Palais de justice
De 2 à 10 ans ferme pour avoir torturé un handicapé

Les agresseurs d’un homme souffrant d’épilepsie, qui avait subi à plusieurs reprises des séances de sévices allant jusqu’au viol, ont été condamnés lundi par les assises de l’Isère.
Les faits s’étaient produits en juillet 2006 dans la banlieue grenobloise.

La victime était un handicapé souffrant d’épilepsie ; ses agresseurs, quatre hommes et une femme. Les faits s’étaient produits en juillet 2006, à Grenoble. Séquestré, torturé à plusieurs reprises, le souffre-douleur avait été frappé à coups de ceinturon et de bâton, avait subi des brûlures de cigarette, et avait même été violé. Au cours de son calvaire, deux de ses tortionnaires l’avaient en outre contraint à se rendre chez ses parents pour y dérober des bijoux et 300 euros. C’est la raison qui avait fait éclater l’affaire, puisque les parents avaient alors porté plainte auprès de la police. Le handicapé, qui, terrorisé par ses agresseurs, n’avait pas osé porter plainte, avait alors expliqué aux enquêteurs comment il avait été conduit et menotté par trois personnes au domicile d’un des accusés, où il avait subi des sévices pendant trois jours. L’enquête devait révéler par la suite que la victime avait déjà été séquestrée à deux reprises et avait subi des sévices le mois précédant l’enlèvement.

Les agresseurs, jugés par les assises de l’Isère, ont été condamnés lundi à des peines de deux à dix ans de prison ferme. Après plus de six heures de délibération, la cour a globalement suivi l’avocat général, qui avait requis vendredi des peines de cinq à neuf ans de prison à l’encontre des cinq accusés.

Un rapt organisé par l’ex-maîtresse de la victime

L’ex-maîtresse de la victime, âgée de 38 ans, qui avait organisé son enlèvement en l’attirant dans un guet-apens dans la banlieue grenobloise où elle l’avait violé avec un coaccusé, a écopé de la peine la plus lourde : dix ans de prison. L’avocat général avait requis à son encontre 8 à 9 ans de prison. Plaidant “la solitude, la violence et l’exclusion” endurée toute sa vie par la femme, au point de “forger sa personnalité”, son avocat, Me Leonardo Castro-Gonzalez avait sollicité la clémence de la cour et une peine avec sursis.

Agé de 26 ans, l’accusé qui avait participé au viol, a écopé pour sa part de 6 ans de prison. Les trois autres, âgés de 21 à 50 ans, ont été condamnés à cinq ans de prison, dont trois ans avec sursis pour l’un d’eux. Ils ont été reconnus coupables d’avoir eux aussi infligé à leur victime de nombreux sévices.

D’après agence

par La Rédaction du DL |

« Une dégradation constante du service public de la justice sur la circonscription judiciaire de Vienne ».
Voilà le constat dressé hier par les avocats Viennois, lors d’une assemblée générale extraordinaire du barreau. Ces professionnels n’hésitent pas à évoquer un “démantèlement organisé du tribunal de Vienne”. Parce qu’ils ne veulent pas assister au phénomène les bras croisés, ils ont décidé à l’issue de leur AG, de s’engager dans une “grève générale et illimitée”. À compter du lundi 30 mars, ils n’assureront plus aucune audience, ni civile, ni pénale. Ils ne tiendront pas les permanences habituelles, ni lors de présentations devant les magistrats, ni lors des gardes à vue au commissariat de police ou dans les gendarmeries.
« C’est une mort par asphyxie du tribunal de Vienne »

Ils espèrent ainsi faire entendre leur grogne, dans un contexte particulièrement confus (lire en Repères).

