Droit au juge

Vous vous estimez lésé dans la jouissance ou l’exercice d’un droit ? On vous reproche d’avoir commis une infraction ?

Vous avez droit au juge, principe fondamental depuis 1789, dans l’ordre public international depuis 1999, Comprend le droit d’accès à un tribunal, pas entravé par des procédures qui en affecteraient l’exercice, ou par des considérations financières.

En matière civile : délais pour agir (prescription, forclusion, retrait du rôle, amendes civiles, abus de procédure, restrictions à l’aide juridictionnelle, plafond de ressources.

En matière pénale : limitations implicites (classement, non-lieu), modes parajudiciaires de règlement (médiation, transaction, etc.), si la renonciation de l’intéressé à un tribunal est dénuée de contrainte. La Cour européenne veille à ce que « limitation » ne signifie pas « suppression » du droit d’accès au juge, y compris dans l’exercice des voies de recours.


Convention européenne des droits de l’homme

Signée en 1950 dans le cadre du Conseil de l’Europe (crée la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg). La France l’a ratifiée en 1974. Les plaignants ont eu le droit de saisir la Cour de Strasbourg à partir de 1981, sous condition d’avoir utilisé toutes autres voies de recours (appel, cassation). La Cour apprécie la conformité des lois avec la Convention : elle a rejeté 90 % des requêtes. Selon l’article 6 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». La Cour a condamné la France plus de 100 fois pour : lenteur de la justice (au-delà « du délai raisonnable ») ; certains aspects de sa procédure pénale que le Parlement a dû modifier (abolition de l’obligation de se constituer prisonnier avant examen d’un pourvoi en cassation contre un arrêt de cour d’assises ; assouplissement du procès par contumace et modernisation procédure disciplinaire devant les ordres professionnels) ; « discrimination » en matière d’héritage à l’encontre des enfants adultérins (le Parlement a modifié la loi en 2002 pour se conformer à la jurisprudence), mais la Cour a refusé (en 2002) de reconnaître le droit à l’adoption pour les homosexuels ; non-respect de la liberté d’expression (mais la Cour a admis la violation du secret de l’instruction au nom de la liberté d’informer). [En 1998, la Cour a condamné la France pour non-respect de la liberté d’expression de l’Association de défense de la mémoire du maréchal Pétain, qui avait été poursuivie pour apologie du régime de Vichy.] La Cour admet (méthode anglo-saxonne) que lors des délibérations sur un arrêt, les juges mis en minorité rédigent une « opinion dissidente » figurant en annexe du jugement qu’ils contestent (or les magistrats français prêtent serment de « respecter religieusement le secret des délibérations » lors de leur entrée en fonctions).

Magistrats du parquet

(magistrature dite debout car ils requièrent debout) : représentants des intérêts de la société, ils sont amovibles et sous l’autorité du procureur général et du garde des Sceaux. Magistrats du siège (magistrature dite assise car ils rendent leurs jugements assis) : indépendants. Indépendance garantie par le principe de leur inamovibilité, leur recrutement par concours, la publicité de leurs nominations, et l’institution du Conseil supérieur de la magistrature, indépendant de discipline et de nomination. Juges administratifs : membres du Conseil d’État. Indépendance reconnue et étendue par le Conseil constitutionnel à l’ensemble de la juridiction administrative (loi du 6-1-1986). Relèvent du statut général de la Fonction publique, mais ne peuvent être révoqués que par décret.


Impartialité du tribunal

Principales garanties : protection contre menaces et attaques, secret du délibéré. En cas de doute sur l’impartialité d’un juge, le justiciable peut, dans certaines circonstances, le récuser (ex. les jurés de cour d’assises peuvent être récusés par le ministère public ou par l’avocat de la défense). Le justiciable ne peut pas être distrait de son juge naturel. L’arrêt Canal du Conseil d’État du 19-10-1962 a condamné la Cour militaire de justice en raison de la procédure suivie qui excluait toute voie de recours. A la suite de cet arrêt fut créée le 15-1-1963 la Cour de sûreté de l’État, juridiction d’exception permanente, compétente pour juger les crimes et délits contre la sûreté de l’État. Elle fut supprimée par la loi du 4-8-1981.


