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AP Verena von Derschau

Surfant sur le bilan sévère du contrôleur général des lieux privatifs de détention, le débat permanent sur l’état des prisons françaises et après une visite dans les sous-sols insalubres du Palais de justice de Paris, les douze jeunes avocats de la conférence du barreau de Paris ont décidé de dénoncer publiquement les conditions de détention dans les cellules de la souricière et du dépôt en essayant de s’en servir pour faire annuler des procédures devant le tribunal correctionnel de Paris. Lire la suite l’article

Le premier acte s’est déroulé jeudi devant la 23e chambre qui gère ces procédures expéditives. Venus en force, ces douze conseils qui, durant une année, vont être commis d’office dans des affaires pénales pour défendre les plus démunis, ont plaidé collectivement l’annulation d’un dossier au motif que leur client devait attendre son jugement dans un lieu “indigne de notre justice”. En l’espèce, le prévenu était un jeune homme de 18 ans jugé pour des outrages et des violences envers des policiers lors d’une interpellation musclée dans le XXe arrondissement de Paris le 17 mars dernier.

“La presse en parle, l’Europe en parle, mais les politiques ne s’y intéressent pas. C’est un coup de pinceau avant que le commissaire européen arrive, des réformettes, c’est un déni de justice”, s’est exclamé Me Pierre Combles de Nayves qui a pris la parole au nom des douze secrétaires de la conférence. Cette manifestation collective a été décidée après une visite de ces lieux de détention où “sous nos pieds des gens attendent parfois vingt heures dans des conditions indignes”.

Or, arguent les jeunes défenseurs, dans l’indifférence totale des trois magistrats, le code de procédure pénale prévoit la comparution d’un détenu dans des conditions correctes après un séjour dans un local spécialement aménagé. “Il aurait dû être libre et propre”, a martelé Me Combles de Nayves.

Pour Me Cédric Labrousse, le dépôt est “une zone de non-droit”. Il avait réclamé une semaine avant l’audience la copie du registre du dépôt où les gendarmes consignent les faits et gestes des détenus. “Au dépôt, mon client a droit à voir un avocat, de s’alimenter, de contacter un proche et de voir un médecin. Je n’ai aucun moyen, et le tribunal n’a aucun moyen de vérifier que ces droits lui ont été notifiés”, s’est insurgé l’avocat.

Visiblement embarrassée, la procureure Flavie Le Sueur a dû admettre que “les magistrats sont conscients que les conditions d’accueil sont tout à fait indignes et parfaitement inacceptables”. “Ce n’est pas un quatre étoiles. Mais c’est le reflet de ce qu’est la justice française aujourd’hui. Nous n’avons des ramettes de papier au compte-gouttes, pas de clé USB, pas d’écrans plats. Voilà les conditions dans lesquelles on travaille ici”, a-t-elle souligné.

Sans prendre position, elle a laissé le choix au tribunal d’annuler le PV de comparution immédiate, “ou pas” ou de renvoyer l’affaire afin d’aller visiter le dépôt. Dans la soirée, le jeune prévenu a finalement écopé de trois mois ferme et a été remis en liberté. Sans publier ses motivations, le tribunal a rejeté les nullités soulevées. La peine étant relativement faible, l’histoire n’ira probablement pas en appel.

“On compte remettre ça”, promet d’ores et déjà Me Combles de Nayves. Les douze secrétaires de la conférence se disent “scandalisés” par l’indifférence des magistrats et espèrent bien tomber un jour sur une formation qui, à l’image de ce qui s’est passé récemment à Créteil, annulera des comparutions immédiates à cause des conditions de détention dans les dépôts insalubres des palais de Justice français. AP

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Froid, manque d’hygiène : en cellule à Bobigny

Détention. Le contrôleur des prisons publie ses recommandations après sa visite au dépôt du tribunal de grande instance.

ONDINE MILLOT

Les toilettes sont bouchées et on trouve, par terre, une bouteille remplie d’urine. Les murs sont couverts de traces d’excréments. On aperçoit dans une pièce à côté un homme en train de se déshabiller pour être fouillé : les portes du local de fouille ne ferment pas, il ne peut pas se cacher. Il fait froid, l’odeur est «pestilentielle».

Geôles. On croirait là une description des geôles d’une dictature archaïque, mais non, il s’agit des observations faites par le contrôleur des prisons lors d’une visite au dépôt du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 13 octobre. Une semaine après avoir rendu public son rapport annuel, le très actif contrôleur Jean-Marie Delarue publie ce matin au Journal officiel les «recommandations» que lui ont inspiré cette visite à Bobigny. On y retrouve un certain nombre de points dénoncés dans son rapport, qui concernait l’ensemble des 52 lieux de privation de liberté visités depuis juillet 2008, notamment les conditions d’hygiène déplorables et l’absence totale d’intimité.

Au dépôt du tribunal de Bobigny, au moment de la visite de Jean-Marie Delarue et de son équipe, 50 personnes étaient présentes à l’intérieur du bâtiment, qui comporte 31 cellules. Le dépôt est l’endroit où sont transférées les personnes qui terminent une garde à vue et attendent d’être déférées au parquet ou jugées en comparution immédiate. La plupart ont déjà passé au moins une nuit, parfois plus, en garde à vue, où ils n’ont pu, note le contrôleur dans son rapport, ni se reposer, ni se laver.

