Douze propositions pour réformer la justice pénale : le rapport du comité dirigé par Philippe Léger ne sera pas taxé de lourdeur. La réforme de la procédure pénale avait été impulsée par Nicolas Sarkozy devant la Cour de cassation, le 7 janvier, avec l’annonce de la suppression du juge d’instruction. Le projet de rapport du comité Léger, dévoilé par Le Figaro du 16 juin, et que Le Monde s’est procuré, propose un changement considérable de la procédure pénale : il renforce nettement les pouvoirs du parquet, réduit le champ d’intervention du juge et améliore les droits de la défense. Le rapport définitif sera remis au prochain garde des sceaux, début juillet.

Le procureur. Le comité estime que ses propositions “rénovent le rôle du ministère public en le consacrant comme l’unique directeur d’enquête, l’autorité de poursuite naturelle, et l’accusateur de l’audience”.

Le rapport parachève le mouvement entamé en 2002 d’accroissement des pouvoirs du parquet. Avec la suppression du juge d’instruction, il contrôlera l’ensemble des enquêtes, décidera du classement des affaires ou des poursuites, et des renvois devant le tribunal. Il conduira l’accusation lors de l’audience, en lisant l’acte d’accusation, en menant les interrogatoires des personnes mises en cause et des témoins, avant la partie civile et la défense, selon le modèle de la “cross examination” américaine. Le rapport parle d’“interrogatoire croisé”.

Le comité ne prévoit pas de changement du statut des procureurs, dont la nomination et la carrière dépendent entièrement du pouvoir exécutif. Cette partie du rapport n’a pas été modifiée depuis le document d’étape de février, malgré les critiques et les débats sur ce point clé. Le comité s’abstient d’évoquer la décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a considéré que le procureur français n’était pas “une autorité judiciaire”, en raison de son manque d’indépendance par rapport au pouvoir politique.

Le juge. “Comme le juge d’instruction, le président d’audience est à la fois enquêteur et juge”, rappelle le comité. La réforme proposée veut “clarifier le rôle du juge en le recentrant sur sa fonction juridictionnelle”. Il justifie ainsi la suppression du juge d’instruction, remplacé par un “juge de l’enquête”. Ce dernier arbitrera les demandes des parties et pourra contraindre le parquet à réaliser des actes qu’il n’avait pas voulu faire. Le rapport est muet sur le statut de ce juge.

La même logique conduit à proposer la transformation du président de chambre ou de cour d’assises en “juge arbitre”. Il ne conduira plus les débats comme aujourd’hui, avec, selon le comité, le risque de “donner l’impression qu’il manifeste son opinion”. Mais il veillera à leur “bon déroulement”. Il pourra intervenir à l’issue des interrogatoires pour “poser des questions complémentaires”.

En outre, les décisions de cours d’assises seront motivées, car “la motivation constitue une garantie contre l’arbitraire du juge”. Le rapport reconnaît les “difficultés” d’une telle motivation, sans apporter à ce stade de solutions. Le changement de la procédure en cour d’assises va augmenter les durées des audiences. Aussi le comité préconise-t-il une audience simplifiée, centrée sur la personnalité et la peine, quand l’accusé a préalablement reconnu sa culpabilité.

L’avocat. Les pouvoirs de l’avocat seront renforcés, même si une grande majorité juge ces avancées insuffisantes. Il sera présent à la première et à la douzième heures de la garde à vue, et accédera aux procès-verbaux des auditions du client. L’avocat pourra assister aux interrogatoires en cas de prolongation de la garde à vue au-delà de 24 heures (20 % des cas).

Lors du procès, l’avocat du prévenu ou de la partie civile interviendra plus souvent. Il interrogera les témoins à la suite du parquet. L’avocat de la partie civile pourra récuser des jurés, mais ne pourra faire appel du verdict.

Alain Salles
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