Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue. Pour les défendre, souvent de jeunes avocats sont commis d’office.

  • Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue.
Nantes. Un lundi dans les geôles du Palais de justice. Dans un petit bureau gris, Didier attend. Il sort de garde à vue. Il encourt sept ans d’emprisonnement. Dans un quart d’heure, il sera jugé par le tribunal correctionnel pour avoir, le samedi précédent, frappé sa femme enceinte de huit mois. Déjà condamné pour des vols, il risque de filer immédiatement en prison. Lors des comparutions immédiates, on croise surtout des récidivistes qui ont commis des faits graves. Elles se soldent la plupart du temps par une incarcération.Eléonore Laigre est avocate de permanence cette semaine-là. Prévenue la veille au soir, elle doit assurer la défense de Didier. Dans les geôles du tribunal, elle reprend rapidement les faits avec lui, s’efforce de trouver un début d’explication. « Vous avez envoyé votre femme distribuer des prospectus avant de la frapper parce qu’elle n’allait pas assez vite. Comment avez-vous pu ? » En guise de réponse, seulement des regrets. Me Laigre ne lâche pas son client des yeux, le presse de questions… En vain. L’affaire s’annonce complexe. Didier a le droit à un délai pour préparer sa défense comme tous les prévenus en comparution immédiate. Il refuse. A trop peur de rester en prison le temps d’être jugé. Son avocate le regrette, elle aurait bien demandé une expertise psychiatrique.

« Sa vie en un quart d’heure »

À l’audience, le tribunal n’en sait guère plus sur la violence de cet homme. « Dangereux », tranche le procureur. Didier est condamné à un an dont quatre mois ferme avec mise à l’épreuve. Me Laigre s’agace : « Il a passé deux jours en garde à vue et on lui demande d’avoir réfléchi sur ses actes. Si on veut des explications, on ne choisit pas la comparution immédiate. »

15 h. Autre avocate de permanence, Me Emmanuelle Poulard jongle entre ses différents rendez-vous et sort tout juste d’une audience aux affaires familiales. Prévenue à midi, elle ignore encore tout des faits reprochés à l’homme qu’elle doit défendre. Dans un couloir du palais, le substitut du procureur vient de lui remettre la procédure. Le casier judiciaire de Charles et les procès-verbaux de sa garde à vue.

« Ca s’annonce moyennement bien. Il a donné trois coups de couteau à son beau-frère ». Déjà condamné pour des violences, neuf mentions au casier, beaucoup d’alcool. « Ah, il vient de signer un CDI. C’est un bon point pour éviter la prison et proposer un aménagement de peine » Dans les geôles, elle rencontre son client, fatigué par la garde à vue, pas douché, le nez cassé et le pantalon taché de sang. Il raconte, peu bavard, la bagarre, les verres de whisky. Les bras croisés, nerveux, Charles ne pense pas avoir besoin d’un suivi pour l’alcool. Il concède : « Bon un suivi, si ça peut jouer en ma faveur. » Il doit être jugé seulement le lendemain et s’inquiète pour son travail. D’ici là, il comparaît devant le juge des libertés et de la détention qui décide de l’envoyer dormir en prison. Me Poulard regrette l’insuffisance des explications fournies par son client. L’enquête sociale rapide, réalisée par un travailleur social avant le procès, ne l’éclaire pas davantage. « C’est difficile, je lui demande de raconter sa vie en un quart d’heure alors qu’il ne me connaît pas », déplore l’avocate. Avec les comparutions immédiates, le législateur a voulu sanctionner plus rapidement des récidivistes comme Charles. Et éviter ainsi un nouveau passage à l’acte. « Mauvaise justice », affirme Me Laigre. « Les peines sont parfois lourdes. Et on a moins de temps qu’avec une simple affaire sanctionnée par une amende », regrette aussi Me Poulard. Charles, son client vient d’être condamné à la peine plancher. Deux ans dont six mois avec sursis.

Marylise COURAUD.

lundi 04 janvier 2010

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