«Ogre».On attendrait donc du dépôt qu’il soit un sas leur permettant de se préparer au rendez-vous avec le procureur ou à l’audience qui les attend : «Toute personne doit pouvoir comparaître dignement devant son juge ; cette exigence rejoint celle des droits de la défense», écrit le contrôleur dans ses recommandations. Hélas, c’est l’inverse. «Le sommeil est perturbé par un éclairage permanent des cellules y compris la nuit et par l’absence de véritable couchage» (ni matelas, ni couverture, la seule possibilité est de s’allonger sur des bancs en béton). «La toilette est impossible» et la nourriture insuffisante (pas de petit-déjeuner le matin, un seul sandwich pour la journée).

A nouveau, Jean-Marie Delarue demande à ce que «la pratique du retrait du soutien-gorge et de la paire de lunettes de vue» soit abandonnée. «La chronique des commissariats ou brigades recèle peu de récits d’attaques au soutien-gorge», notait-il ironiquement dans son rapport. Il insiste pour que la confidentialité des entretiens avec les avocats et travailleurs sociaux soit assurée – ce qui n’est pas le cas actuellement -, répète que les fouilles doivent respecter l’intimité. Et que, au dépôt de Bobigny comme dans les autres lieux de détention, l’exigence de sécurité, cet «ogre jamais rassasié», cesse de bafouer constamment les droits de l’homme.

Maison de l’outre-mer, vol de sable sur un chantier… plusieurs enquêtes sont en cours.
K.L.

Les enquêtes judiciaires ne sont pas «en souffrance» dans les Hauts-de-Seine, assure-t-on au parquet de Nanterre. Au contraire : elles sont désormais rapides. Anticipant le projet de suppression du juge d’instruction, Philippe Courroye, le procureur de Nanterre, privilégie désormais la carte de l’enquête préliminaire confiée à la police à la saisine des juges d’instruction. Souvent limitées aux premiers faits relevés, ces enquêtes font l’objet de citations directes au tribunal, quand elles ne sont pas classées sans suite.

L’affaire de la SEM Coopération 92 a été ainsi classée dans la discrétion à l’automne. Cette structure créée sous Pasqua, en cours de liquidation par le département, était dotée d’un budget de 4,5 millions d’euros. Très critiquée pour son opacité, elle a été présidée par Sarkozy entre 2004 et 2005, jusqu’à ce que le commissaire aux comptes refuse d’en approuver la comptabilité. Coopération 92 avait pour priorité la construction de ponts et de salles de classe dans le haut-Ogooué, la région du président Omar Bongo, au Gabon. Le commissaire aux comptes avait révélé des présomptions d’emploi fictif concernant Alain Robert, patron de la fédération de Paris du Rassemblement pour la France (RPF), et il signalait les études réalisées par le fils d’un conseiller général, Jean-Paul Dova, sur les échanges entre le 92 et Hongkong.

«Jeté en pâture». Le parquet avait ouvert une enquête préliminaire, mais il s’est aperçu que les réquisitions bancaires avaient été effectuées sans autorisation par les policiers. Les documents ayant été «saisis de manière irrégulière», l’enquête devenait «nulle». Elle s’était restreinte aux faits de «prise illégale d’intérêts» d’un montant estimé à 80 000 euros concernant les Dova père et fils. Ce qui tombe bien puisque Jean-Paul Dova est devenu vice-président du conseil général chargé de la coopération internationale.

Autre affaire, celle de la Maison de l’outre-mer en cours de liquidation et qui fait l’objet d’une enquête préliminaire à la suite d’une plainte du département. Cette structure, créée à l’initiative de Pasqua et confiée à un membre du RPF, a été fermée par Sarkozy. Fin 2006, le conseil général a voté une subvention de 870 000 euros pour apurer le passif. «Ce qu’on a reproché à la Maison de l’outre-mer, c’est de ne pas nous avoir rendu compte de l’usage des fonds, du fait de l’importance de la subvention», explique Alain-Bernard Boulanger, premier vice-président (DVD) du conseil général. «Ce sont les liquidateurs qui ont disparu, rétorque l’un des responsables de l’association. Nos archives ont été emportées par les services du département.» La Maison de l’outre-mer, qui voulait développer des hébergements d’urgence, n’aurait pas prévu la décision du département de lui couper les vivres. «On nous a reproché aussi des conventions de remise de fonds, en espèces, pour l’organisation d’une initiative haïtienne, mais cela avait été fait en accord avec la présidence du conseil général», signale l’ex-directeur qui se plaint «d’avoir été jeté en pâture» par le département. Le parquet envisage désormais la citation directe de deux suspects.

Dernière casserole en date : en 2008, le président du conseil général, Patrick Devedjian, révèle la «disparition» d’une livraison de sable sur l’un des chantiers départementaux dont la SEM 92 est maître d’ouvrage, celui de la construction de l’IUT de Gennevilliers. Plusieurs centaines de milliers d’euros sont en jeu. Une enquête préliminaire est ouverte et en cours. «J’ignore qui a pu voler le sable, commente Boulanger, qui préside la SEM. C’est assez classique sur les chantiers.»

«Musée». La société d’économie mixte SEM 92, avec ses 90 millions d’euros d’investissement annuels, était une pièce maîtresse de l’ancien conseil général présidé par Pasqua. On la retrouve dans le dossier de la fondation Hamon, actuellement à l’instruction à Versailles : un projet de musée avorté sur l’île Saint-Germain, qui a coûté 7 millions d’euros. «La SEM 92, qui avait la maîtrise d’ouvrage du futur musée, a encaissé près de 4 millions d’euros pour rien,explique Philippe Gumery, l’avocat du donateur. Son intervention s’est limitée à l’élaboration du projet et à la destruction d’une boulangerie industrielle sur le site. Et il n’y a toujours pas eu d’enquête de ce côté-là.»

