Laurence de Charette et Stéphane Durand-Souffland

Les errements des procès Ferrara et Colonna et la suppression annoncée du juge d’instruction impliquent une refonte des audiences criminelles.

Après la réforme de l’instruction, celle des assises. Dès la semaine prochaine, la commission dirigée par Philippe Léger et chargée par le président la République de réfléchir à l’ensemble de la procédure pénale, s’attaque à ce nouveau chantier. D’abord parce que la suppression annoncée du juge d’instruction implique une réforme des audiences criminelles. Ensuite parce que les errements des procès Ferrara et Colonna ont relancé le débat sur le bon fonctionnement des assises.

Cour d'assises au moment du procès en appel d'Yvan Colonna. Les errements de ce procès, ainsi que de celui de Ferrara, ont relancé le débat sur le bon fonctionnement des assises.
Cour d’assises au moment du procès en appel d’Yvan Colonna. Les errements de ce procès, ainsi que de celui de Ferrara, ont relancé le débat sur le bon fonctionnement des assises. Crédits photo : Le Figaro

Au sein de la commission Léger, Philippe Lemaire, procureur de Lille, et Me Gilles-Jean Portejoie, ont été chargés de plancher en amont sur la question. L’avocat a déjà une position bien établie : il milite pour la suppression de l’«intime conviction» car, explique-t-il, «je préfère la raison à la conviction» et estime que le jury populaire devrait motiver sa décision. «L’absence de motivation est un problème pour tout le monde, renchérit Me Thierry Herzog, également membre de la commission. Y compris pour la personne condamnée, en cas d’appel.» Actuellement, les jurés délibèrent en compagnie du président et de ses deux assesseurs. Ils répondent à des questions, mais sans motiver l’arrêt établi en commun. Les deux avocats plaident aussi pour la délocalisation systématique des appels : souvent très médiatisés, marquant l’opinion, l’émotion y est trop lourde si le procès ne s’éloigne pas du lieu où les faits ont été commis, estiment-ils.

Un président arbitre

Parmi les idées que la commission Léger devra étudier : le projet de permettre aux parties civiles de récuser tel ou tel juré lors du tirage au sort – privilège réservé à la défense et au ministère public.

La suppression du juge d’instruction devrait par ailleurs engendrer un changement important de positionnement du président d’assises qui pourrait à l’avenir, comme dans le système accusatoire à l’anglo-saxonne, tenir le rôle d’un arbitre, à égale distance de l’accusation, menée par le parquet-enquêteur, et la défense. La question se pose alors de sa présence au moment du délibéré.

Le rôle du président est, il est vrai, considérable. Il décide du calendrier de l’audience, fixe l’ordre de passage des témoins comme des experts qu’il interroge en premier, donnant ainsi le «tempo» des questions qui seront posées par la suite. Son pouvoir discrétionnaire lui permet, notamment, d’entendre qui bon lui semble à tout moment. Il est aussi un acteur essentiel du délibéré, les jurés, forcément novices, attendant des trois magistrats professionnels qu’ils les éclairent.

«Encore plus exemplaires»

Bernard Fayolle, qui exerça longtemps aux assises des Bouches-du-Rhône et reste une référence, propose une définition tout en finesse de l’impartialité : «Cela ne signifie pas qu’on n’a pas une opinion, mais qu’on est prêt à en changer. Le plus difficile est de trouver la bonne distance entre les jurés, la victime et l’accusé.»

«Il serait temps que le président devienne arbitre, s’exclame Me Éric Dupond-Moretti, l’un des plus grands pénalistes. L’un d’eux me confiait un jour qu’un magistrat anglais, venu faire un stage en France, lui avait demandé : “A quoi sert l’avocat général, il y a déjà le président ?” Le bon président, c’est celui dont on est incapable de deviner l’opinion au bout de trois semaines de débats. Il est rare…»

L’avocat général Philippe Bilger n’est pas opposé à une telle révolution. «Plutôt un président arbitre qu’un président omnipotent, analyse-t-il. Mais cela ne rendra plus facile le choix de magistrats qui devront être encore plus exemplaires, car le moindre soupçon de partialité serait encore plus catastrophique. Il ne faut pas improviser cette réforme : on n’instille pas impunément de l’accusatoire dans un système inquisitoire.»

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