JUSTICE. Trois Gersois ont accepté de revenir sur leur rôle de juré d’assises. Des expériences aussi enrichissantes qu’énigmatiques

Les jurés gersois ont côtoyé la justice de très près pendant les assises. (photo archives michel amat)
Les jurés gersois ont côtoyé la justice de très près pendant les assises. (photo archives michel amat)
Troublante expérience que celle d’un juré d’assises… Il suffit d’un premier tirage au sort pour que le coeur s’emballe, ballotté entre surprise et appréhension, d’un second pour que l’esprit se pique de curiosité pour les procès du journal de 20 heures, d’un troisième, enfin, pour que le quotidien ne semble soudain bien plus compliqué qu’on ne l’avait imaginé, entre les audiences à rallonge et les enfants à aller récupérer chez la nourrice.

Procès médiatique

Charles (1), le retraité de la fonction publique, n’a rien oublié de la folie médiatique qui a agité pendant trois semaines le procès Ben Salah. Procès qui devait se conclure par une condamnation à perpétuité, avec vingt-deux ans de sûreté, pour les meurtres de deux couples de Néerlandais à Monfort, en mai 1999. « Le fait est que je suis tombé sur un énorme procès, raconte le sexagénaire. Je me souviens encore comme si c’était hier du ruban de sécurité derrière lequel était contenue la nuée de caméras, et le peloton de gendarmes mobilisés à l’extérieur du tribunal. Pour finir, il y avait ce célèbre avocat du barreau, Me Collard, à qui revenait la charge de prononcer la plaidoirie finale devant le tribunal. Je me rappelle qu’il était très en verve ce jour-là et qu’il avait tenté de jouer sur le registre des sentiments pour nous impressionner et nous rallier à sa cause. »

Troublés par le doute

Après trois semaines de procès, le médiatique avocat n’était pas sans savoir, ce jour-là, que la session avait mis à rude épreuve les nerfs du juré. Du premier au dernier jour : « Les débuts ont été très difficiles avec la projection de la vidéo réalisée par les gendarmes peu après le meurtre », se rappelle Charles, qui avoue avoir été quelque peu déstabilisé par la succession à la barre des sources proches du dossier : « Ma conviction était forgée à 95 % à l’issue des premiers jours du procès, mais les 5 % qui me manquaient étaient sans aucun doute les plus gênants car il ne fallait pas se tromper. C’est surprenant de voir comment on se persuade, tantôt de la culpabilité, tantôt de l’innocence de l’accusé. »

Ondine (2), la Gersoise expatriée un temps dans la région parisienne, gardera longtemps un souvenir troublé de sa participation à l’une des sessions d’assises de la Cour de Versailles en 1998. Ne l’avait-t-on pas volontairement écartée du procès concernant un infanticide en raison de son statut de mère de famille ?

Dans les deux affaires de viol, en revanche, le séduisant avocat de la défense, devenu depuis un ténor du barreau, n’essayait-il pas de la regarder dans les yeux, sans doute, parce qu’elle était la plus jeune des jurés, pour obtenir de sa part un vote favorable ? « J’ai soupçonné une vague manipulation dans le choix des jurés, commente Ondine. Heureusement, le président du tribunal était exceptionnel. Il nous a tout expliqué. »

Sans doute ce dernier élément aura-t-il été déterminant dans le regard que cette retraitée de l’enseignement pose aujourd’hui sur la justice. « Je suis sortie grandie de cette expérience et manifeste depuis autant d’intérêt pour les émissions de justice télévisées que pour mon entourage. Peu après le procès, j’ai été confrontée à un jeune homme qui a subitement développé des troubles du comportement. J’ai cherché à comprendre ce qu’il s’était passé. »

Vision nuancée de la justice

Nathalie, 55 ans, fera de même après la session d’assises de mars 2009, en cherchant à témoigner sa compassion à la victime d’un viol : « J’aurais voulu lui envoyer un cadeau, peut-être une poupée de collection pour Noël, mais je n’avais ni adresse ni téléphone. J’y pense régulièrement et partage désormais une vision plus nuancée de la justice. »

(1) Les prénoms ont été changés

Auteur : Émilie delpeyrat
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