C’est sous la Révolution que le législateur a décidé de faire appel à l’intime conviction du juge.

Auparavant, la justice était rendue au nom du Roi. Lorsque le peuple est devenu souverain, elle l’a été au nom du Peuple français.

De plus, celui-ci a reçu la mission d’intervenir directement, sous forme de jury dans les cas les plus graves, c’est à dire pour juger les crimes.

Et, pour définir cette mission, la loi a fait appel à sa raison et à sa conscience; n’oublions pas que c’était l’époque du culte de la Raison.

D’où l’avertissement suivant aux jurés qui a longtemps figuré à l’article 342 de notre ancien code d’instruction criminelle:

« La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point: « Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins »; elle ne leur dit pas non plus: « Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices »; elle ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs: « Avez-vous une intime conviction ? »

L’intime conviction se retrouve dans le serment prêté par les jurés.

Sa formule était, en 1954, celle du code d’instruction criminelle, que l’actuel code de procédure pénale a d’ailleurs maintenue, sauf sous son aspect religieux.

Pour le recevoir, le président de la cour d’assises s’adressait à eux dans ces termes: « Vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre N…; de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre; de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions »

On voit que la loi n’impose aucun mode de preuve particulier.

Ce qu’elle demande aux jurés, et il en est de même pour les juges, c’est d’examiner les éléments à charge et à décharge selon leur raison et leur conscience et de se former ainsi une intime conviction.

Jean Giono l’a bien compris lorsqu’il a écrit la phrase souvent citée et parfois déformée « Je ne dis pas que Gaston Dominici n’est pas coupable. Je dis seulement qu’on ne m’a pas prouvé qu’il l’était ». Car il continue: « Le président, l’assesseur, les juges, l’avocat général, le procureur … ont la conviction intime que l’accusé est coupable. Je dis que cette conviction ne m’a pas convaincu ». Dans ce système, la preuve est libre, à condition toutefois qu’elle soit loyalement administrée. Elle peut être matérielle ou psychologique, directe ou indirecte. Il en résulte, et je comprends que cela puisse choquer certains, que le même élément de preuve peut être interprété à charge ou à décharge selon la conscience de chacun.

Cet article a 10 commentaires

  1. nassera

    Bonjour,
    les 12 et 13 novembre prochains va s’ouvrir le proces en appel de l’homme qui a tué ma soeur le 14 Septembre 2005, à la cour d’appel de chambery. il s’agit de son ex compagnon, m. HAREK Seddik, qui l’a assassiné de 25 coups de couteau (je dis assassiné car ceci était bien prémédité même s’il le nie). Il a écopé de 25 années de réclusion criminelle en assises.
    J’angoisse vraiment car ce proces va nous replonger, ma famille et moi, dans des choses tres tres douloureuses. Et chose, importante, ma soeur et son ex compagnon ont eu 3 enfants, qui sont actuellement chez mes parents. Ils avaient 2, 5 et 6 ans au moment des faits.
    J’espere que justice sera rendue, en memoire de ma soeur et que la peine sera à la hauteur de nos souffrances (mais même si perpétuité était rendue, ça ne pansera pas notre douleur).
    Si vous le souhaitez, je pourrais vous fournir mon témoignage ultérieurement.

    je reste joignable si vous le souhaitez: 06.65.17.39.52.
    cordialement,
    Nasséra

    ps: il est vrai que mon mail ne donne pas de véritable commentaire sur votre site, qui somme toute est fort intéressant, mais peut être aurai-je une oreille attentive à ce que je vis.

  2. coco

    bonjour,
    je comprends parfaitement votre douleur et je suis de tout coeur avec vous pour ce nouveau procès. Un appel est toujours angoissant pour les familles de victimes mais croyez bien que le jury est un jury populaire, c’est donc des gens comme vous et moi, ils sauront rendre une Justice juste.
    Je pense aussi beaucoup aux enfant qui doivent être soutenus en cette période difficile; entourez les de beaucoup d’amour comme je suis sûre que vous savez le faire.
    Bien à vous.
    Une étudiante en Droit qui espère entrer à l’école d’avocats pour faire un jour ce beau métier et soutenir des personnes comme vous et votre famille pour rendre Justice dans la sérennité.

