Laurence de Charette

Les justiciables pourront bientôt se plaindre d’un juge directement auprèsdu Conseil supérieur de la magistrature.

La responsabilité des magistrats sera bientôt accrue : Nicolas Sarkozy a annoncé mardi qu’un texte, répondant à ce credo qu’il a maintes fois défendu, devrait être présenté dans les prochaines semaines.

Alors que le Conseil su­périeur de la magistrature (CSM) s’apprête à rendre sa décision sur l’avenir du juge Fabrice Burgaud, le magistrat instructeur de l’affaire d’Outreau, le président de la République a déclaré qu’il ne «laisserait pas des affaires comme Outreau sans réponse». Une manière, sans doute, d’afficher sa détermination alors que les sages, eux, ont eu besoin d’un mois de plus que prévu pour déterminer si le jeune juge d’instruction peut ou non être sanctionné.
«Qualification disciplinaire»

Ces nouveaux textes, dont Le Figaro a pris connaissance, prévoient deux changements majeurs dans l’organisation de la justice. Ils permettront aux justiciables qui s’estiment lésés par leur juge de saisir eux-mêmes le Conseil supérieur de la magistrature, et réforment la composition du CSM lui-même.

Ces deux lois organiques sont en réalité la déclinaison de la réforme constitutionnelle votée l’an dernier à Versailles. Le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature prévoit que «tout justiciable, qui estime, qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un magistrat (…) dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, peut, lorsque le magistrat visé n’est plus saisi de la procédure, saisir le Conseil supérieur de la magistrature».

Les plaintes des justiciables seront étudiées et «filtrées» par deux sections au sein du CSM, l’une pour les juges du siège, l’autre pour les juges du parquet. C’est bien le comportement du magistrat qui est visé par le texte, et non la décision de justice elle-même, qui ne peut être contestée que devant la juridiction d’appel.

Au nom de l’indépendance des magistrats, le Conseil constitutionnel a en effet déjà retoqué un texte de loi présenté par Pascal Clément, le prédécesseur de Rachida Dati à la Chancellerie, tentant d’élargir la définition de responsabilité disciplinaire.

Recours à la saisine

Le nouveau texte organique joue cette fois sur la saisine : alors que seuls le garde des Sceaux et la haute hiérarchie pouvaient jusqu’à présent transmettre un dossier litigieux à la haute instance disciplinaire, cette possibilité est ouverte aux justiciables. Dans la magistrature, beaucoup craignent que cette nouvelle procédure soit utilisée par certains pour déstabiliser les juges.

Le projet de loi organique relatif à la réforme du CSM ne touche lui pas directement les justiciables, mais il bouleverse les rapports de force entre la magistrature et le pouvoir politique – en faveur de ce dernier. Soupçonné de corporatisme, le CSM ne sera plus composé exclusivement de magistrats : les personnalités extérieures y de­viendront majoritaires. Les élus syndicaux sont écartés de la formation plénière – celle qui donne le la – au profit de la haute hiérarchie, ce qui suscite de vives protestations du syndicat majoritaire, l’USM

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