En plus de s’insurger contre un déménagement du tribunal de Vienne vers Villefontaine, ils accusent « les pouvoirs publics d’avoir programmé la mort par asphyxie du tribunal de Vienne ». La preuve ? « Le TGI de Vienne n’a jamais obtenu une deuxième chambre correctionnelle alors que son activité le permet ». Les accusateurs qu’ils sont devenus citent aussi « le manque de moyens humains, en magistrats et greffiers, régulièrement dénoncé ». Il est vrai qu’il ne se passe pas une rentrée solennelle sans que le procureur de la République ne pointe du doigt, souvent avec finesse mais toujours avec pertinence, les postes pas pourvus ou en nombre insuffisant.
« Ces pénuries de personnel sont la cause de délais de jugements inadmissibles. Notamment au tribunal d’instance et aux affaires familiales où il faut entre neuf mois et un an pour qu’une affaire soit audiencée », s’emporte le bâtonnier Grabarczyk.
Il ne manque pas de comparer cette situation jugée précaire à celle, présentée comme privilégiée, du “concurrent” qu’est devenu le TGI de Bourgoin-Jallieu : « pour une activité 30 % supérieure, le TGI de Vienne fonctionne avec deux magistrats, deux juges de proximité et neuf fonctionnaires. Contre deux magistrats, quatre juges de proximité et onze fonctionnaires à Bourgoin ! ».
Pour illustrer à quel point le palais de justice de Vienne se craquelle selon eux, depuis plusieurs années, ils citent aussi « le transfert de l’instruction à Grenoble depuis mars 2008 (ndlr : dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire qui organise des pôles de l’instruction), le transfert du tribunal des affaires sociales à Grenoble en 2010 ».
L’avenir, sans même parler de l’éventuel déménagement vers Villefontaine depuis l’annonce verbale du 3 février, semble se profiler avec autant de nuages : « à très court terme, les perspectives sont inquiétantes », révèle maître Grabarczyk qui redoute qu’en juin, trois ou quatre postes de greffiers restent vacants, après le départ de leurs titulaires. « Les fonctionnaires sont vraiment démobilisés. À tel point qu’ils commencent à postuler pour d’autres juridictions. »
Un rendez-vous demandé au Président Sarkozy

Dans l’espoir de peser davantage, les avocats demandent aux juges et agents de « s’associer à notre mouvement et de reporter systématiquement toutes les audiences ». Ils lancent aussi un appel aux autres professionnels du droit, huissiers, notaires, etc. en leur proposant de rejoindre la protestation.
En bloquant ainsi l’institution, ils espèrent se faire entendre au plus haut sommet de l’État. Non pas à la Chancellerie (« nous n’avons plus d’interlocuteur dans ce ministère qui n’est plus dirigé par personne »), mais carrément à l’Elysée. « En sursis depuis 13 mois, et alors que la place Vendôme est incapable de nous fournir une feuille de route, nous demandons à être reçus par le président Sarkozy », annonce le bâtonnier.
ZOOM
MAL TRAITÉ MAIS PAS SUPPRIMÉ
À Vienne, si on digère très mal l’application de la réforme de la carte judiciaire, c’est en partie parce qu’en novembre 2007, Rachida Dati avait annoncé la suppression du TGI de Bourgoin-Jallieu au profit de celui de Vienne, sur un lieu restant à définir.
En février 2008, un décret a confirmé ses dires.
Un an plus tard, le 3 février de cette année, le directeur de cabinet de la garde des Sceaux a annoncé que le site choisi était un terrain de Villefontaine. Plus proche de Bourgoin que de Vienne. Depuis, sur les bords du Rhône, c’est la consternation.
À l’inverse de leurs collègues de Bourgoin, dont la juridiction est supprimée, les avocats viennois ne toucheront pas 10 000 euros par personne pour les indemniser.
Dans un récent courrier, ils ont interrogé la chancellerie sur cette différence de traitement. Il leur a été répondu qu’ils ne percevraient rien tant qu’aucun décret ne prononcera la suppression du TGI de Vienne.
« C’est la première fois que l’on mentionne notre suppression », s’inquiète le bâtonnier.

Paru dans l’édition 38B du 24/03/2009 (8c4e81d8-17ba-11de-b488-aa02800a7204)

La commission de révision des condamnations pénales a rejeté lundi la demande de remise en liberté de cet homme, condamné à 16 ans de prison pour le viol d’une adolescente.
En avril 2008, soit huit ans après les faits supposés, la victime s’était rétractée.
Depuis toujours, il clame son innocence. Pour autant, la commission de révision des condamnations pénales a rejeté lundi la demande de remise en liberté déposée par Loïc Sécher, condamné à 16 ans de réclusion criminelle pour le viol d’une adolescente, qui s’est depuis rétractée. En 2003, Loïc Sécher avait été condamné pour viols, tentatives de viol et agressions sexuelles par la cour d’assises de Loire-Atlantique. Un verdict confirmé en appel puis par la Cour de cassation. Mais en avril dernier, huit ans après les faits supposés, la victime, “fragile psychologiquement” et âgée de 13 ans au moment des faits, avait envoyé au parquet général une lettre affirmant que Loïc Sécher était “innocent et qu’elle ne supportait plus de le savoir en prison”.

