valider le fait que la procédure peut être transmise au tribunal pour être jugée au fond, avec une volonté forte d’accélérer les délais et de supprimer les temps morts de la procédure. Ce même magistrat exercerait également, avec un statut fixé par la loi, les fonctions actuellement dévolues au JLD. Mais, quelles que soient les solutions retenues, il convient d’améliorer le statut les magistrats du parquet pour garantir leur rôle constitutionnel de garant des libertés, leur impartialité dans la conduite des enquêtes et empêcher toute ingérence du politique dans les affaires individuelles.

Ces réformes, enfin, doivent s’articuler avec une conception rénovée de l’organisation judiciaire. La suppression de la fonction d’instruction – et donc aussi du JLD – dans tous les petits tribunaux permet une rationalisation et une économie de moyens. Le schéma global d’organisation de la justice pénale, heureusement repensé depuis la mise en place des pôles financiers et des assistants spécialisés en 1998, puis par les juridictions interrégionales spécialisées créées par la loi du 9 mars 2004, pourrait ainsi poursuivre sa modernisation et favoriser la coopération dans l’espace judiciaire européen, en conciliant efficacité dans la lutte contre la criminalité et protection des libertés. Au sein de cette justice spécialisée, des juges d’instruction moins nombreux, mais ayant fait l’objet d’une formation continue et d’un recrutement ad hoc, travaillant en équipe, assistés de collaborateurs de haut niveau, tiendraient toute leur place.

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14 février 2009 Ouest-France

Un avant-projet de réforme doit être présenté, fin mars,sur la base du rapport de la commission Varinard.

Trois questions à…Philippe Bonfils.

Professeurde droità Aix-Marseille IIIet avocat, membrede la commission Varinardsur la réformede la justicedes mineurs.

Pourquoi réformer l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs ?

Cette ordonnance a connu trente et une réformes. Elle est devenue illisible. Il existe un décalage entre la philosophie de ce texte, qui affirmait la primauté de l’éducatif sur le répressif, et la réalité de la délinquance des mineurs, qui a augmenté plus vite que celle des majeurs.

Que propose la commission Varinard ?

Le rapport fait soixante-dix propositions, dont soixante-huit ont été adoptées à l’unanimité. Nous proposons de rédiger un code de la justice pénale des mineurs. Il reprend le principe de l’atténuation de la responsabilité : un mineur de moins de16 ans encourt une peine diminuée de moitié par rapport à un majeur. Nous réaffirmons le principe de la primauté de l’éducation sur la répression. Mais nous en avons bien conscience, ce n’est pas en changeant les textes que l’on va tout changer.

Qu’en est-il notamment du seuil de 12 ans, qui a suscité une vive polémique ?

La commission propose de fixer la minorité pénale à 12 ans, âge en dessous duquel un jeune ne peut se voir appliquer une sanction pénale. C’est à partir de 12 ans que l’on observe une cassure dans les actes. L’emprisonnement ne serait possible qu’à partir de 14 ans, au lieu de 13 actuellement, sauf à titre exceptionnel en matière criminelle, dès 12 ans.

Recueillipar Yannick GUÉRIN.

Ça balance

Il est souhaitable que la (le) future ministre de la justice ait un poids et une expérience politique suffisants pour mener LA grande réforme de la Justice après Outreau. Il faudra qu’elle puisse avoir une vision structurante de la justice, une capacité à convaincre le Président de la République et une volonté de fer pour obtenir du ministère des Finances les indispensables moyens de la réforme.

Il lui faudra avoir de la volonté sans autoritarisme, une vue prospective de la justice, la capacité à dialoguer, le courage de s’opposer parfois au Président de la république,  une communication qui ne soit pas  autocentrée. C’est à ce prix qu’une nouvelle chance de réformer la justice de ce pays ne sera pas irrémédiablement gâchée.
La confiance de la population et des professionnels sera indispensable pour conduire la justice vers une réforme consensuelle et acceptée.

Le programme de la ministre devra permettre de corriger un état des lieux catastrophique :
• La  carte judiciaire, qui ne simplifie rien, mais tue la justice de proximité devra être revue ainsi que la dépense inutile de 500 millions d’euros qui y est afférente
• Une solution d’urgence devra être trouvée pour désencombrer les prisons surchargées comme jamais ;
• Le contrôleur général des prisons devra se voir doté de moyens suffisants ;
• La réforme de la justice des mineurs devra être menée à bien en maintenant la priorité éducative ;
• La ministre de la Justice devra retrouver son rôle de garde des sceaux, chargée de préparer la nouvelle  réforme constitutionnelle annoncée ;
• Elle devra respecter la liberté de parole des procureurs à l’audience (comme le prévoit le code de procédure pénale)  et ne pas convoquer un substitut dont les réquisitions à l’audience ne lui conviendraient pas ;
• Elle ne devra pas faire interroger une substitute en pleine nuit en violation de toutes les pratiques en matière disciplinaire ;

• Elle devra suivre les avis négatifs du CSM-parquet pour les nominations de procureurs comme le faisaient ses prédécesseurs Pierre Méhaignerie ou Elisabeth Guigou ;
• Elle ne devra pas politiser la justice ;
• Elle ne devra pas supprimer les juges d’instruction sans donner son indépendance au parquet et sans faire cesser les nominations des procureurs par le pouvoir exécutif ;
• Elle devra revoir les peines planchers qui aboutissent à des décisions injustes et à l’encombrement des prisons ;
• Elle devra abandonner le projet “dépénalisation du droit des affaires” alors que la crise financière prouve que les milieux d’affaires doivent être contrôlés ;
• Elle ne devra pas faire voter des lois d’application immédiate, censurées pour violation de la Constitution (comme celle sur la rétention de sûreté) ;
• Ministre de la justice en charge des libertés publiques, elle ne devra pas assister sans réagir à un accroissement record des mises en garde à vue sous contrôle du parquet ;
• Elle  devra revoir d’urgence la mise en place du nouveau logiciel de gestion des dossiers pénaux CASSIOPEE qui provoque des retards de traitement de plusieurs milliers de dossiers pénaux dans les tribunaux concernés ;
• Elle devra augmenter et non diminuer les recrutements annuels de magistrats à l’ENM  car la justice est encombrée comme jamais ;
• Elle devra résoudre le problème crucial de l’insuffisance du nombre de greffiers ;
• Elle ne devra pas re-signer les mêmes décrets que ceux qui risquent d’être annulés par le Conseil d’Etat afin de contourner celui-ci ;
• Elle améliorera la mise en  place des  pôles d’instruction qui ont pris un retard considérable et elle leur accordera des moyens supplémentaires ;
• Elle ne devra pas virer les membres de son cabinet et éviter d’établir ainsi un record au sein du gouvernement (le record actuel est de 23 membres de cabinet virés, dont 2 directeurs de cabinet par une seul ministre) ;
• Sous sa direction, la justice française ne devra plus disposer du budget de la justice par habitant le plus faible d’Europe (35ème rang en Europe) ;
• La justice ne devra pas être de plus en plus  encombrée ;
• La justice ne devra pas être de plus en plus compliquée ;
• La justice ne devra pas être de plus en plus lente ;
• Les droits de la défense ne devront plus être laissés à la marge ;

Une chance a été gâchée, il ne faudrait pas en perdre une deuxième.

Dominique Barella (ancien président  de l’Union syndicale des magistrats, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature) •

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