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Karim Achaoui, l’avocat qui avait été la cible d’un tueur en plein Paris avant de connaître la prison, a écrit deux ouvrages pour relater son drame. L’avocat à abattre sera adapté pour le grand écran, tandis que Numéro écrou 31208 fera l’objet d’une série télévisée.
Vous avez publié deux livres après avoir échappé à une tentative d’assassinat en 2007 [lire ci-dessous * La mort en face]. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Karim Achoui : L’avocat à abattre a séduit le producteur de Camping, Patrick Godeau. Nous avons signé un contrat à ma sortie de prison, le 16 mars dernier, pour un tournage dès la fin de l’année. Le scénario de cette fiction, inspirée du livre et prévue au cinéma, est à l’écriture. Le producteur souhaite confier le rôle de l’avocat à Vincent Cassel. J’aime beaucoup également François Cluzet. Thierry Frémont serait très bien dans le rôle du commanditaire du crime.
Pour l’adaptation de mon deuxième ouvrage, Numéro écrou 31208, journal de mes 52 jours derrière les barreaux, je suis en contact avec Aïssa Djabri, qui a produit La vérité si je mens. L’idée est de proposer une série télé de 24 épisodes sur l’histoire d’un homme en prison. Le projet est prévu en 2010. Je souhaite être producteur artistique en y associant la fondation Karim Achoui, que j’ai créée en faveur des détenus. Je verrais bien au générique le jeune Tahar Rahim, qui vient de s’illustrer à Cannes dans Prophète, le film de Jacques Audiard.
Comment imaginez-vous ces adaptations ?
J’aimerais qu’elles incitent les gens à arrêter de penser que la justice en France fonctionne bien, tout en proposant des solutions, et en rappelant que chacun peut se retrouver un jour en prison. J’ai mis quatre mois avant de me restructurer.
Quel est le calendrier judiciaire vous concernant ?
En décembre, j’ai été condamné à sept ans de réclusion criminelle pour complicité dans l’affaire d’Antonio Ferrara [une figure du grand banditisme qui s’est échappée de la prison de Fresnes en 2003 avec la complicité d’un commando lourdement armé avant d’être rattrapée quatre mois plus tard]. Libéré grâce à huit avocats et un comité de soutien important, j’ai fait appel et le procès se tiendra fin 2010. Le procès de mon assassin présumé aura lieu lui aussi d’ici la fin 2010.
Je viens d’être confronté à des gendarmes qui avaient tenté de me racketter de 100 000 E trois mois après mon exécution manquée. Ils ont été arrêtés pour tentative d’extorsion de fonds et chantage en bande organisée… Au total, six procès sont en cours, dont cinq où je suis victime. Enfin, depuis le 14 juillet, je suis susceptible de pouvoir récupérer ma robe d’avocat, puisque je peux demander à la cour d’appel de Versailles de m’autoriser à plaider.
Parmi les émissions de télé qui ont traité votre histoire, laquelle vous a le plus marqué ?
Celle de Ruquier. Cette confrontation avec Zemmour et Naulleau a permis à une partie de l’opinion de se faire sa propre religion. J’ai reçu un grand nombre de témoignages. C’est aussi cette émission qui m’a dégoûté du journalisme à la française, car mes contradicteurs justifiaient l’acte criminel. Le journaliste ne doit pas juger.
Qui a voulu vous abattre ?
Trois jours après la tentative d’assassinat, dans le journal de TF1 de Claire Chazal, j’ai affirmé en direct que l’auteur était un indicateur de police qui a agi sur commande d’un fonctionnaire de police de la BRB (brigade de répression du banditisme). Dix mois plus tard, un homme était arrêté et je l’ai reconnu immédiatement lors d’une confrontation, derrière une glace sans tain, parmi sept personnes casquées, visières levées. Ex-agent infiltré de l’antiterrorisme ayant travaillé également pour l’antigang de Versailles (la BRI, brigade de recherche et d’intervention), il est toujours en prison. Je suis mis en examen pour avoir donné le nom de cet homme.
Pourquoi avez-vous accusé un commissaire de Versailles ?
Ayant fait ma propre enquête, j’ai constaté que, trois mois avant la tentative d’assassinat qui me visait, ce commissaire et le présumé assassin se sont appelés 328 fois…
Pourquoi a-t-on voulu vous supprimer ?
Il y a forcément un dossier plus sensible que les autres parmi ceux dont j’ai eu la charge, qui a probablement dérangé le pouvoir. J’imagine aussi que certains policiers de services spécialisés avaient projeté d’éliminer la criminalité organisée, mais également ceux qui la défendaient.
Quelle leçon retenez-vous de cette histoire ?
On se sent parfois très seul. Le cercle des proches se resserre étroitement. Si j’avais eu à écrire sur ma tombe un mot de la fin, j’aurais aimé celui-ci : « Pardon de vous avoir quittés ».
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* La mort en face
Le vendredi 22 juin 2007 à 21 heures, Karim Achoui voit la mort en face. Cible d’un tireur posté non loin de son cabinet, l’avocat parisien est la cible de trois balles de 11.43. Il tente de fuir en remontant le boulevard Raspail sur 250 mètres. La première balle l’atteint dans le dos et lui traverse un poumon. Il ne ressent aucune douleur mais une brûlure. La seconde lui frôle l’oreille.
La troisième lui transperce la fesse avant de ressortir par la verge. S’effondrant à l’angle de la rue de Varenne, il capte le regard de celui qui veut l’abattre : « Il me regarde. Je vois même un rictus. Il me vise pour vider son chargeur des quatre dernières balles, mais son arme s’enraie. Puis, selon divers témoins, il s’en va, la démarche tranquille avant de rejoindre un complice à moto ». Étendu sur le sol, Karim Achoui croit que c’est la fin. Puis il pense à son fils. « Je ne serai pas à la sortie de l’école mardi, il va s’inquiéter. »
“l’affaire Karim Achoui” vue à travers la joute Zemmour/Achoui
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