Les affaires criminelles d’autrefois

Selles-Saint-Denis, novembre 1866. Une adolescente tue une marchande
de chiffons à coups de serpe pour une modeste affaire de pantalon.

D’ordinaire les accusés qui sont assis dans le box des accusés sont, pour la plupart du temps, des malfaiteurs endurcis. Cette fois-ci, c’est une gamine de seize ans et demi qui comparaît devant la cour d’assises du Loir-et-Cher, le 7 février 1867. Et pourtant les charges retenues contre elle n’ont rien à envier aux plus grands criminels. En effet, Célestine Mulot est accusée d’avoir assassiné une marchande de chiffons de cinquante-cinq ans, à Selles-Saint-Denis. Malgré son jeune âge, elle est grande, forte et douée d’une dose d’énergie peu commune. Elle était, paraît-il, redoutée des bergères et même des pâtres des environs, à cause de sa violence et de sa méchanceté ! À la voir aujourd’hui, avec son bonnet sur la tête, l’air penaud, on a peine à croire qu’elle ait pu se rendre coupable du crime horrible dont on l’accuse. Arrêtée douze jours après la découverte du cadavre, elle nie d’abord tout en bloc, puis elle finit par avouer. Déclarée par un médecin comme ne jouissant pas d’une « grande somme d’intelligence », elle raconte cependant, avec une grande lucidité, comment se sont déroulés les faits. Le 1er décembre 1866, une jeune bergère découvre le cadavre d’une femme dans une sapinière. La tête de la victime, horriblement mutilée, ne présente plus que l’aspect d’un crâne ensanglanté. Malgré tout, on réussit à l’identifier. Il s’agit de Madeleine Defins, de Châtres-sur-Cher, qui n’a plus donné signe de vie depuis plusieurs jours. On apprend également que le 24 novembre, elle se trouvait chez un certain Mulot à Selles-Saint-Denis. Cette piste conduira à l’arrestation de Célestine. La jeune fille fait le récit de la journée du drame. Dans la matinée, à la maison paternelle, la marchande entre pour lui réclamer trente-six sous, le prix d’un pantalon acheté quelques jours plus tôt. « Je vous ai payé ce pantalon le jour même », proteste la jeune fille. S’en suit une discussion à n’en plus finir. La sœur de Célestine y coupe court en donnant à la femme Defins une pièce de 2 francs. Pour lui rendre la monnaie, la commerçante ouvre son porte-monnaie dans lequel se trouvent quelques pièces d’or et d’argent. C’est sans doute la vue de cet or qui a donné à Célestine l’idée de s’en emparer. Au moment de partir, la jeune fille propose d’accompagner la marchande pour lui indiquer un chemin plus court. Profitant d’un moment propice à l’abri d’une sapinière, elle frappe avec une énergie féroce la malheureuse femme avec une serpe. Atteinte de deux coups derrière la tête, elle s’écroule. Son crime accompli, elle fouille dans les poches de la marchande et s’empare du fameux porte-monnaie tant convoité. Rentrée chez son père, elle se débarrasse du porte-monnaie qui contenait 20 francs… !
Pendant six jours, le cadavre de la pauvre femme reste à l’endroit où elle est tombée. Les oiseaux de proie et les bêtes errantes ont rongé une partie des chairs de la face, rendant la figure atrocement mutilée. Au bout d’une demi-heure, le jury la déclare coupable. Célestine Mulot, bien qu’elle ne jouisse pas d’une « grande somme d’intelligence », est condamnée à quinze ans de travaux forcés.

Pascal Nourrisson

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