AFP Frédéric FARINE
“Nous sommes gérés à 1.500 km, ce qui confine à l’imbécilité”, a déclaré à l’AFP, Me Patrick Lingibé, bâtonnier de Guyane, le seul département d’outre-mer sans cour d’appel et dont l’organisation judiciaire est gérée à Fort-de-France (Martinique).

La Guyane, c’est “entre 70 et 90 meurtres par an, plus qu’à Paris intra-muros”, souligne le procureur de la République François Schneider.

“En termes de charge de travail, la Chancellerie considère que chaque magistrat doit traiter 1.100 affaires par an. On en est à 4.800 par magistrat du parquet à Cayenne”, poursuit-il.

“Il y a une attitude de mépris de la Chancellerie”, estime Me Lingibé qui avait “cru à la volonté affichée d’une politique forte pour la Guyane lors d’une réunion au ministère de la justice le 19 mars”.

Selon l’avocat, “le mouvement va prendre d’autres formes d’action”. “Et puisque la garde des Sceaux et son cabinet sont en partance, pour nous, il s’agit maintenant d’aller au coeur de l’Elysée pour trouver des solutions politiques pérennes”, a-t-il promis.

Quelques jours après le début de la grève, Rachida Dati avait envoyé à Cayenne une mission d’inspection qui lui a rendu son rapport le 25 mars. Or, un audit des chefs de cour de 2008 a déjà souligné le “problème central” du tribunal de grande instance de Cayenne, à savoir les effectifs. Ce déficit en fonctionnaires a été chiffré à une vingtaine.

Le 26 mars, Me Lingibé a reçu un courrier de la Chancellerie dont l’AFP a pris connaissance, lui annonçant le déblocage de “100.000 euros” pour notamment “réparer des infiltrations d’eau” ou refaire “l’outil informatique”.

“A part ces 100.000 euros pour des réparations d’urgence, on n’a pas avancé. Cette lettre reprend ni plus ni moins les mesures annoncées par les chefs de cour (de Fort-de-France) avant la grève”, affirme-t-il.

Parmi ces mesures figure aussi l’envoi de vacataires sous forme “de déblocage de crédits de 56 mois” de vacation. “Une décision déjà prise par les chefs de Cour avant la grève et qui ne répond pas aux besoins”, selon le juge Stéphane Rémy, du syndicat de la magistrature.

Au titre du “renforcement des effectifs” figure également “l’installation du président du Tribunal de grande instance”. Or, si le TGI de Cayenne n’avait plus de président depuis fin juillet 2008, il en est pourvu depuis le 24 mars et cette arrivée était prévue avant la grève.

Il est évoqué aussi “des réflexions de fond à bref délai” sur l’organisation administrative de la justice en Guyane, avec la création d’une cour d’appel, d’une cité judiciaire à Cayenne et d’un TGI à Saint-Laurent du Maroni (frontière du Surinam).

“La réflexion évoquée est certes intéressante mais par rapport aux avancées d’un contrat d’objectifs signé en 2005 avec le précédent garde des Sceaux, on se demande si l’on n’est pas dans un jeu de dupes”, a commenté Me Lingibé.

Ce contrat proposait en effet de réfléchir à l’opportunité de créer une juridiction à Saint-Laurent du Maroni.

Du fait de la grève, aucun dossier de la session d’assises de mars n’a pu être jugé.

Quant aux archives (d’avant 2006) et aux scellés de la juridiction, faute de place au tribunal, ils sont toujours à l’abandon, moisissant sans surveillance depuis des années dans l’ancienne prison désaffectée de Cayenne.

Laurence de Charette
Un budget de 300 millions par an, près de 900 000 justiciables bénéficiant de cette assistance juridique gratuite : le système de l’aide juridictionnelle est au bord de l’implosion.

Dans le box de la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le jeune homme aux cheveux d’ébène tente de faire entendre sa cause aux trois magistrats. Le prévenu «se disant Abdelkarim Melloulah», palestinien, a été interpellé près de Montparnasse, avec une fausse carte de résident belge. Dans la petite salle d’audience, le public s’agite lorsque son avocat prend la parole : le conseil du jeune homme est complètement inaudible. L’avocat commis d’office, d’origine asiatique, ne parle qu’à peine le français… Il ânonne une argumentation commençant par «c’est très dur pour lui» et s’achevant par «demande la relaxe totale ». Sur le banc d’à côté, deux de ses confrères gardent la tête baissée, légèrement mal à l’aise.

«Le système des avocats commis d’office et de l’aide juridictionnelle coûte de plus en plus cher à l’État, mais pourtant, il ne donne satisfaction à personne !» analyse froidement un spécialiste de la Chancellerie. Le dispositif vise à donner à tous un égal accès à la justice en assurant le financement par l’État des frais d’avocat pour les plus démunis. En 1997, 890 000 personnes en ont bénéficié. Mais, même les avocats le reconnaissent, un prévenu bénéficiant de l’aide juridictionnelle sera la plupart du temps moins bien défendu qu’un autre. Pourtant, en dix ans, le montant consacré par l’État à cette enveloppe a augmenté de 72 % pour atteindre plus de 300 millions par an.

