Ça balance
Il est souhaitable que la (le) future ministre de la justice ait un poids et une expérience politique suffisants pour mener LA grande réforme de la Justice après Outreau. Il faudra qu’elle puisse avoir une vision structurante de la justice, une capacité à convaincre le Président de la République et une volonté de fer pour obtenir du ministère des Finances les indispensables moyens de la réforme.
Il lui faudra avoir de la volonté sans autoritarisme, une vue prospective de la justice, la capacité à dialoguer, le courage de s’opposer parfois au Président de la république, une communication qui ne soit pas autocentrée. C’est à ce prix qu’une nouvelle chance de réformer la justice de ce pays ne sera pas irrémédiablement gâchée.
La confiance de la population et des professionnels sera indispensable pour conduire la justice vers une réforme consensuelle et acceptée.
Le programme de la ministre devra permettre de corriger un état des lieux catastrophique :
• La carte judiciaire, qui ne simplifie rien, mais tue la justice de proximité devra être revue ainsi que la dépense inutile de 500 millions d’euros qui y est afférente
• Une solution d’urgence devra être trouvée pour désencombrer les prisons surchargées comme jamais ;
• Le contrôleur général des prisons devra se voir doté de moyens suffisants ;
• La réforme de la justice des mineurs devra être menée à bien en maintenant la priorité éducative ;
• La ministre de la Justice devra retrouver son rôle de garde des sceaux, chargée de préparer la nouvelle réforme constitutionnelle annoncée ;
• Elle devra respecter la liberté de parole des procureurs à l’audience (comme le prévoit le code de procédure pénale) et ne pas convoquer un substitut dont les réquisitions à l’audience ne lui conviendraient pas ;
• Elle ne devra pas faire interroger une substitute en pleine nuit en violation de toutes les pratiques en matière disciplinaire ;
• Elle devra suivre les avis négatifs du CSM-parquet pour les nominations de procureurs comme le faisaient ses prédécesseurs Pierre Méhaignerie ou Elisabeth Guigou ;
• Elle ne devra pas politiser la justice ;
• Elle ne devra pas supprimer les juges d’instruction sans donner son indépendance au parquet et sans faire cesser les nominations des procureurs par le pouvoir exécutif ;
• Elle devra revoir les peines planchers qui aboutissent à des décisions injustes et à l’encombrement des prisons ;
• Elle devra abandonner le projet “dépénalisation du droit des affaires” alors que la crise financière prouve que les milieux d’affaires doivent être contrôlés ;
• Elle ne devra pas faire voter des lois d’application immédiate, censurées pour violation de la Constitution (comme celle sur la rétention de sûreté) ;
• Ministre de la justice en charge des libertés publiques, elle ne devra pas assister sans réagir à un accroissement record des mises en garde à vue sous contrôle du parquet ;
• Elle devra revoir d’urgence la mise en place du nouveau logiciel de gestion des dossiers pénaux CASSIOPEE qui provoque des retards de traitement de plusieurs milliers de dossiers pénaux dans les tribunaux concernés ;
• Elle devra augmenter et non diminuer les recrutements annuels de magistrats à l’ENM car la justice est encombrée comme jamais ;
• Elle devra résoudre le problème crucial de l’insuffisance du nombre de greffiers ;
• Elle ne devra pas re-signer les mêmes décrets que ceux qui risquent d’être annulés par le Conseil d’Etat afin de contourner celui-ci ;
• Elle améliorera la mise en place des pôles d’instruction qui ont pris un retard considérable et elle leur accordera des moyens supplémentaires ;
• Elle ne devra pas virer les membres de son cabinet et éviter d’établir ainsi un record au sein du gouvernement (le record actuel est de 23 membres de cabinet virés, dont 2 directeurs de cabinet par une seul ministre) ;
• Sous sa direction, la justice française ne devra plus disposer du budget de la justice par habitant le plus faible d’Europe (35ème rang en Europe) ;
• La justice ne devra pas être de plus en plus encombrée ;
• La justice ne devra pas être de plus en plus compliquée ;
• La justice ne devra pas être de plus en plus lente ;
• Les droits de la défense ne devront plus être laissés à la marge ;
Une chance a été gâchée, il ne faudrait pas en perdre une deuxième.
• Dominique Barella (ancien président de l’Union syndicale des magistrats, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature) •
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