  3. LLORCA Philippe

    Dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile déposée voilà trois ans avec consignation de 10 000 €, contre le PDG d’une filiale du groupe LAFARGE, le Juge d’instruction Nîmois ne voit toujours rien !… Les preuves dans le dossier sont édifiantes et accablantes. Les aveux de tous sont contradictoires et mensongers, y compris au juge lui même qui ne semblerait pas s’en être aperçu, s’acharnant a un curieux non lieu… Les réquisitions du Procureur adjoint, elles même apportent la preuve du faux en écriture et de l’intention frauduleuse et de la très très curieuse protection dont bénéficie ce PDG qui avoue lui même s’être fait construire six maisons sur le compte de la société qu’il dirige, au profit de la sci de son épouse… Drôle non ?

  4. LLORCA Philippe

    Suite Lafarge… Je pense que cette affaire que la hiérarchie semblerait vouloir étouffer au vu de la qualité des personnes poursuivies, devrait faire l’objet d’une médiatisation dans l’intérêt des Salariés et des Actionnaires ainsi floués.
    En effet, l’immense protection à tous les niveaux dont semble bénéficier l’auteur de ces énormes abus de biens sociaux serait probablement due au fait qu’il aurait, à son tour, tout autant voire plus à en dire sur d’autres pratiques dans le groupe s’il avait été jugé normalement , tout comme cet homme qui dernièrement à Nîmes et pour 100 € à été très rapidement condamné à une amende de 100 € et à 1 mois de prison avec sursis pour de semblables faits… 1 million d’€ pour un PDG contre100 € pour un vulgaire quidam…. Selon que tu seras puissant …

  5. Linda

    Bonjour, j’ai pris connaissance il y a peu de votre histoire. Mon copain se trouve dans la meme prison que le meurtier de votre soeur , et c’est lui qui m’en a parler. Je suis de tout coeur avec vous et votre famille, je ne dirais pas que je comprend parce que je ne suis jamais passer par la mais je tiens quand meme a vous faire part de mon soutien. Cette homme es un monstre selon moi et qu’importe la peine qui lui sera infliger se sera encore beaucoup trop doux comme punition. Je vous présente toutes mes condoléances. Bon courage.

  6. FreeDave

    Suite Lafarge. Quand on dit que la Justice est aveugle on exagère un peu : elle est juste borgne. Faite pour endormir les aveugles que nous sommes. Bien sûr que le statut social du prévenu est pris en compte par les Présidents de Cour, cela ne fait même pas débat pour ceux qui tiennent à établir des statistiques sur les peines distribuées dans les différentes juridictions. Mais il n’y pas que cela : la couleur de peau, les origines, la religion créent autant de facteurs/critères discriminatoires. Ceux qui ont mis les pieds en prison – c’est mon cas – vous diront qu’elles ont pleines de gens pauvres et d’origine étrangère. Les grands patrons vont-ils au placard? Ça leur arrive mais ils ne restent jamais bien longtemps.

  7. étudiante

    Bonjour,

    Je suis actuellement en 2nd année Bachelor of Science en Soins infirmiers, habitué de ce site, je suis touchée par votre courage. Ainsi, dans le cadre d’un cours sur l’accompagnement des familles en deuil, je m’interresse à votre histoire, parcours et le vécu des enfants, serait-il possible de me faire partager votre témoignage. Merci.

  8. Baly

    Que faire quand on est victime de gens faisant partie de l’ aristocratie, et ou des parvenus.

  9. scolopandre

    Comment s’ y prendre si les personnes membres de la secte racketeuse font partie des services secrets???

  10. nassera

    Bonjour,

    Je tiens à remercier les personnes qui m’ayant fait part de leur soutien via ce site. Je vous donne des nouvelles tardivement de ce procès en appel qui fut une épreuve terrible à vivre. 20 années de réclusion criminelle ont été prononcées. 5 années de moins qu’en première instance. c’est énorme mais aujourd’hui qu’importe? cette sentence ne ramènera pas ma soeur ni n’apaisera pas notre douleur. elle nous a permis de clore cette étape judiciare qui fut très très longue.
    aujourd’hin, ce qui nous importe ma famille et moi meme, c’est d’élever les enfants de ma soeur dans les meilleurs conditions, de leur donner de l’amour, et de les accompagner durant toute leur vie.
    je reste malgré tout avec un gout amer sur ce procès qui n’a pas permis à l’assasin de ma soeur de prendre conscience de son acte. il est resté tout le long dans une position de victime, en étant odieux dans ses propos, voire insultant.

    je reste à disposition pour la personne qui souhaitait prendre contact avec moi (etudiante en bachelor il me semble). voici mon mail: nassera71@yahoo.fr

    cordialement et en vous remerciant

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