Ce jeudi, comme tous les jours au palais de Paris, plusieurs dizaines de prévenus ont été transférés dans la matinée au local «P12», pour y rencontrer un avocat commis d’office. De brefs échanges, deux ou trois heures au maximum avant l’audience. À Paris, ces permanences pénales sont recherchées par les jeunes avocats : même modestement rémunérées (en moyenne 192 euros pour un dossier correctionnel), elles assurent un minimum d’activité et permettent de «draguer» au passage d’autres clients à venir… «Certains jours, les jeunes avocats traînent dans les couloirs, devant les salles correctionnelles où les familles guettent le passage des leurs, dans l’espoir de récupérer un dossier», raconte un habitué du palais. Certaines permanences, quand elles sont rémunérées à l’acte, peuvent même s’avérer très lucratives : les membres de la commission Darrois, qui a planché sur le sujet, ont relevé le cas d’un avocat ayant touché près de 1 936 euros, après avoir assisté une dizaine de prévenus en une seule après-midi…
Manque de rigueur

Le système de l’aide juridictionnelle n’est en effet pas qu’un mécanisme de solidarité mais aussi un marché pour les professionnels du droit. Un marché qui devrait être amené à s’étendre encore – certains prédisent même un doublement de la dépense – avec la réforme annoncée de la procédure pénale qui doit renforcer le rôle de la défense face à un parquet menant l’enquête à la place du juge d’instruction.

Or, malgré son ampleur, la distribution de l’aide juridictionnelle, d’abord réservée aux personnes les plus démunies (moins de 911 euros de revenus mensuels) puis accordée selon un système dégressif, manque cruellement de rigueur. Dans les affaires pénales, les avocats commis d’office interviennent le plus souvent dans l’urgence, sans beaucoup de vérifications. Sur le formulaire ad hoc, les avocats parisiens ont tout simplement pris l’habitude de rayer d’un trait les questions portant sur les ressources du demandeur et d’inscrire un gros « zéro »…. pour ne pas prendre le risque de n’être payés ni par l’État, ni par le prévenu. Dans les affaires civiles (divorce, affaires familiales, etc.), les vérifications devraient être plus rigoureuses, puisque la demande se fait avant la procédure. Mais il reste de nombreuses failles dans le contrôle des bureaux d’aide juridictionnelle.

Ces bureaux ne prennent que très rarement en compte le changement de situation financière d’un justiciable alors que la loi prévoit un retrait de l’aide en cas d’augmentation des revenus. De même, lorsqu’une procédure se poursuit en appel, l’aide est automatiquement maintenue, sans vérification. Pas moins de 10 332 décisions de maintien de plein droit ont de cette façon été enregistrées en 2008, pour un budget de 3,4 millions d’euros. Et parfois, le montant en jeu du litige est moins élevé que la somme dépensée par l’État pour rémunérer les avocats…

Depuis peu de temps, les fonctionnaires ont reçu la consigne de demander au justiciable s’il ne bénéficie pas d’une assurance juridique qui pourrait prendre en charge les frais de justice. Mais le justiciable reste libre de sa réponse : or, il est parfois plus simple de solliciter l’État que l’assureur.

par La Rédaction du DL |

« Une dégradation constante du service public de la justice sur la circonscription judiciaire de Vienne ».
Voilà le constat dressé hier par les avocats Viennois, lors d’une assemblée générale extraordinaire du barreau. Ces professionnels n’hésitent pas à évoquer un “démantèlement organisé du tribunal de Vienne”. Parce qu’ils ne veulent pas assister au phénomène les bras croisés, ils ont décidé à l’issue de leur AG, de s’engager dans une “grève générale et illimitée”. À compter du lundi 30 mars, ils n’assureront plus aucune audience, ni civile, ni pénale. Ils ne tiendront pas les permanences habituelles, ni lors de présentations devant les magistrats, ni lors des gardes à vue au commissariat de police ou dans les gendarmeries.
« C’est une mort par asphyxie du tribunal de Vienne »

Ils espèrent ainsi faire entendre leur grogne, dans un contexte particulièrement confus (lire en Repères).

En plus de s’insurger contre un déménagement du tribunal de Vienne vers Villefontaine, ils accusent « les pouvoirs publics d’avoir programmé la mort par asphyxie du tribunal de Vienne ». La preuve ? « Le TGI de Vienne n’a jamais obtenu une deuxième chambre correctionnelle alors que son activité le permet ». Les accusateurs qu’ils sont devenus citent aussi « le manque de moyens humains, en magistrats et greffiers, régulièrement dénoncé ». Il est vrai qu’il ne se passe pas une rentrée solennelle sans que le procureur de la République ne pointe du doigt, souvent avec finesse mais toujours avec pertinence, les postes pas pourvus ou en nombre insuffisant.
« Ces pénuries de personnel sont la cause de délais de jugements inadmissibles. Notamment au tribunal d’instance et aux affaires familiales où il faut entre neuf mois et un an pour qu’une affaire soit audiencée », s’emporte le bâtonnier Grabarczyk.
Il ne manque pas de comparer cette situation jugée précaire à celle, présentée comme privilégiée, du “concurrent” qu’est devenu le TGI de Bourgoin-Jallieu : « pour une activité 30 % supérieure, le TGI de Vienne fonctionne avec deux magistrats, deux juges de proximité et neuf fonctionnaires. Contre deux magistrats, quatre juges de proximité et onze fonctionnaires à Bourgoin ! ».
Pour illustrer à quel point le palais de justice de Vienne se craquelle selon eux, depuis plusieurs années, ils citent aussi « le transfert de l’instruction à Grenoble depuis mars 2008 (ndlr : dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire qui organise des pôles de l’instruction), le transfert du tribunal des affaires sociales à Grenoble en 2010 ».
L’avenir, sans même parler de l’éventuel déménagement vers Villefontaine depuis l’annonce verbale du 3 février, semble se profiler avec autant de nuages : « à très court terme, les perspectives sont inquiétantes », révèle maître Grabarczyk qui redoute qu’en juin, trois ou quatre postes de greffiers restent vacants, après le départ de leurs titulaires. « Les fonctionnaires sont vraiment démobilisés. À tel point qu’ils commencent à postuler pour d’autres juridictions. »
Un rendez-vous demandé au Président Sarkozy

