par La Rédaction du DL |

« Une dégradation constante du service public de la justice sur la circonscription judiciaire de Vienne ».
Voilà le constat dressé hier par les avocats Viennois, lors d’une assemblée générale extraordinaire du barreau. Ces professionnels n’hésitent pas à évoquer un “démantèlement organisé du tribunal de Vienne”. Parce qu’ils ne veulent pas assister au phénomène les bras croisés, ils ont décidé à l’issue de leur AG, de s’engager dans une “grève générale et illimitée”. À compter du lundi 30 mars, ils n’assureront plus aucune audience, ni civile, ni pénale. Ils ne tiendront pas les permanences habituelles, ni lors de présentations devant les magistrats, ni lors des gardes à vue au commissariat de police ou dans les gendarmeries.
« C’est une mort par asphyxie du tribunal de Vienne »

Ils espèrent ainsi faire entendre leur grogne, dans un contexte particulièrement confus (lire en Repères).

En plus de s’insurger contre un déménagement du tribunal de Vienne vers Villefontaine, ils accusent « les pouvoirs publics d’avoir programmé la mort par asphyxie du tribunal de Vienne ». La preuve ? « Le TGI de Vienne n’a jamais obtenu une deuxième chambre correctionnelle alors que son activité le permet ». Les accusateurs qu’ils sont devenus citent aussi « le manque de moyens humains, en magistrats et greffiers, régulièrement dénoncé ». Il est vrai qu’il ne se passe pas une rentrée solennelle sans que le procureur de la République ne pointe du doigt, souvent avec finesse mais toujours avec pertinence, les postes pas pourvus ou en nombre insuffisant.
« Ces pénuries de personnel sont la cause de délais de jugements inadmissibles. Notamment au tribunal d’instance et aux affaires familiales où il faut entre neuf mois et un an pour qu’une affaire soit audiencée », s’emporte le bâtonnier Grabarczyk.
Il ne manque pas de comparer cette situation jugée précaire à celle, présentée comme privilégiée, du “concurrent” qu’est devenu le TGI de Bourgoin-Jallieu : « pour une activité 30 % supérieure, le TGI de Vienne fonctionne avec deux magistrats, deux juges de proximité et neuf fonctionnaires. Contre deux magistrats, quatre juges de proximité et onze fonctionnaires à Bourgoin ! ».
Pour illustrer à quel point le palais de justice de Vienne se craquelle selon eux, depuis plusieurs années, ils citent aussi « le transfert de l’instruction à Grenoble depuis mars 2008 (ndlr : dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire qui organise des pôles de l’instruction), le transfert du tribunal des affaires sociales à Grenoble en 2010 ».
L’avenir, sans même parler de l’éventuel déménagement vers Villefontaine depuis l’annonce verbale du 3 février, semble se profiler avec autant de nuages : « à très court terme, les perspectives sont inquiétantes », révèle maître Grabarczyk qui redoute qu’en juin, trois ou quatre postes de greffiers restent vacants, après le départ de leurs titulaires. « Les fonctionnaires sont vraiment démobilisés. À tel point qu’ils commencent à postuler pour d’autres juridictions. »
Un rendez-vous demandé au Président Sarkozy

Dans l’espoir de peser davantage, les avocats demandent aux juges et agents de « s’associer à notre mouvement et de reporter systématiquement toutes les audiences ». Ils lancent aussi un appel aux autres professionnels du droit, huissiers, notaires, etc. en leur proposant de rejoindre la protestation.
En bloquant ainsi l’institution, ils espèrent se faire entendre au plus haut sommet de l’État. Non pas à la Chancellerie (« nous n’avons plus d’interlocuteur dans ce ministère qui n’est plus dirigé par personne »), mais carrément à l’Elysée. « En sursis depuis 13 mois, et alors que la place Vendôme est incapable de nous fournir une feuille de route, nous demandons à être reçus par le président Sarkozy », annonce le bâtonnier.
ZOOM
MAL TRAITÉ MAIS PAS SUPPRIMÉ
À Vienne, si on digère très mal l’application de la réforme de la carte judiciaire, c’est en partie parce qu’en novembre 2007, Rachida Dati avait annoncé la suppression du TGI de Bourgoin-Jallieu au profit de celui de Vienne, sur un lieu restant à définir.
En février 2008, un décret a confirmé ses dires.
Un an plus tard, le 3 février de cette année, le directeur de cabinet de la garde des Sceaux a annoncé que le site choisi était un terrain de Villefontaine. Plus proche de Bourgoin que de Vienne. Depuis, sur les bords du Rhône, c’est la consternation.
À l’inverse de leurs collègues de Bourgoin, dont la juridiction est supprimée, les avocats viennois ne toucheront pas 10 000 euros par personne pour les indemniser.
Dans un récent courrier, ils ont interrogé la chancellerie sur cette différence de traitement. Il leur a été répondu qu’ils ne percevraient rien tant qu’aucun décret ne prononcera la suppression du TGI de Vienne.
« C’est la première fois que l’on mentionne notre suppression », s’inquiète le bâtonnier.

Paru dans l’édition 38B du 24/03/2009 (8c4e81d8-17ba-11de-b488-aa02800a7204)

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