Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue. Pour les défendre, souvent de jeunes avocats sont commis d’office.
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Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue.
« Sa vie en un quart d’heure »
À l’audience, le tribunal n’en sait guère plus sur la violence de cet homme. « Dangereux », tranche le procureur. Didier est condamné à un an dont quatre mois ferme avec mise à l’épreuve. Me Laigre s’agace : « Il a passé deux jours en garde à vue et on lui demande d’avoir réfléchi sur ses actes. Si on veut des explications, on ne choisit pas la comparution immédiate. »
15 h. Autre avocate de permanence, Me Emmanuelle Poulard jongle entre ses différents rendez-vous et sort tout juste d’une audience aux affaires familiales. Prévenue à midi, elle ignore encore tout des faits reprochés à l’homme qu’elle doit défendre. Dans un couloir du palais, le substitut du procureur vient de lui remettre la procédure. Le casier judiciaire de Charles et les procès-verbaux de sa garde à vue.
« Ca s’annonce moyennement bien. Il a donné trois coups de couteau à son beau-frère ». Déjà condamné pour des violences, neuf mentions au casier, beaucoup d’alcool. « Ah, il vient de signer un CDI. C’est un bon point pour éviter la prison et proposer un aménagement de peine » Dans les geôles, elle rencontre son client, fatigué par la garde à vue, pas douché, le nez cassé et le pantalon taché de sang. Il raconte, peu bavard, la bagarre, les verres de whisky. Les bras croisés, nerveux, Charles ne pense pas avoir besoin d’un suivi pour l’alcool. Il concède : « Bon un suivi, si ça peut jouer en ma faveur. » Il doit être jugé seulement le lendemain et s’inquiète pour son travail. D’ici là, il comparaît devant le juge des libertés et de la détention qui décide de l’envoyer dormir en prison. Me Poulard regrette l’insuffisance des explications fournies par son client. L’enquête sociale rapide, réalisée par un travailleur social avant le procès, ne l’éclaire pas davantage. « C’est difficile, je lui demande de raconter sa vie en un quart d’heure alors qu’il ne me connaît pas », déplore l’avocate. Avec les comparutions immédiates, le législateur a voulu sanctionner plus rapidement des récidivistes comme Charles. Et éviter ainsi un nouveau passage à l’acte. « Mauvaise justice », affirme Me Laigre. « Les peines sont parfois lourdes. Et on a moins de temps qu’avec une simple affaire sanctionnée par une amende », regrette aussi Me Poulard. Charles, son client vient d’être condamné à la peine plancher. Deux ans dont six mois avec sursis.
lundi 04 janvier 2010