Dans l’espoir de peser davantage, les avocats demandent aux juges et agents de « s’associer à notre mouvement et de reporter systématiquement toutes les audiences ». Ils lancent aussi un appel aux autres professionnels du droit, huissiers, notaires, etc. en leur proposant de rejoindre la protestation.
En bloquant ainsi l’institution, ils espèrent se faire entendre au plus haut sommet de l’État. Non pas à la Chancellerie (« nous n’avons plus d’interlocuteur dans ce ministère qui n’est plus dirigé par personne »), mais carrément à l’Elysée. « En sursis depuis 13 mois, et alors que la place Vendôme est incapable de nous fournir une feuille de route, nous demandons à être reçus par le président Sarkozy », annonce le bâtonnier.
ZOOM
MAL TRAITÉ MAIS PAS SUPPRIMÉ
À Vienne, si on digère très mal l’application de la réforme de la carte judiciaire, c’est en partie parce qu’en novembre 2007, Rachida Dati avait annoncé la suppression du TGI de Bourgoin-Jallieu au profit de celui de Vienne, sur un lieu restant à définir.
En février 2008, un décret a confirmé ses dires.
Un an plus tard, le 3 février de cette année, le directeur de cabinet de la garde des Sceaux a annoncé que le site choisi était un terrain de Villefontaine. Plus proche de Bourgoin que de Vienne. Depuis, sur les bords du Rhône, c’est la consternation.
À l’inverse de leurs collègues de Bourgoin, dont la juridiction est supprimée, les avocats viennois ne toucheront pas 10 000 euros par personne pour les indemniser.
Dans un récent courrier, ils ont interrogé la chancellerie sur cette différence de traitement. Il leur a été répondu qu’ils ne percevraient rien tant qu’aucun décret ne prononcera la suppression du TGI de Vienne.
« C’est la première fois que l’on mentionne notre suppression », s’inquiète le bâtonnier.

Paru dans l’édition 38B du 24/03/2009 (8c4e81d8-17ba-11de-b488-aa02800a7204)

Par Chloé Leprince | Rue89
Le budget alloué à la détermination du contexte familial ou psychologique dans un procès civil passe de 1300 à 500 euros.
Le ministère de la Justice a décidé de sabrer le budget consacré aux enquêtes sociales. A la demande d’un magistrat, ces enquêtes sont réalisées le plus souvent par des psychologues mandatés au coup par coup par des associations. Leur mission :  faire le point sur le background familial ou psychologique et les conditions matérielles d’un foyer, par exemple en cas de divorce ou de placement d’un enfant.

Depuis un décret du 12 mars, leur budget a donc fondu :  de 1300 euros, il est passé à 500 euros par enquête. Une riveraine, psychologue et enquêtrice en région parisienne, a alerté Rue89 en transférant un courrier reçu de Pascal Souriau, membre de la direction de l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (APCARS).

Cette association est mandatée par les services judiciaires pour les enquêtes sociales en région parisienne :  sa compétence est territoriale et elle réalise les enquêtes sociales pour les tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Melun et Créteil.

Manque de concertation

L’auteur du courrier s’émeut de ces coupes drastiques et du manque de concertation :

« Nous avions connaissance de discussions en cours sur ces sujets mais nous n’attendions pas la parution de ces textes aussi rapidement. »

Alors qu’ils s’attendaient à un dialogue, les acteurs du secteur accusent la place Vendôme d’être passée en force. L’arrêté fixant les conditions financières des futures enquêtes a en effet suivi immédiatement le décret du 12 mars.

Sur le papier, ces enquêtes sont encadrées par le code civil à l’article 373-2-12. Leurs auteurs doivent prendre en compte aussi bien la réalité psychologique, environnementale, culturelle, économique et matérielle des familles, précisent les associations. L’enquêteur se prononce également au terme de son travail, par exemple sur l’exercice de l’autorité parentale.

Sur le terrain, ces enquêtes duraient jusqu’à présent trois mois, avec en règle générale deux rencontres avec chacun des parents, dont une au domicile. Le plus souvent, elles sont en effet demandées par la justice en matière familiale, pour tout ce qui concerne par exemple le droit de garde d’un enfant ou le lieu de résidence. Toujours en matière civile, elles peuvent être aussi réclamées par le juge des enfants.
Pour 500 euros, enquêtes baclées ?

Sur les 1300 euros facturés jusqu’à présent par une association, seule une petite partie revenait à l’auteur de l’enquête, le reste allant à l’association. Si le chèque n’éxcède pas 500 euros, le psychologue chargé de l’enquête ne devrait pas être payé plus de 80 à 100 euros.

A ce prix, beaucoup d’acteurs parient d’ores et déjà sur de futures enquêtes baclées. On sait pourtant que les magistrats, particulièrement en matière familiale, tiennent très largement compte de ces expertises.