Détenu à Nantes, l’ancien ouvrier agricole avait alors déposé une demande de révision, ainsi qu’une demande de suspension de peine. Le 13 octobre 2008, la commission de révision des condamnations pénales avait rejeté cette requête et ordonné “un supplément d’information”. Elle avait suivi la position du parquet général qui, lors de l’audience, avait estimé qu’il existait “d’autres éléments confortant les accusations d’origine, la lettre de rétractation n’étant pas seule de nature à justifier la suspension de l’exécution de la peine”.

Lundi, la commission de révision a de nouveau écarté la demande de Loïc Sécher, rappelant que “de nombreuses investigations étaient en cours, en exécution du supplément d’information d’octobre 2008”. “En l’état”, ont conclu les juges, il n’existe “pas d’élément justifiant la suspension de la peine”. “Je suis un peu déçue”, a réagi lundi son avocate, Me Corinne Le Saint, regrettant qu’il soit “très difficile pour la justice de revenir sur le passé”. “Ce n’est que partie remise”, a-t-elle alors ajouté, promettant de déposer une nouvelle demande dès que les expertises psychiatriques et psychologiques de la victime présumée auront été jointes au dossier.

(D’après agence

Par Chloé Leprince | Rue89
Le budget alloué à la détermination du contexte familial ou psychologique dans un procès civil passe de 1300 à 500 euros.
Le ministère de la Justice a décidé de sabrer le budget consacré aux enquêtes sociales. A la demande d’un magistrat, ces enquêtes sont réalisées le plus souvent par des psychologues mandatés au coup par coup par des associations. Leur mission :  faire le point sur le background familial ou psychologique et les conditions matérielles d’un foyer, par exemple en cas de divorce ou de placement d’un enfant.

Depuis un décret du 12 mars, leur budget a donc fondu :  de 1300 euros, il est passé à 500 euros par enquête. Une riveraine, psychologue et enquêtrice en région parisienne, a alerté Rue89 en transférant un courrier reçu de Pascal Souriau, membre de la direction de l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (APCARS).

Cette association est mandatée par les services judiciaires pour les enquêtes sociales en région parisienne :  sa compétence est territoriale et elle réalise les enquêtes sociales pour les tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Melun et Créteil.

Manque de concertation

L’auteur du courrier s’émeut de ces coupes drastiques et du manque de concertation :

« Nous avions connaissance de discussions en cours sur ces sujets mais nous n’attendions pas la parution de ces textes aussi rapidement. »

Alors qu’ils s’attendaient à un dialogue, les acteurs du secteur accusent la place Vendôme d’être passée en force. L’arrêté fixant les conditions financières des futures enquêtes a en effet suivi immédiatement le décret du 12 mars.

Sur le papier, ces enquêtes sont encadrées par le code civil à l’article 373-2-12. Leurs auteurs doivent prendre en compte aussi bien la réalité psychologique, environnementale, culturelle, économique et matérielle des familles, précisent les associations. L’enquêteur se prononce également au terme de son travail, par exemple sur l’exercice de l’autorité parentale.

Sur le terrain, ces enquêtes duraient jusqu’à présent trois mois, avec en règle générale deux rencontres avec chacun des parents, dont une au domicile. Le plus souvent, elles sont en effet demandées par la justice en matière familiale, pour tout ce qui concerne par exemple le droit de garde d’un enfant ou le lieu de résidence. Toujours en matière civile, elles peuvent être aussi réclamées par le juge des enfants.
Pour 500 euros, enquêtes baclées ?

Sur les 1300 euros facturés jusqu’à présent par une association, seule une petite partie revenait à l’auteur de l’enquête, le reste allant à l’association. Si le chèque n’éxcède pas 500 euros, le psychologue chargé de l’enquête ne devrait pas être payé plus de 80 à 100 euros.

A ce prix, beaucoup d’acteurs parient d’ores et déjà sur de futures enquêtes baclées. On sait pourtant que les magistrats, particulièrement en matière familiale, tiennent très largement compte de ces expertises.

Christophe Regnard, président de l’USM, premier syndicat de la magistrature, n’avait pas encore vu passer ce décret mais s’alarme du manque de moyens qu’il laisse augurer. Il fait même de ces enquêtes une « pierre angulaire » de la justice familiale, même s’il rappelle que le magistrat reste libre de s’en affranchir in fine.

