Archive pour le mois : 09/2017
L’arrêt rapporté compte quatre moyens de cassation, tous rejetés par la haute juridiction.
Dans le premier moyen, la requérante, qui a été condamnée pour tentative d’assassinat et assassinat à trente ans de réclusion criminelle, reproche aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande de renvoi du procès en raison de l’absence de dispositif d’enregistrement sonore des débats. Ce moyen est intéressant puisque si, pour conserver la mémoire de l’audience, la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014 a prévu une obligation d’enregistrement sonore des débats des cours d’assises, il s’agissait, dans la première version du texte, d’une obligation sans sanction puisque le législateur avait prévu que cette obligation n’était pas prescrite à peine de nullité. Dans une question prioritaire de constitutionnalité du 20 novembre 2015, le Conseil constitutionnel avait retoqué le texte en ce qu’il interdisait toute forme de recours en annulation en cas d’absence d’enregistrement (Cons. const., 20 nov. 2015, n° 2015-499 QPC, Dalloz actualité, 23 nov. 2015, obs. C. Fleuriot ; RSC 2016. 393, obs. B. de Lamy ; C. Courtin, Inconstitutionnalité du défaut d’enregistrement sonore des débats de cours d’assises, D. 2016. 51 ). S’inspirant de cette jurisprudence constitutionnelle, la requérante considère en l’espèce que la décision de la cour d’assises n’a pas été suffisamment motivée par les juges, la privant ainsi de son droit à l’enregistrement sonore des débats de la cour d’assises (Crim. 19 juin 2016, n° 15-83.937, Dalloz actualité, 8 nov. 2016, obs. D. Goetz ). Or, en l’espèce, deux arguments – l’un factuel, l’autre juridique – doivent être soulignés. Premièrement, le procès-verbal des débats mentionnait l’absence de dispositif sonore d’enregistrement des débats. Deuxièmement, ces dispositions, codifiées à l’article 308 du code de procédure pénale, ne sont pas prévues à peine de nullité. En toute logique, il résulte de l’enchevêtrement de ces deux arguments que la Cour de cassation a déclaré ce moyen inopérant, en soulignant que « l’accusée n’a invoqué, à l’appui de sa demande de renvoi du procès, aucun grief pouvant résulter de l’absence d’enregistrement sonore des débats ». Cette solution tire toutes les conclusions de la réécriture de l’article 308 par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 qui, dans son dernier alinéa, dispose opportunément que « les dispositions du présent article ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure ; toutefois, le défaut d’enregistrement sonore, lorsque celui-ci est obligatoire en application du deuxième alinéa, constitue une cause de cassation de l’arrêt de condamnation s’il est établi qu’il a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne condamnée ».
Dans le second moyen, la requérante se concentre sur le rejet de sa demande de donné acte. En effet, à la lecture, par le président, des motifs de l’arrêt rendu par la cour d’assises de première instance, ses avocats avaient émis une protestation en ce que certains passages de la feuille de motivation leur paraissaient porter atteinte à la présomption d’innocence. Ils considéraient que les termes de ce rapport, en ce qu’ils affirmaient la culpabilité criminelle de l’accusée à raison de crimes dont elle n’avait jamais été déclarée légalement coupable, portaient atteinte à son droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence. Ils avaient sans succès demandé à la cour de leur en donner acte. Les juges du fond avaient considéré que, dès lors que le président donne conformément aux prescriptions de l’article 327 du code de procédure pénale connaissance de l’ensemble des motifs qui ont déterminé la décision rendue par la cour d’assises de première instance, il n’entre pas dans les pouvoirs de la cour de donner acte des protestations relatives au rapport de la présidente. La Cour de cassation confirme cette position connue (Crim. 26 juin 2013, n° 12-82.366, Dalloz actualité, 26 sept. 2013, obs. M. Léna ; D. 2013. 1778, obs. Laurent ; 26 juin 2013, n° 12-85.300 ; 14 déc. 2016, n° 15-86.303, Dalloz actualité, 10 janv. 2017, obs. C. Benelli-de Bénazé ) et n’accueille pas le moyen en rappelant que, si les parties peuvent effectivement critiquer la feuille de motivation, elles ne peuvent faire grief au président « d’avoir, conformément aux prescriptions de l’article 327 du code de procédure pénale, donné connaissance de l’ensemble des motifs qui ont déterminé la décision rendue par la cour d’assises de première instance ».
Dans le troisième moyen, la requérante remet en cause le rejet de sa demande de supplément d’information. Elle avait en effet sollicité l’ouverture du cercueil de sa mère afin de saisir une lettre susceptible de s’y trouver et qui accréditerait la thèse d’un suicide de la victime. L’accusé reproche à la cour d’avoir rejeté sa demande sans expliquer en quoi ce supplément d’information n’était pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Pourtant, les juges avaient pris le soin de préciser que cette mesure d’investigation n’était pas nécessaire à la manifestation de la vérité « compte tenu de l’ensemble des éléments recueillis lors des débats, en particulier les témoignages et les avis des experts ». Cet effort de motivation est, pour la Cour de cassation, suffisant puisqu’elle écarte le moyen en précisant que « la cour d’assises, qui a souverainement apprécié l’intérêt de cette mesure, a justifié sa décision ».
Enfin, dans le quatrième moyen, la requérante se fonde sur le rejet de sa demande tendant à poser des questions factuelles complémentaires à la cour et au jury durant les délibérations. En effet, après la lecture par le président des questions auxquelles la cour et le jury devraient répondre, la défense a demandé que soient également posées cinq questions purement factuelles. Pour justifier son refus, la cour d’assises avait placé au cœur de sa motivation son souci d’interprétation stricte des articles 348 et 349 du code de procédure pénale pour en déduire que les questions posées dans les termes de la prévention, lues par la présidente avant le début des plaidoiries des avocats des parties civiles, ne peuvent être complétées par des questions factuelles que la loi pénale n’autorise pas. Or, pour la requérante, ce raisonnement encourt deux griefs. D’abord, il méconnaît le sens de la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 qui a assorti l’article 349 du code de procédure pénale d’une réserve d’interprétation, aux termes de laquelle « l’accusé peut ainsi demander que la liste des questions posées soit complétée afin que la cour d’assises se prononce spécialement sur un élément de fait discuté pendant les débats » (Cons. const., 1er avr. 2011, n° 2011-113/115 QPC, Dalloz actualité, 5 avr. 2011, obs. S. Lavric ; D. 2011. 1154, point de vue W. Mastor et B. de Lamy ; ibid. 1156, point de vue J.-B. Perrier ; ibid. 1158, chron. M. Huyette ; ibid. 2012. 1638, obs. V. Bernaud et N. Jacquinot ; AJ pénal 2011. 243, obs. J.-B. Perrier ; Constitutions 2011. 361, obs. A. Cappello ; RSC 2011. 423, obs. J. Danet ; Dr. pénal 2011. 70, obs. A. Maron et M. Haas). Ensuite, cette analyse méconnaît, selon la requérante, le fait qu’aucun principe d’interprétation stricte ne gouverne la procédure pénale et que les textes de procédure doivent être interprétés dans le sens de l’octroi des meilleures garanties à la défense (R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel. Droit pénal général, Cujas, 2002, n° 180). La Cour de cassation, en écartant cet ultime moyen, confirme son attachement à la lecture des articles 348 et 349 du code de procédure pénale faite par les juges du fond. En effet, elle considère que la cour d’assises a justifié sa décision « dès lors que ne peuvent être posées à la cour et au jury des questions étrangères aux prévisions des articles 348 et 349 du code de procédure pénale ».
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