AFP Frédéric FARINE
“Nous sommes gérés à 1.500 km, ce qui confine à l’imbécilité”, a déclaré à l’AFP, Me Patrick Lingibé, bâtonnier de Guyane, le seul département d’outre-mer sans cour d’appel et dont l’organisation judiciaire est gérée à Fort-de-France (Martinique).

La Guyane, c’est “entre 70 et 90 meurtres par an, plus qu’à Paris intra-muros”, souligne le procureur de la République François Schneider.

“En termes de charge de travail, la Chancellerie considère que chaque magistrat doit traiter 1.100 affaires par an. On en est à 4.800 par magistrat du parquet à Cayenne”, poursuit-il.

“Il y a une attitude de mépris de la Chancellerie”, estime Me Lingibé qui avait “cru à la volonté affichée d’une politique forte pour la Guyane lors d’une réunion au ministère de la justice le 19 mars”.

Selon l’avocat, “le mouvement va prendre d’autres formes d’action”. “Et puisque la garde des Sceaux et son cabinet sont en partance, pour nous, il s’agit maintenant d’aller au coeur de l’Elysée pour trouver des solutions politiques pérennes”, a-t-il promis.

Quelques jours après le début de la grève, Rachida Dati avait envoyé à Cayenne une mission d’inspection qui lui a rendu son rapport le 25 mars. Or, un audit des chefs de cour de 2008 a déjà souligné le “problème central” du tribunal de grande instance de Cayenne, à savoir les effectifs. Ce déficit en fonctionnaires a été chiffré à une vingtaine.

Le 26 mars, Me Lingibé a reçu un courrier de la Chancellerie dont l’AFP a pris connaissance, lui annonçant le déblocage de “100.000 euros” pour notamment “réparer des infiltrations d’eau” ou refaire “l’outil informatique”.

“A part ces 100.000 euros pour des réparations d’urgence, on n’a pas avancé. Cette lettre reprend ni plus ni moins les mesures annoncées par les chefs de cour (de Fort-de-France) avant la grève”, affirme-t-il.

Parmi ces mesures figure aussi l’envoi de vacataires sous forme “de déblocage de crédits de 56 mois” de vacation. “Une décision déjà prise par les chefs de Cour avant la grève et qui ne répond pas aux besoins”, selon le juge Stéphane Rémy, du syndicat de la magistrature.

Au titre du “renforcement des effectifs” figure également “l’installation du président du Tribunal de grande instance”. Or, si le TGI de Cayenne n’avait plus de président depuis fin juillet 2008, il en est pourvu depuis le 24 mars et cette arrivée était prévue avant la grève.

Il est évoqué aussi “des réflexions de fond à bref délai” sur l’organisation administrative de la justice en Guyane, avec la création d’une cour d’appel, d’une cité judiciaire à Cayenne et d’un TGI à Saint-Laurent du Maroni (frontière du Surinam).

“La réflexion évoquée est certes intéressante mais par rapport aux avancées d’un contrat d’objectifs signé en 2005 avec le précédent garde des Sceaux, on se demande si l’on n’est pas dans un jeu de dupes”, a commenté Me Lingibé.

Ce contrat proposait en effet de réfléchir à l’opportunité de créer une juridiction à Saint-Laurent du Maroni.

Du fait de la grève, aucun dossier de la session d’assises de mars n’a pu être jugé.

Quant aux archives (d’avant 2006) et aux scellés de la juridiction, faute de place au tribunal, ils sont toujours à l’abandon, moisissant sans surveillance depuis des années dans l’ancienne prison désaffectée de Cayenne.

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