Reuters
Trois organisations de magistrats françaises se sont déclarés opposés lundi à un projet de réforme de la justice voulu par l’Elysée et qui prévoit la suppression du juge d’instruction indépendant.

Cette idée avancée par le président Nicolas Sarkozy le 7 janvier est défendue dans le pré-rapport d’une commission de réflexion dirigée par le magistrat Philippe Léger, qui a remis officiellement ses conclusions au ministère de la Justice.

L’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), le Syndicat de la magistrature (gauche) et l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) condamnent ce projet en soulignant qu’il aboutirait à donner tous les pouvoirs d’enquête aux procureurs, nommés sur décret du chef de l’Etat.

“L’AFMI, l’USM et le SM sont consternés par de telles propositions. Ils demandent solennellement la dissolution du comité Léger qui a démontré sa partialité et ses insuffisances”, déclarent les organisations dans un communiqué commun.

Recevant des membres de la commission Léger au ministère, la ministre de la Justice, Rachida Dati, a annoncé de son côté une “consultation” mais déclaré d’emblée qu’elle sera suivie d’un projet de loi après le rapport final de la commission Léger, attendu en juin.

“Il est désormais indispensable de faire évoluer la justice de notre pays en offrant à tous les garanties qu’une société moderne doit apporter à ses citoyens”, a-t-elle dit dans un communiqué.

Le rapport de la commission présidée par Philippe Léger prône la suppression du juge d’instruction et son remplacement pour les enquêtes par les procureurs, qui sont nommés par décret du président de la République et rendent des comptes au ministre de la Justice.

LIMITATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

La commission avance l’idée d’un “juge de l’enquête et des libertés” qui statuerait dans le cadre des investigations sur les mesures coercitives comme perquisitions, écoutes téléphoniques, mandats d’amener.

Il ne serait qu’un “alibi” d’indépendance, estiment les organisations de magistrats, qui soulignent que les procureurs français ne constituent pas, selon la Cour européenne des droits de l’homme, une “autorité judiciaire” valable, en raison de leur mode de nomination.

La commission propose en forme de compensation d’élargir l’accès des avocats aux dossiers d’enquête au stade des gardes à vue et de permettre un entretien plus rapide avec leur client, au bout de douze heures.

Il est question aussi de limiter la détention provisoire avant procès à six mois pour les délits mineurs, un an dans le cas d’un délit grave, deux ans pour un crime, trois ans en matière de terrorisme.

Présentée par l’Elysée comme un progrès pour les libertés publiques, la suppression du juge d’instruction, fonction de magistrat-enquêteur indépendant née en 1811, est considérée par la gauche et les syndicats de magistrats comme un moyen de placer le système judiciaire sous la tutelle du pouvoir.

Les juges d’instruction conduisent moins de cinq pour cent des affaires pénales, mais les plus importantes : tous les dossiers criminels et les investigations politico-financières.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

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