Respect des droits de la défense

Toute personne poursuivie ou détenue peut se faire assister par un avocat dans les meilleurs délais, et avoir accès tout au long de l’instruction de son affaire à tous les éléments détenus par le juge d’instruction.


Publicité des audiences

Lois des 16/24-8-1790 : règlent la publicité des plaidoyers, rapports et jugements au civil et au pénal. Constitution du 5 fructidor an III, article 208 : les séances des tribunaux sont publiques, les juges délibèrent en secret, les jugements sont prononcés à haute voix. Loi du 20-4-1810, article 7 : les arrêts qui n’ont pas été rendus publiquement sont déclarés nuls. Constitution du 4-11-1848, article 81 : la justice est rendue gratuitement au nom du peuple français. Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs. Code de procédure pénale, article 306 relatif à la cour d’assises : « Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique. (…) Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles ne s’y oppose pas. (…) L’arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique. » L’article 400
reprend l’essentiel de ces dispositions pour les tribunaux correctionnels.


Légalité des peines

Selon la Déclaration des droits de l’homme, « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi » (art. 7). Toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l’accusation portée contre lui (arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 1-2-1990). Les juridictions d’instruction et de jugement doivent donc, dans chaque affaire, qualifier les faits dans le cadre d’un texte de loi applicable. A défaut, il ne peut y avoir ni poursuite pénale (non-lieu), ni condamnation (relaxe). Il n’appartient pas aux tribunaux répressifs de prononcer par induction, présomption, analogie ou pour des motifs d’intérêt général ; une peine ne peut être appliquée que si elle est édictée par la loi (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 1-6-1992). L’application à des faits non prévus par un texte – d’une norme pénale régissant un cas semblable – doit rester exceptionnelle. Limite : détermination des contraventions par la voie réglementaire. La loi du 19-7-1993 a, dans son article 1er, supprimé des peines prévues par l’article 464 du Code pénal Napoléon l’emprisonnement en matière contraventionnelle.

Deux ordres de Juridiction

La séparation des pouvoirs, introduite lors de la Révolution, interdit aux magistrats des cours et tribunaux de connaître des actes de l’administration. Il existe 2 ordres de juridictions autonomes.

1) LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES appliquent le droit en 2 domaines : civil et pénal, dont chacun possède une législation propre (voir Codes, p. 1222 b), une compétence différente et une procédure particulière. Les juridictions civiles font appliquer le droit privé, qui règle les rapports des particuliers entre eux (ou des particuliers avec l’État considéré comme une personne privée). Les juridictions pénales font appliquer les lois et textes répressifs édictés par l’État. Il est parfois difficile de déterminer de quel domaine, civil ou pénal, relève une cause. Nombre (y compris DOM-TOM et collectivités territoriales) : Cour de cassation 1 ; cours d’appel 35 ; tribunaux supérieurs d’appel 2 ; de grande instance 181 (37 à compétence commerciale) ; de première instance 5 (3 à compétence commerciale) ; pour enfants 154 ; des affaires de Sécurité sociale 116 ; d’instance et de police 476 ; du travail 6 ; de commerce 185 (36 supprimés en 1999) ; conseils de prud’hommes 271.

2) LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES sont chargées de trancher les litiges nés à l’occasion du fonctionnement des services publics, ainsi que la plupart des litiges opposant les citoyens à l’administration. Nombre : Conseil d’État 1, cours administratives d’appel 8, tribunaux administratifs 36.


Juridictions interrégionales spécialisées (Jirs)

Créées loi Perben II 9-3-2004, 8 pôles (Bordeaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris et Rennes). Composition : 9 magistrats spécialisés (sauf Paris 18) aidés de fonctionnaires, greffiers et assistants spécialisés. Compétences : ressort de plusieurs cours d’appel et se verront confier des enquêtes sur les meurtres, enlèvements, tortures, traites des êtres humains, proxénétisme, trafics de stupéfiants, vols ou extorsions de fonds, blanchiment commis en bande organisée.


CONSULTER NOTRE LISTE DES BARREAUX