Christophe Regnard, président de l’USM, premier syndicat de la magistrature, n’avait pas encore vu passer ce décret mais s’alarme du manque de moyens qu’il laisse augurer. Il fait même de ces enquêtes une « pierre angulaire » de la justice familiale, même s’il rappelle que le magistrat reste libre de s’en affranchir in fine.

Pour Christophe Regnard, il faut toutefois se garder d’y voir un peu trop vite « une décision idéologique » :  lui parie plutôt sur une énième scorie de « la logique comptable qui prime place Vendôme ».

Reste que ces enquêtes et les entretiens qu’elles permettaient étaient aussi l’occasion de tenir compte du background des gens passant devant la justice. Là où l’individualisation des peines et la prise en compte du contexte personnel étaient déjà mis à mal, en matière pénale, par la réforme des peines-plancher.

NOUVELOBS.COM |
Les avocats, les magistrats et les fonctionnaires de justice ont adopté une motion commune, réclamant notamment : “le détachement de 10 fonctionnaires de la Cour d’appel de Fort de France” au TGI de Cayenne et “à moyen terme” le recrutement de 20 fonctionnaires.

Les fonctionnaires de justice de Guyane seront à leur tour en grève vendredi a confirmé jeudi 12 mars un greffier du tribunal de grande instance (TGI) de Cayenne.
Les avocats, pour leur part, entameront vendredi leur 12ème jour de grève.
Mercredi, les avocats, des magistrats et les fonctionnaires de justice ont adopté une motion commune, réclamant notamment : ” à très court terme, le détachement de 10 fonctionnaires de la Cour d’appel de Fort de France” au TGI de Cayenne et “à moyen terme” le recrutement de 20 fonctionnaires dont “10 greffiers” ainsi que la “réactivation du projet de cité judiciaire et le rétablissement de la Cour d’appel à Cayenne”.

“C’était prévu avant la grève”

“Nous n’avons pas attendu la grève pour alerter la Chancellerie” a déclaré, Hervé Expert, 1er président de la Cour d’appel de Fort de France, l’un des deux chefs de Cour actuellement présents à Cayenne. “Mais nous ne sommes pas dans une négociation salariale du secteur privé où le directeur à la maîtrise. L’envoi de fonctionnaires supplémentaires passe par des commissions de nomination.”
“C’était prévu avant la grève : trois greffiers sont arrivés le 2 mars. 56 mois de vacataires ont été accordés. Trois greffiers arriveront en mai. Le fait nouveau, c’est que l’on va détacher, dès la semaine prochaine, un fonctionnaire de justice de Fort de France” a-t-il poursuivi
“Le problème, c’est que ces personnes ne compensent que l’absence de dix fonctionnaires perdus à Cayenne, y compris pour maladies graves, depuis fin 2008” a admis Hervé Expert.

“On ne répond à aucune des revendications”

“On est tous d’accord sur une partie du constat : le problème des effectifs, la dégradation des bâtiments. On est en train de définir les modalités pour y répondre” a-t-il ajouté
“On ne répond à aucune des revendications de la grève” estime au contraire l’avocate guyanaise Magali Robo. “Quand il manque quelqu’un, on change un fonctionnaire de service, on déshabille Pierre pour habiller Paul. Il y a trop peu de greffiers. On nous annonce des vacataires qu’il faudra former, on bricole depuis des années” a-t-elle ajouté.
Le TGI de Cayenne compte actuellement 16 magistrats et moins de 40 fonctionnaires contre 34 magistrats et 79 fonctionnaires au TGI de Fort de France. En 2008, il y a eu 745 comparutions immédiates à Cayenne, un chiffre supérieur à celui tribunal de Grasse dans les Alpes maritimes : 730 et très supérieur à celui de Fort de France : 480.

Débrayages et préavis de grève se multiplient contre le manque de personnel et les locaux en piteux état de l’institution judiciaire guyanaise

Dans les couloirs du tribunal de Cayenne, un juge pour enfants glisse, un rien désabusé : « 99 % des enfants signalés que je reçois sont étrangers : Brésiliens, Guyaniens, Surinamiens, Haïtiens… La plupart vivent avec une mère seule sans papiers. Une partie ne mange pas tous les jours. » En cette période d’épidémie de dengue, à l’image de ce département-région où 25 % de la population vit sous le seuil de pauvreté selon l’Insee, l’institution judiciaire de Guyane ne se porte pas bien.

« Le tribunal de Cayenne est une caricature de la misère de la justice », assène, de son côté, le procureur de la République, François Schneider. Locaux exigus, matériel en piteux état, manque de personnel… Au palais de justice, les jardins n’ont pas été tondus depuis des mois. Dans la salle du tribunal correctionnel, le micro à la barre a rendu l’âme. Les témoins ou prévenus y sont inaudibles pour le public. Dans certains bureaux, des murs moisissent à cause de l’humidité.

« Dès qu’il pleut, l’eau s’infiltre dans les câblages du serveur informatique du tribunal et ça tombe en panne », explique, de son côté, un magistrat du siège. « Il n’y a pas de DVD pour enregistrer les auditions comme le stipule la loi. Il n’y a plus de recommandés pour convoquer les gens », déplore-t-on aussi dans un cabinet d’instruction. « Même pour avoir des chemises cartonnées, il faut l’accord de Fort-de-France et ça traîne », fustige un greffier.

