Aline Rossetto promène ses yeux bleus dans le vide sidéral laissé par les déménageurs, dans le tribunal de Lectoure. Il n’y a plus de meubles de style, plus de tableaux sur les murs pour cacher la tapisserie kitch des années 70. La réforme de la carte judiciaire est passée par là, à Lectoure, comme à Mirande.
Alors, la greffière fait contre mauvaise fortune bon cœur et profite d’une de ses dernières permanences pour évoquer le passé avec Georges Courtès.
« C’est 2 000 ans de tribunaux qui se terminent à Lectoure», soupire le président de la société archéologique pensif. Puis soudain : « Vous avez encore le prétoire ? »
« Oui, ça on nous le laisse », répond Aline délaissant le bureau pour la salle d’audience. Sur le mur du fond subsiste une immense tâche rectangulaire. C’est la trace laissée par La prise de voile, le tableau préféré d’Aline. « Lorsque je suis arrivée en 1979, tous les tableaux étaient aux archives, dans le fouillis, se souvient la greffière. Claudine Perks, la juge, avait décidé de les sortir pour décorer. Ils venaient de refaire la tapisserie. Avant, elle était vert bleu, avec des fleurs de lys, et les bancs étaient beiges. »
« Vous savez, ce tribunal a été sauvé une première fois, reprend Georges Courtès. Oh, bien après le tribunal romain, le tribunal seigneurial ou le tribunal royal remplacé par le tribunal de district, sous la révolution puis par le tribunal d’arrondissement sous Bonaparte. Bien après, aussi, que la veuve du maréchal Lannes ait fait don de ce bâtiment à la ville de Lectoure en 1818. Non, c’était lors de la réforme Poincaré, en 1926. L’État avait décidé de supprimer la moitié des sous-préfectures en France et du même coup le tribunal d’arrondissement qui allait avec. Les gens se sont terriblement mobilisés. Il y a eu des manifestations. Et on a rouvert en 1930. »
Il n’y a pas eu de mouvement de grande ampleur, en revanche, lorsque le gouvernement a décidé de revoir la carte judiciaire fin 2007. Dommage pour les fantômes dont l’ombre plane sur la « salle d’audience rose » : le juge Mage de Laterrade (son portrait décore aujourd’hui la salle des Illustres), Mlle Fornous (la collègue d’Aline, malheureusement décédée il y a trois semaines)… Tous font maintenant partie de la grande histoire. Comme ce « pépère » arrivé en pantoufles, qui ne comprenait pas que le juge lui demande d’enlever sa casquette. Bernard Comte était présent ce jour-là. « Il a répondu : j’ai pas que ça à faire », se souvient l’honorable historien en train d’imiter le justiciable à la barre.
Aujourd’hui, les nostalgiques du tribunal de la grande époque n’ont plus que ça à faire : se souvenir.
La mairie récupère les locaux, au premier étage de l’Hôtel de Ville. Leur affectation n’a pas encore été décidée. Aline y verrait bien un théâtre.
Permanences avant transferts définitifs
Myriam Saunier n’a pas remis les pieds à Lectoure depuis le déménagement du tribunal. Mais la future ex-juge d’instance peut compter sur sa greffière pour assurer la permanence jusqu’au transfert définitif à Condom, début janvier.
Aline Rossetto sera là de 14 heures à 16 heures, pendant les vacances… sauf le 24 et le 31 où la permanence sera assurée de 10 heures à 12 heures. Ensuite ? Toutes les personnes qui s’adressaient au tribunal de Lectoure vont devoir frapper à la porte de Filipa Guilen, l’actuelle juge d’instance de Condom, qui récupèrera tout le contentieux… autrement dit, un beau surcroît de travail. Car le secteur couvert jusqu’ici par le tribunal de Lectoure n’était pas un petit secteur. Il couvrait tout le nord du département, bordé par la RN 21 à l’ouest, et par l’axe Montestruc Mauvezin au sud.
