Une juge d’Epinal est sortie de ses gonds vendredi en pleine audience dénonçant la détention provisoire illégale “scandaleuse” d’un prévenu. Elle lui a même “vivement” conseillé de “demander une indemnisation”.
Le sang d’Anne Cazals, présidente du tribunal correctionnel d’Epinal, n’a fait qu’un tour ce vendredi matin, quand elle a dû juger l’affaire de cet homme interpellé mardi à Thaon-les-Vosges dans une station-service parce qu’il conduisait sans permis, une infraction pour laquelle il encourait en théorie un maximum de deux ans de prison. Après la garde à vue, le juge des libertés et de la détention avait suivi les réquisitions du procureur et placé le mis en cause en détention provisoire pendant trois jours. Seulement voilà, cette mesure privative de liberté n’est possible que pour les infractions dont la peine encourue est supérieure à trois ans de prison. Et la juge d’Epinal ne s’est pas privée pour le rappeler et même donner un petit conseil au prévenu, tout en refusant de juger l’affaire sur le fond.
Dénonçant en pleine audience la détention provisoire “scandaleuse” du prévenu pour cette simple conduite sans permis, une mesure illégale donc pour de tels faits, Anne Cazals a lancé : “Vous avez été détenu de manière illégale, ce qui est un scandale : je vous encourage vivement à demander une indemnisation“. “Ce placement en détention est abracadabrantesque : on fait de la statistique, on poursuit pour poursuivre“, avait pour sa part dénoncé l’avocate de la défense, Me Aurélie Sampietro. “Le parquet fait de la détention le principe et le contrôle judiciaire l’exception : ça devrait être l’inverse“, s’était-elle indignée. Constatant la nullité de la procédure du fait de cette anomalie, la juge a donc refusé de se prononcer sur le fond de l’affaire, demandant au parquet de procéder à nouveau à un renvoi devant le tribunal.
Il faudrait aussi regarder qui est le juge de la détention et des libertés. En effet si c’est un tout jeune juge, non pas qu’il n’ait pas de compétences, mais il n’a peut-être pas la maturité psychologique pour s’opposer au parquet. On le voit bien avec de trop nombreux juges d’instruction qui sont par la force des choses aussi les doyens des juges d’instruction dans moult petits tribunaux. Comment alors croire à une quelconque qualité de la justice quand par ailleurs les procureurs sont installés depuis longtemps (ouf avec la loi organique 2001 – 539 modifiant l’ordonnance du 22 décembre 1958, leur maintien dans un même tribunal est limité à 7 ans) et font donc la pluie et le beau temps ? Certes ces jeunes juges font les frais des foudres du peuple français quand ce dernier découvre les errements lamentables d’une justice que l’on peut qualifier de basoche. Ajoutons à cela les politiques qui deviennent avocats sans que les parquets ne réagissent (toute autre action étant irrecevable, voir le cas Mamere) quand leurs parcours ne les y autorisent pas. Il est quand même assez incroyable que l’on puisse devenir avocat de la sorte, un passe droit de notables, alors même que l’on peut qualifier cela d’exercice illegal d’une profession reglementée ce qui entraine accessoirement l’inéligibilité. Ne vous étonnez pas alors de la défiance des citoyens pour les politiques et la justice, mais on sait saluer aussi le courage de certains politiques et de certains juges, ce sont nos karcher pour ne pas dire kalachnikov (mais je suis contre la peine de mort).
Charles Valot