Pour Christophe Regnard, il faut toutefois se garder d’y voir un peu trop vite « une décision idéologique » :  lui parie plutôt sur une énième scorie de « la logique comptable qui prime place Vendôme ».

Reste que ces enquêtes et les entretiens qu’elles permettaient étaient aussi l’occasion de tenir compte du background des gens passant devant la justice. Là où l’individualisation des peines et la prise en compte du contexte personnel étaient déjà mis à mal, en matière pénale, par la réforme des peines-plancher.

Méconnu, le rôle préventif d’un tribunal de commerce est pourtant essentiel en période de crise. Rencontre entre Didier Chenet, président du Synhorcat, et Christian de Baecque, président du tribunal de commerce de Paris.

Didier Chenet : Le tribunal de commerce, c’est qui, c’est quoi ?

Christian de Baecque : J’ai coutume de dire que c’est le partenaire institutionnel des entreprises. Il a trois activités, de mairie, de tribunal et d’hôpital. Le tribunal du commerce est d’abord un lieu de passage obligatoire pour toutes les entreprises puisque c’est là qu’on enregistre son existence. C’est le tribunal, par l’intermédiaire du greffe, qui établit l’état civil des entreprises. Deuxième mission, l’activité de tribunal. On a tendance à penser que c’est le lieu où l’on condamne. Dans le cadre du tribunal du commerce, nous ne sommes saisis que parce qu’il y a quelqu’un qui demande à ce que quelqu’un d’autre soit condamné. C’est le lieu où les entreprises viennent résoudre leurs litiges.

D. C. : Vous êtes le médiateur entre les deux…

C. de B. : Ce n’est pas tout à fait le terme, parce que nous n’essayons pas d’obtenir un accord entre les parties. Nous venons trancher un litige. Nous permettons aux gens qui n’ont pas trouvé de compromis par eux-mêmes d’obtenir justice. La quasi-totalité des litiges portent sur des sommes d’argent. La troisième activité, je la qualifie d’hôpital. C’est un terme qui peut paraître un peu violent, mais je le prends volontairement puisqu’il s’agit de traiter les difficultés des entreprises.

D. C. : On va chez le médecin comme à l’hôpital pour être soigné !

C. de B. : Si on tarde à aller voir un docteur, si on attend le dernier moment, on a peu de chance de s’en sortir ! Nous proposons un service de prévention. Nous recevons les chefs d’entreprise qui le souhaitent -malheureusement ils ne font pas encore assez – et nous essayons d’établir avec eux une sorte d’état des lieux. Cette prévention est surtout axée sur les très petites entreprises. Les dirigeants d’entreprises plus importantes ne sont jamais tout à fait seuls. Ils ont des conseils extérieurs, un état major…

D. C. : Cette notion de prévention est méconnue. Et puis, aller au tribunal fait toujours un peu peur.

C. de B. : Dans ce cas là, il ne faut pas craindre le tribunal. C’est un message à faire passer. Il faut rappeler que les interlocuteurs qu’ils auront sont eux-mêmes chefs d’entreprises, grands cadres ou ingénieurs. Ils comprennent les besoins des entreprises. Pour la plupart, ils ont eu dans leur vie professionnelle des hauts et des bas. À notre époque, il est quasiment impossible ne d’avoir qu’une succession de succès dans sa vie professionnelle. Ils sont donc en mesure de comprendre et leur but n’est pas de sanctionner l’entreprise. Leur objectif est d’aider le chef d’entreprise à passer ces difficultés. Et on est triste, car 90% des entreprises qui viennent nous voir aujourd’hui sont mortes. On se trouve dans un constat de pompes funèbres ou de médecin légiste. Ça ne fait pas plaisir au juge, qui n’a qu’un objectif, sauver l’entreprise. L’échec de l’autre est un échec pour tous.

