Paris : La Flûte de Pan, 1984. |
Préface de Frédéric Monnier
” Le 17 juin 1944, L.-FCéline quitte son appartement montmartrois avec sa femme Lucette et son chat Bébert dans l’intention de se réfugier au Danemark.
Ils séjournent deux mois à Baden-Baden où ils tentent de se procurer les visas nécessaires. En septembre ils partent pour Berlin, puis Kraenzlin, village situé à 50 kilomètres au nord où ils attendent vainement pendant un mois et demi la possibilité de passer la frontière. Ils quittent alors Kraenzlin où la population leur est très hostile, et rejoignent Sigmaringen, ville refuge du gouvernement de Vichy et de nombreux collaborateurs, où Céline exerce la médecine auprès de la colonie française.
Après avoir envisagé un départ pour la Suisse, Céline et Lucette obtiennent enfin des passeports pour le Danemark. Ils partent le 22 mars 1945 et passent la frontière cinq jours plus tard.
Dès leur arrivée à Copenhague, Céline et sa femme s’installent dans un appartement prêté par leur amie Karen Marie Jensen (qui résidait alors à Madrid) et l’occupent pendant huit mois sous de faux noms. Céline fait par l’intermédiaire d’amis danois la connaissance de Thorwald Mikkelsen qui devient son défenseur. La carrière de Mikkelsen avait connu des fortunes diverses. Après avoir fait faillite dans le commerce, il monta un bureau d’avocat qui devint très prospère. Francophone et francophile il joua dans ” l’affaire Céline ” un rôle de premier plan.
L’ambassadeur de France à Copenhague, Guy Girard de Charbonnière, avait été nommé là en septembre 1945 par Georges Bidault. Lorsqu’il apprend le 1er octobre 1945 la présence de Céline au Danemark, Charbonnière s’informe auprès de Bidault, ministre des affaires étrangères, de ce qu’il doit faire. Comme depuis le 19 avril précédent un mandat d’arrêt avait été lancé contre Céline, Bidault ordonne à Charbonnière le 23 novembre 1945 d’obtenir l’extradition. Informé de l’adresse de Céline, Charbonnière la communique au ministère des affaires étrangères danois et demande son arrestation.
Pour appuyer sa demande, Charbonnière avait précisé que Céline était accusé d’avoir appartenu à des organismes de propagande germanophile et d’avoir publié des livres et des articles soutenant l’idéologie national-socialiste.
Le 17 décembre au soir, le couple Céline est arrêté et incarcéré. Lucette est libérée dix jours plus tard et récupère Bébert qui avait été placé dans une clinique vétérinaire le soir de l’arrestation.
La presse française commence à évoquer l’affaire. Le gouvernement cherche à obtenir rapidement l’extradition mais les danois ne jugent pas les griefs retenus contre Céline suffisants pour la justifier. Néanmoins, afin de ménager l’opinion publique, ils le gardent en prison.
Pour forcer la décision, Charbonnière envoie aux autorités danoises le 20 septembre 1946 un rapport assez maladroit et outrancier concernant les activités de Céline pendant l’occupation (” son attitude ouvertement pro-allemande, son mépris des souffrances françaises, ses exhortations à des persécutions plus cruelles encore “, etc.). Les effets de ce rapport sont désastreux pour l’ambassade et les autorités danoises autorisent finalement Céline à être transféré dans un hôpital le 26 février 1947. Pendant plus d’un an Céline avait vécu dans des conditions de détention très sévères et était sorti de prison très affaibli physiquement et moralement.
C’est en avril 1947 pendant que Céline se rétablit au Rigshospital que son ami Antonio Zuloaga, attaché de presse de l’ambassade d’Espagne à Paris, demande à Maître Albert Naud d’accepter de défendre Céline.
Albert Naud : Notice biographique
Albert Naud naît à Saint-Amant-de-Graves (Charente) en 1904.
Alors qu’il semble devoir faire sa carrière dans l’enseignement (il a suivi les cours de l’École normale d’instituteurs de Ruffec), il choisit de monter à Paris.
Après avoir occupé un poste de secrétaire administratif à la chambre syndicale des raffineurs de sucre, il entre à la fin des années vingt au journal d’Henri de Kerillis L’Écho de Paris dont il est le rédacteur pendant quatre ans.
Ayant obtenu sa licence en droit il entre au cabinet du célèbre avocat Campinchi en 1931 puis devient le collaborateur de Poincaré jusqu’à la mort de celui-ci en octobre 1934.
C’est à ce moment que commence sa carrière d’avocat d’Assises.
À la déclaration de la guerre il est d’abord affecté à une compagnie de brancardiers puis nommé officier de contre-espionnage. En septembre 1940 il entre dans la Résistance. Arrêté par la Gestapo il est emprisonné à la Santé pendant deux mois.
Après le démantèlement de son premier réseau il entre dans un autre et participe enfin au combat pour la libération de Paris.
Après la guerre il reprend ses activités d’avocat et plaide dans plusieurs procès de collaboration. Lors du procès Laval, où les règles de la procédure étaient ouvertement violées, il juge que Laval était condamné d’avance par une justice soumise aux ordres du pouvoir politique. Il refuse alors de cautionner par sa présence ce qu’il considère comme un déni de justice et demande à être relevé de sa Commission d’office. Il dénonce ces faits dans son livre : Pourquoi je n’ai pas défendu Laval.
En avril 1947, il accepte de défendre L.-F. Céline et s’occupe de l’affaire jusqu’à son dénouement en avril 1951.
Après avoir plaidé dans plusieurs des grands procès de l’époque (affaire Ben Barka, Lucien Léger, Gabrielle Russier, etc.) il consacre la fin de sa vie au combat pour l’abolition de la peine de mort et met au service de cette cause tout son talent et ses dernières forces.
Il meurt le 20 février 1977 d’un œdème pulmonaire. “
Frédéric MONNIER
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