Le seul tribunal de France à avoir sa Cour d’appel à 1.800 km
Le chef-lieu de la Martinique administre le tribunal de Cayenne qui n’héberge qu’une chambre détachée de la Cour d’appel de Fort-de-France avec un substitut général, quatre magistrats et… deux greffiers. « On souffre énormément d’être le seul tribunal de France à avoir sa Cour d’appel à 1.800 km, c’est plus que la distance Paris-Varsovie », maugrée, lunettes rondes et voix grave, le juge Stéphane Rémy, du syndicat de la magistrature, qui découvre parfois « une grande flaque d’eau en entrant dans (son) bureau » où le téléphone « ne fonctionne plus depuis plusieurs jours ».

En outre, le TGI de Cayenne n’a plus de président depuis juillet. Son remplaçant est attendu fin mars. Et pourtant la justice ne chôme pas : « Nous avons entre 70 et 90 meurtres à l’année, c’est plus qu’à Paris intra-muros », assure le procureur. Au total, en 2008, le tribunal de Cayenne a reçu 29.157 plaintes et jugé 745 personnes en comparution immédiate. « La chancellerie considère que chaque magistrat doit traiter 1.100 affaires poursuivables par an. On en est à 4 800 par magistrat du parquet à Cayenne », ajoute-t-il.

Pour sa part, l’avocat guyanais José Lama déplore « l’impossibilité d’avoir la copie des pièces d’une instruction en cours. Cela impose des allers-retours constants entre mon cabinet et le tribunal ». Un magistrat confirme. Et il y a les parents pauvres : « Au civil, il faut près de 15 mois pour amener à l’audience une affaire familiale », affirme le juge Stéphane Rémy. Un délibéré aux prud’hommes est tombé « trois ans et demi après l’audience », ironise un autre magistrat. Enfin, les immigrés représentant près de 30 % de la population selon l’Insee, « la plupart des procès et des auditions demandent des interprètes, ce qui augmente la durée des affaires », indique encore un greffier.

Résultat ? « Les gens sont débordés et épuisés », confie un agent du tribunal de grande instance. « Il nous manque de 10 à 15 fonctionnaires », estime François Schneider. En particulier, de l’avis de tous, « une dizaine de greffiers ». Un audit des chefs de cour de mai 2008 a admis que ce manque d’effectifs est « le problème central ».

«On est tout le temps sous pression, il peut y avoir des ratés»
Dans ce contexte, « on est tout le temps sous pression et il peut y avoir des ratés », admet Stéphane Rémy. Un exemple ? En 2007, un Guyanais est poursuivi pour avoir transmis, volontairement, le virus du sida à 4 mineures. Sur l’ordonnance de renvoi en correctionnelle, la quatrième victime est «oubliée». Au procès, sa constitution de partie civile sera jugée irrecevable.

Un autre exemple ? À la fin de l’année dernière, une affaire de trafic de faux papiers impliquant un policier et des agents de la préfecture aboutit à une ordonnance qui renvoie 15 personnes en correctionnelle après plus de cinq ans d’instruction et deux juges chargés successivement du dossier. Selon l’ordonnance, quatre autres mis en examen, dont un fonctionnaire de la préfecture pour corruption passive, ont bénéficié d’un non-lieu au motif que des pièces de procédure les concernant ont disparu.

« Ce n’est pas forcément une malveillance, prévient le procureur. Je pense que c’est lié à l’état du tribunal. Les dossiers traînent. Il n’y a pas de véritable circuit, rien n’est vraiment sécurisé, on pose les choses à droite et à gauche. » De fait, au cour de l’instruction de cette affaire, des écoutes téléphoniques qui s’étaient volatilisées ont été retrouvées dans la pièce des scellés…

Les archives moisissent dans l’ancienne prison de Cayenne
Au final, il ne se passe pas un jour sans que la justice ne soit soumise à d’autres aberrations. En 2008, un présumé faux en écriture constituant l’un des chefs de mise en examen d’un ex-maire guyanais et actuel conseiller général – la modification, sans délibération du conseil municipal, du budget primitif de sa commune à hauteur de 215 000 € supplémentaires – est évoqué dans le réquisitoire définitif du parquet mais oublié dans ses conclusions. Le 9 juin 2008, dans son ordonnance de renvoi en correctionnelle, la juge d’instruction chargée de l’affaire fait un copié-collé du réquisitoire sans relever l’oubli. Comment en est-on arrivé là ? La magistrate avait dû travailler sans greffier de juin à décembre dernier…

En janvier dernier, il y a eu aussi l’affaire de ce Brésilien clandestin, soupçonné d’avoir décapité au sabre un homme sur un site d’orpaillage illégal en août 2005, qui a dû être remis en liberté après 37 mois de détention provisoire, sans avoir encore été jugé : deux ans après son renvoi devant la cour d’assises, le 9 janvier 2007, il avait atteint la durée maximale d’incarcération. « Nous avions 79 dossiers d’assises en retard au 31 décembre 2008, ce dossier n’a pas été considéré comme une priorité », justifie le substitut général Jean-Paul Arnoux.

Sans compter les crimes restés sans réponse judiciaire. Entre le 1er janvier 2003 et le 15 mai 2008 : «75 homicides ou tentatives, liés à l’orpaillage clandestin, n’ont pas été élucidés», reconnaît le parquet. Et il ne s’agit que des faits portés à la connaissance des gendarmes. La justice guyanaise encourt même le risque de l’oubli : faute de place dans les locaux du tribunal, ses archives moisissent dans des cartons abîmés de l’ancienne prison désaffectée de Cayenne.