D. C. : Comment devient-on juge ?

C. de B. : Les juges sont des hommes et des femmes issus du monde de l’entreprise et présentés par les fédérations professionnelles. Il faut avoir au moins 30 ans et avoir exercé pendant au moins cinq ans une activité de direction. En résumé, être noté sur un Kbis depuis cinq ans. En région parisienne, il existe une formation d’une soixantaine d’heures. Les notions juridiques à connaître ne sont pas très compliquées. Les litiges que nous tranchons reposent sur deux articles de droit. Je vais vous les simplifier : tout le monde effectue de bonne foi le contrat qu’il a signé ou qui n’est pas signé, mais qui est tacite. Et toute personne qui cause un préjudice à quelqu’un doit le réparer. Le droit s’arrête là. Après, ce sont des faits d’espèce. La fonction porte beaucoup sur l’expérience. D’ailleurs, un juge ne juge pas tout seul avant plusieurs années. Il est élu par les délégués consulaires. Il doit savoir écouter, avoir un esprit de synthèse et beaucoup plus de bon sens que de connaissances juridiques. Il faut aussi savoir que le système français est basé sur un système accusatoire. Celui qui fait une demande doit prouver ce qu’il demande. Le juge ici n’est pas un juge d’instruction, qui va faire une inquisition. Il n’est pas là pour faire une enquête. En fonction des éléments qui vont lui être donnés et expliqués par les parties, il prendra une décision. Ce sont des divorces commerciaux qu’il traite. La durée du mandat est de quatorze ans. Au bout, on ne peut pas être reconduit dans le même tribunal avant un an. C’est une charge bénévole. C’est une demi-journée de chef d’entreprise, plus 15 à 20 heures chez soi.

D. C. : Pour revenir à l’aspect préventif, la démarche est quand même complexe. Quand on va chez le médecin, on est obligé de tout lui dire, sinon il ne pourra pas nous guérir… Qu’est-ce qui garantit aux chefs d’entreprises la confidentialité ? Est-ce également un service payant ?

C. de B. : La prévention est totalement gratuite et le dirigeant est reçu de manière confidentielle. Le juge ne reçoit pas en tant que juge mais en tant que chef d’entreprise et il est seul. Personne d’autre n’assiste à l’entretien. La confidentialité est facile dans les grandes villes. Ailleurs, c’est plus complexe, bien sûr. Néanmoins, un juge peut recevoir dans un autre lieu.

D. C. : Il vous arrive aussi de convoquer un dirigeant.

C. de B. : À Paris, nous avons environ 3 000 convocations et 200 visites spontanées. Nous envoyons une convocation à partir des éléments que nous donne le greffe : dépôts de compte, pertes régulières et dans certains cas après des procédures d’alertes par le commissaire au compte ou d’inquiétude des salariés. La convocation a un caractère un peu difficile. On veut à la fois être un peu directif pour que la personne vienne nous voir mais nous ne voulons pas avoir un côté trop méchant car nous sommes dans la prévention.… Malheureusement, un tiers des personnes ne vient pas et c’est regrettable pour l’avenir de l’entreprise.

D. C. : À quel moment venir ?

C. de B. : Prenons un exemple. Il y a des grands travaux qui vont être faits dans votre rue et qui vont durer six mois. Vous aurez forcément une baisse de chiffre d’affaires, c’est à ce moment-là qu’il faut venir. En disant : “Est-ce que je ne pourrais pas renégocier les prêts que j’ai obtenus avec le banquier sous l’autorité du tribunal, parce que durant six mois je vais avoir obligatoirement des baisses de chiffres d’affaires ?” Il y a bien d’autres cas comme le ravalement de votre immeuble.

D. C. : Bon nombre de chefs d’entreprises ignorent complètement qu’on peut venir pour se faire aider vis-à-vis de son banquier…

C. de B. : Le tribunal ne va pas être celui qui propose, il va vous diriger vers telle ou telle personne. Il va vous dire : vous pouvez obtenir un échelonnement de la banque ou du propriétaire, en fonction des besoins de l’entreprise. Attention, il ne va pas trouver de remèdes à un chiffre d’affaires qui s’écroule par ce qu’il n’y a plus la clientèle. Dans tous les cas de figure, il faut venir le plus en amont possible. Il est essentiel d’anticiper les difficultés. Le rôle du tribunal est de lui dire voilà ce qui peut être fait… On n’est pas un conseil, mais un miroir. On dit à l’entreprise : “Regardez-vous et voilà ce que vous devez voir.” On lui donne des pistes, c’est une aide au diagnostic et des introductions. C’est ensuite au chef d’entreprise de choisir.
Propos recueillis par Sylvie Soubes

AFP
Le procès d’un professeur de lettres du Loiret à la retraite, Jean-Pierre 0., s’est ouvert lundi matin devant la cour d’assises de Savoie, où il comparaît pour avoir violé son fils adoptif, abusé de ses petits-fils pendant plusieurs années et de l’un de ses élèves.

Son épouse, qui comparaît libre, est également jugée pour ne pas avoir dénoncé certains abus alors même qu’elle avait été témoin de certaines scènes.

