Nice (Alpes-Maritimes),
envoyé spécial.
En pénétrant dans la salle d’audience pleine comme une sacoche de facteur, le premier geste de la juge des référés du tribunal de grande instance (TGI) de Nice, en ce vendredi matin caniculaire, est de se défaire de sa lourde robe noire de magistrat ! La climatisation défectueuse n’est pas la seule raison qui pousse Françoise Alliot-Thiénot, première vice-présidente de ce tribunal, à rendre la justice en bras de chemisier. L’affaire qu’elle doit trancher, où il est question de droit de grève et de libertés syndicales, est particulièrement « chaude » elle aussi. En expliquant qu’elle fut, récemment encore, « une magistrate syndiquée » mais qu’elle a pris, voilà quinze jours, une décision « déboutant la CFDT et la condamnant aux dépens », elle semblait espérer que l’une des deux parties la récuserait. « S’il y a quelqu’un d’autre à ma place, ça m’arrange ! » suggéra-t-elle. Mais après une brève interruption d’audience, les avocats unanimes l’ont condamnée à rester.
la décision sera rendue vendredi prochain
Sa décision (qu’elle rendra vendredi prochain) sera donc très attendue aux quatre coins du pays où se déroulent de multiples conflits : celui opposant, dans la région niçoise, depuis le 15 juin, la direction locale de La Poste aux facteurs de Carros et Saint-Martin-du-Var, étant particulièrement exemplaire. D’un côté, il y a une administration qui veut imposer son projet « Facteur d’avenir », lequel se traduirait par un regroupement de bureaux et une augmentation de la productivité des facteurs sans amélioration a priori du service public. De l’autre, se trouvent les syndicats, qui s’opposent à une privatisation rampante, synonyme de suppressions d’emplois, qui soulignent le rôle social que joue le facteur dans les villages et qui demandent le maintien d’un facteur par quartier.
À Carros, le mouvement de grève non seulement ne faiblit pas – il entre dans sa troisième semaine -, mais s’avère plutôt populaire. Jean-Louis Fiori, secrétaire de la section locale CGT, a ainsi déposé, pendant l’audience, plus de 3 000 pétitions de soutien aux facteurs grévistes comprenant de nombreuses signatures d’élus. Et sur les marches du palais de justice, le secrétaire départemental de la CGT, Didier – Turini, devant une assemblée de militants interprofessionnels, a stigmatisé la « criminalisation de l’action syndicale ».
En l’occurrence, la direction de La Poste, par la voix d’Alexis Mancilla, a évoqué des « opérations commandos » menées par des facteurs – grévistes qui constitueraient de condamnables « troubles – illicites et dommages imminents ». Me Catherine Cohen-Seat, en défense des syndicats, n’a pas eu besoin d’aller au bout des vingt minutes octroyées par la présidente pour démontrer que ces « opérations commandos » ont été en vérité des prises de parole de grévistes dans quelques centres de tri et bureaux de poste niçois « qui en aucun cas n’ont perturbé le tri ou la distribution du courrier ». « Est-ce que porter la bonne parole dans un local où on n’est pas ordinairement affecté, sans injurier ou faire pression, en ne détériorant rien et sans faire obstruction au travail est un acte illicite ? » interroge l’avocate en faisant remarquer « qu’aucun représentant syndical » n’a – curieusement été assigné en – référé…
La plupart des prévenus sont de jeunes postiers qui mettaient pour la première fois les pieds dans un tribunal à l’occasion de leur première grève. La direction de La Poste aurait-elle cherché à les intimider ? En tout cas, c’est raté pour ce qui était d’essayer de briser la grève : à la sortie de l’audience, la CGT annonçait qu’un préavis était déposé au bureau proche de Saint-Laurent-du-Var et que le mouvement se renforçait dans la région parisienne, à Lyon et à Marseille.
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