Frédéric FARINE à Cayenne, en Guyane

AFP
Les avocats de Guyane ont entamé mercredi leur troisième jour de grève des audiences au tribunal de Cayenne pour réclamer plus de moyens pour l’institution judiciaire dans ce département d’outre-mer, avec le soutien du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Leur mouvement perturbe fortement une session d’assises commencée lundi.
Les avocats guyanais réclament davantage de postes de fonctionnaires et notamment des greffiers, la création d’un tribunal de grande instance à Saint-Laurent du Maroni (frontière du Surinam) et le rétablissement d’une cour d’appel.

“Nous avons toujours demandé les mêmes choses depuis des années” a indiqué à l’AFP le juge Stéphane Rémy, du Syndicat de la magistrature. La juridiction de Cayenne est “administrée” par Fort-de-France en Martinique, où se trouvent le parquet général et la cour d’appel.

Et pourtant “la juridiction de Cayenne a une activité supérieure à celle de Fort-de-France dans certains domaines “, a assuré un magistrat du parquet. Ainsi en 2008 il y a eu 745 comparutions immédiates au tribunal de Cayenne contre 480 à Fort-de-France.
Selon des chiffres fournis à l’AFP par la juridiction de Cayenne et par le parquet général de Fort-de-France, le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Martinique comptent 58 magistrats et 105 fonctionnaires. En Guyane, le tribunal de grande instance et la chambre détachée de la cour d’appel ne comptent que 23 magistrats et une quarantaine de fonctionnaires effectivement en poste.

04/03/2009

Au grand dam du président Vieira, le tribunal de commerce sera séparé de son greffe en juillet pour laisser la place aux tribunaux d’instance de Ruffec et Confolens

C'est dans cet immeuble occupé par un cabinet d'assurance que le greffe du tribunal de commerce s'installera en juillet.( photo TadeUsz)
C’est dans cet immeuble occupé par un cabinet d’assurance que le greffe du tribunal de commerce s’installera en juillet.( photo TadeUsz)

Avec la nouvelle carte judiciaire, le palais de justice affiche complet. Tant et si bien que des solutions doivent être trouvées et, de préférence rapidement. Premier concerné, le tribunal de commerce qui devient départemental. En juillet, son greffe va laisser ses bureaux du rez-de-chaussée pour s’installer à quelques centaines de mètres de là, dans un immeuble du Champ-de-Mars au-dessus d’un cabinet d’assurance.

Jean-François Vieira, le président de cette juridiction, est furieux. Il l’a dit lors de son allocution prononcée à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée le 30 janvier dernier. Il le répète encore. « Cela va être très pratique lorsqu’en pleine audience on va avoir besoin d’un extrait de registre du commerce. Pratique, aussi, lorsqu’on sait qu’en moyenne un dossier pèse 5 à 6 kg et qu’on en examine 25 à 30 par audience. On va avoir besoin d’une estafette ou d’une brouette peut-être… En plus, juridiquement, un président de tribunal de commerce est responsable du greffe, qui est une charge, une profession libérale… Or vous contrôlez mieux ce que vous avez sous les yeux ! »

D’autres solutions

Il est d’autant plus furieux que d’autres solutions avaient été proposées « qui avaient même obtenu l’assentiment des chefs de cour concernés ». Seulement, le temps presse et comme tout doit être prêt en juillet, la solution la moins contraignante a été retenue par le ministère.

« Personnellement, j’avais pensé aux anciens bâtiments de la gendarmerie », explique Jean-François Vieira qui a fait chiffrer les travaux à réaliser dans ce local appartenant au Conseil général, qui dispose d’un parking et qui présente l’avantage d’être tout près du palais de justice « ce qui favorise la présence d’un magistrat du parquet aux audiences de procédures collectives ».

Selon les critères du ministère de la Justice, chaque collaborateur doit pouvoir disposer de 14 m2.Et le ratio a été fixé à 140 euros le m² par an… « Cela fait doucement rigoler quand on sait que la Chancellerie loue, place de la Concorde à Paris, des locaux qui reviennent à 160 euros le m2, mais par mois… », ironise le président Vieira. « Bref ! Comme on a besoin de 300 m2, cela revient à un loyer annuel de 42 000 euros. J’ai fait chiffrer le loyer de l’ancienne gendarmerie qui serait à 80 000 euros. Certes, cela fait une différence, mais la CCI pourrait l’assumer. Après tout, ce ne serait pas incohérent qu’elle s’occupe des entreprises en difficulté, elle qui s’occupe déjà de celles qui naissent et qui vivent. Cela fait juste 3 000 euros par mois pour 20 juges et leur greffe, pour que la justice soit rendue dans des conditions satisfaisantes. Et ce par des juges qui font ça bénévolement et qui payent même leur robe ! »

Un écueil, cependant : les travaux d’aménagement doivent durer dix-huit mois, or le tribunal de commerce doit laisser la place aux tribunaux d’instance de Ruffec et de Confolens dès juillet.

« On a pensé alors aux anciens locaux que le tribunal occupait à la CCI, place Bouillaud. Mais la CCI est restée sourde aux sollicitations. »

Deux mails

Résultat, le 26 décembre, un mail de la Chancellerie arrive en Charente spécifiant que le greffe emménagerait, dès juillet, dans les locaux libres du Champ-de-Mars !

« J’ai fait vilain. J’en ai parlé aussitôt au préfet. Je suis allé voir les présidents de cour, le procureur général. Finalement, le jour même de l’audience solennelle de rentrée, le 30 janvier, un autre mail du parquet général précisait que cette solution était provisoire. »

Jean-François Vieira l’espère. Et sans doute n’est-il pas le seul.

Auteur : Catherine Dowmont
c.dowmont@sudouest.com