L’enquête avait démarré en 2006, suite au signalement d’une assistante scolaire d’un établissement savoyard, qui avait alerté la justice à propos d’attouchements infligés par Jean-Pierre O. à son petit-fils alors âgé de 5 ans.

Le père du garçonnet avait alors révélé aux enquêteurs avoir été lui-même violé par l’accusé, son père adoptif, des années durant, au même titre que son frère, également adopté.

En juin 2007, le parquet d’Albertville (Savoie) avait ouvert une information judiciaire pour “viols et agressions sexuelles aggravées”, menant à l’arrestation en janvier 2008 de l’accusé et de son épouse, tous deux âgés de 73 ans, dans le Loiret.

Au cours de sa garde à vue, Jean-Pierre O. a en fait reconnu avoir abusé de ses deux petits-fils, âgés de 5 et 8 ans, entre 2000 et 2003. Ces abus sur ces deux victimes lui valent d’être jugé dans ce procès pour “agressions sexuelles”.

Il a également avoué avoir violé ses deux fils adoptifs, certains faits s’étant déroulés dans le lit conjugal en présence de son épouse à leur domicile situé dans la région d’Orléans.

L’accusé ne sera cependant jugé que pour des viols commis sur l’un de ses fils adoptifs, les faits concernant le second étant prescrits.

Il devra enfin répondre d’abus sexuels sur l’un de ses anciens élèves à qui il donnait des cours particuliers.

Le verdict de ce procès de quatre jours est attendu jeudi soir.

LEMONDE.FR avec AFP, Reuters

Les magistrats, avocats, éducateurs, greffiers, policiers ou encore psychiatres, membres du collectif “des Etats généraux de la justice pénale”, réunis samedi 21 mars à l’Assemblée nationale, se sont notamment inquiétés de la réforme judiciaire qui prévoit la suppression du juge d’instruction. Les quelque 200 participants ont estimé “qu’il ne peut y avoir de réforme acceptable de la procédure pénale sans indépendance de l’autorité d’enquête”,

“Le projet de supprimer le juge d’instruction pour confier toutes les enquêtes à un parquet hiérarchisé et dépendant de l’exécutif”, prévu dans un pré-rapport du comité Léger pour une réforme pénale, “modifierait en profondeur notre régime procédural alors que les nombreuses réformes législatives que le parlement a adoptées ces derniers mois ne sont pour la plupart pas évaluées et pour certaines pas même en application”, constate le collectif, qui compte dans ses rangs l’ancienne juge d’instruction Eva Joly, le juge d’instruction espagnol Baltazar Garzon ou encore l’ancien garde des sceaux Robert Badinter.

M. Badinter, qui signait samedi un point de vue sur ce thème dans Le Monde, est intervenu lors de cette rencontre. “Si nous devons avoir toute la procédure d’enquête entre les mains du parquet, assisté de la police judiciaire, tel qu’est aujourd’hui le rapport des magistrats du parquet au regard du pouvoir politique, ce n’est pas admissible”, a déclaré l’ancien ministre. “Ce ne sera pas un progrès, ce sera une emprise beaucoup plus grande du pouvoir politique sur la marche des affaires individuelles”.

“AGGRAVATION DE RÉFORMES SANS RÉFLEXION PRÉALABLE”

A ses yeux, pour que le juge d’instruction disparaisse au profit d’un nouveau “juge de l’instruction et des libertés”, comme le prévoit le rapport Léger, il faut un certain nombre de conditions : que la nomination et la discipline des membres du parquet soient les mêmes que pour les magistrats indépendants du siège, que la police judiciaire soit rattachée au parquet et non au ministère de l’intérieur et que l’avocat ait accès au dossier à tous les stades de l’enquête.

En plus de la procédure pénale, les participants au “Etats généraux” ont planché sur d’autres thèmes, comme la justice des mineurs, la détention, les modèles judiciaire européens et le problème de la responsabilité pénale et de la maladie mentale. Globalement, ils ont noté “une aggravation du repli sécuritaire et de l’insécurité juridique” et une “aggravation de réformes sans réflexion préalable ni évaluation rend la justice pénale incompréhensible”, notamment en matière de droits des mineurs et sur la “criminalisation de la maladie mentale”. Le monde de la justice présent lors de cette réunion publique appelle également les Français à “participer à l’élaboration d’une ‘charte des principes intangibles’ garantissant une justice pénale indépendante et impartiale lors d’un grand rassemblement national le 20 juin 2009 à Paris”.