Myriam Saunier a fait le compte. Elle avait 400 dossiers de tutelle et une cinquantaine de dossiers de saisie sur rémunération en cours. Elle prononçait aussi 150 à 200 jugements civils par an depuis son arrivée sur ce poste, en septembre 2007. Alors, c’est avec un brin de nostalgie dans la voix qu’elle évoque le passé récent : « C’était un endroit très convivial, très chaleureux pour travailler. Je me suis beaucoup attachée à ce tribunal et à ses fonctionnaires très dévouées », confie-t-elle dans son bureau à Auch, un endroit où elle n’est pas dépaysée. « C’est vrai que mon activité, c’était déjà 30 % à Lectoure, 70 % à Auch. À partir de janvier, ça va être 100 % à Auch puisque je serai juge au tribunal de grande instance. Mais je n’oublie pas les justiciables que j’ai connus à Lectoure. Ce qui va poser problème pour eux, ce sont les 25 km qu’il y a de Condom à Lectoure. Depuis Mauvezin, ça fait même une heure de route et il n’y a pas de transports en communs pour aller à Condom. Maintenant, tout ça va reposer sur les assistantes sociales qui risquent de devoir se déplacer pour aller chercher les gens qui n’ont pas le permis et les conduire au tribunal. » Un tribunal s’arrête, le souci du service public demeure.
À Mirande aussi les justiciables vont devoir se déplacer à partir du 4 janvier. Mais eux devront aller à Auch. D’ici là, le tribunal d’instance de Mirande garde une permanence dans ses anciens locaux, tous les jours de 15 heures à 17 heures.
SOURCE
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Les tribunaux d’instance tirent leur révérence…
Une page se tourne au tribunal d’instance du Blanc. Après Issoudun
et La Châtre, la juridiction blancoise a tenu sa dernière audience.
Le 31 décembre au soir, les trois tribunaux fermeront définitivement leurs portes. Une conséquence de la fameuse réforme de la carte judiciaire de 2007 qui avait suscité tant de remous. Après Issoudun et La Châtre, c’était donc au tour de la juridiction du Blanc de tenir sa dernière audience, vendredi dernier.
Déménagement
prévu
du 6 au 11
janvier
Conflits de voisinage, contraventions, contentieux civils inférieurs à 10.000 €, tutelles, litiges agricoles… Dès le 1er janvier, pour tous ces contentieux, l’ensemble des justiciables de l’Indre devront donc s’adresser au tribunal d’instance de Châteauroux. La juridiction castelroussine acquerra ainsi une compétence départementale. « C’est une particularité du département. Châteauroux sera le seul tribunal d’instance, du ressort de la cour d’appel, d’envergure départementale. Dans le Cher et la Nièvre, il reste en effet deux juridictions, à Vierzon et Bourges, et à Nevers et Clamecy », note Damien Ponz, juge d’instance à Châteauroux.
Quid des employés ? Les cinq fonctionnaires anciennement affectés à Issoudun et La Châtre rejoindront donc, au 1er janvier, la juridiction castelroussine. Les deux fonctionnaires du Blanc, quant à eux, sont mutés à Poitiers. Mais leurs postes seront pourvus à Châteauroux. Le tribunal d’instance castelroussin comptera donc autant de fonctionnaires qu’avant l’absorption des tribunaux. Autrement dit, dix-huit.
Pour compenser la disparition de ces juridictions, le nombre d’audiences va donc augmenter à Châteauroux. « Au lieu de deux audiences civiles par mois, il y en aura trois », indique Jean-Marc Acolas, directeur de greffe du Blanc. Et le renfort d’un magistrat supplémentaire est attendu, courant 2010. « Le tribunal d’instance de Châteauroux va devenir une juridiction d’envergure », déclare le juge Damien Ponz. Oubliée, la polémique sur la fin de la justice de proximité. Désormais, il faut passer à l’action.Le déménagement des juridictions est prévu du 6 au 11 janvier.
Camille Chatillon-Thiery