Assises. Le procès de Christophe Sere a débuté hier. L’accusé est-il amnésique ou ne veut-il pas se souvenir ? Malaise.

Christophe Sere dit ne se souvenir de rien ou presque. Son défenseur, Me Thierry Sagardoytho, va devoir s'expliquer à sa place. Photo Laurent Dard.

Christophe Sere dit ne se souvenir de rien ou presque. Son défenseur, Me Thierry Sagardoytho, va devoir s'expliquer à sa place. Photo Laurent Dard.
Christophe Sere dit ne se souvenir de rien ou presque. Son défenseur, Me Thierry Sagardoytho, va devoir s’expliquer à sa place. Photo Laurent Dard.

Le premier jour du procès de Christophe Sere, qui comparait en tant que meurtrier présumé de Philippe Vergnon, tué à Jarret, à coups de marteau, en août 2007, laisse une étrange impression. Une impression de malaise et surtout l’impression qu’il est bien difficile de démêler le vrai du faux.

D’entrée de jeu, dès ses premiers mots, à peine son identité déclinée, Christophe Sere se pose en victime : « Que dire ? On verra au cours du procès, mais on y trouvera un malade alcoolique depuis des années ; on débattra de tout ça. C’est l’alcool tout ça. Je ne vais pas demander pardon de l’impardonnable, c’est l’alcool. J’ai une souffrance très ancienne, je me fais auto-souffrir depuis tout petit. »

Maniaco-dépressif

Et de jeter au tribunal des noms de pathologies, de médicaments, manifestement appris par cœur : « Je suis maniaco-dépressif, je prends du Valium, du Lexomil et tout ça. Mon sang, c’est une rivière de souffrance. » Et quand on lui demande ce qu’est un maniaco-dépressif, Sere répond candidement : « Ben, faut que je nettoie s’il y a une tache par terre… »

Le plus troublant, après la victimisation à outrance, c’est l’oubli, une mémoire qui flanche totalement : « Je m’en remets aux témoins, ils vont dire la vérité puisqu’ils ont tout vu. Moi, je ne me souviens de rien, que du premier coup à ce pauvre homme. Ce que j’ai fait, je l’ai appris par déduction, en lisant le dossier. C’est vrai, forcément, puisqu’il n’y avait que moi. C’est déplorable d’arriver à faire des choses comme ça. Mais comment vous montrer ma maladie ? ça ne se voit pas, c’est invisible. » Lorsqu’on aborde les faits, l’attitude ne change pas : amnésie presque totale.

Pourtant, certains détails sont évoqués par Christophe Sere avec une acuité surprenante et cela va finir par agacer le président Lemaître : « Vous n’êtes pas en train d’avoir cette attitude pour vous cacher ? Ne pas avoir à en parler ? » Sere persiste : « Tuer quelqu’un comme ça et ne pas s’en souvenir, c’est la cerise sur le gâteau. Je ne mens pas, quoi ! » « 37 coups de marteau, on s’en souvient quand même ! » lance le président. La réponse est stupéfiante : « Pour moi, il y avait 30 ans de souffrance quand j’ai fait ça ».

45 coups de marteau

Le légiste Disteldorf va livrer sa terrible expertise : au moins 45 coups de marteau, portés avec une « violence extrême » : le crâne est fracassé, le marteau passe à travers du cerveau, dont une partie se répand sur la route. Un œil est explosé, les côtes enfoncées, le fémur fracturé… Sere ne bouge toujours pas et ne se souvient pas.

« Est-ce possible, docteur ? » « Il peut y avoir des zones crépusculaires avec l’absorption d’alcool et de médicaments. »

Mais ce n’est pas une certitude. Sere se souvient très bien de ce qu’il a bu avec Philippe, des menaces proférées à son encontre, d’un apaisement de courte durée, du stylo laissé par le voisin pour établir le constat, de son nez cassé (ce qui est faux), mais du marteau et des coups qui pleuvent, rien. Étonnant.


« On ne peut pas oublier une chose pareille. »

Durant l’après-midi, plusieurs témoins vont défiler à la barre, après le docteur Disteldorf et ses descriptions terribles. La voisine de Sere, tout d’abord : elle le connaît depuis qu’il est gamin. Manifestement, elle ne veut pas l’accabler et elle le décrit comme quelqu’un de gentil, de pas violent : « Gamin, il était très sensible et il n’a pas eu une enfance facile. Si on lui avait tenu la main, si on lui avait montré le bon chemin, peut-être tout ça ne serait pas arrivé. Sa mère, la pauvre, elle avait ses six enfants à s’occuper, ce n’est pas facile. » Mais la voisine va finir par dire qu’elle a trouvé, ce jour-là, le comportement de Christophe inquiétant, au point d’appeler les gendarmes. Oui, il était menaçant envers Philippe, oui, il était parti taper sur une porte pour se défouler. « Mais c’est un bon garçon et ça, c’est les accidents de la vie. » Le témoignage d’un autre voisin, agriculteur, va aggraver le malaise qui flotte sur la cour d’assises : « Je traversais le hameau en voiture avec mon épouse et il m’a demandé un stylo pour faire le constat. Je lui ai donné. Et en remontant, j’ai vu ma femme se cacher les yeux, alors je me suis retourné et j’ai regardé. J’ai vu l’homme tomber et j’ai vu Christophe Sere le frapper. ça va très vite, il frappait très vite, très fort. » Le grand gaillard a beaucoup de mal à retenir ses larmes : « On ne peut pas oublier une chose pareille : j’entends encore les os qui craquent. C’était affreux. » L’agriculteur s’en souvient, et manifestement, le bruit atroce résonne encore à ses oreilles. Pas à celles de Sere. H.D.

Hélène Dubarry.

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