Pendant plus de trois heures, le juge Patrick Keil, substitut du procureur de Montpellier, a dû répondre devant ses pairs du Conseil supérieur de la magistrature de faits graves de corruption. La révocation a été requise par la Chancellerie.
La salle de la Cour de Cassation impressionne par sa solennité et le gigantesque portrait de Napoléon. Le magistrat montpelliérain Patrick Keil, un petit homme bien mince, se retrouve lundi 13 juillet devant ses collègues de la Formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui doivent rendre un avis avant que la garde des Sceaux ne prenne une décision. Depuis le 14 novembre 2008, il est déjà interdit d’exercer sa fonction. Il a aussi été un temps placé en détention, dans le cadre de l’information judiciaire instruite parallèlement à la procédure disciplinaire. Sera-t-il révoqué?
Quels sont les faits les plus graves motivant cette audience exceptionnelle? Avoir accepté environ 13 000 euros de cadeaux de la part d’un dentiste de la ville en échange d’informations sur l’enquête pour escroquerie qui visait ce praticien après une plainte de la Sécurité sociale. Ces cadeaux étant effectués en paiement de verres au bar, de repas au restaurant ou en liquide. Le dentiste corrupteur lui avait été présenté par un barman. Il est aussi accusé d’avoir fait sauter 600 à 800 PV, en échange de petits coups à boire ou de billets de 20 ou de 50 euros.
“On m’a laissé m’enfoncer”
Patrick Keil a justifié sa dérive professionnelle, notamment son alcoolisme au bureau le conduisant à boire jusqu’à une bouteille et demi de Whisky par jour, par un drame familial: une douloureuse séparation avec sa femme, greffière dans le même tribunal, qui avait effectué une tentative de suicide au revolver. Le tout suivi de graves difficultés financières. Il a été moins convaincant en expliquant son “suicide professionnel” par sa démotivation après un refus de mutation à la Réunion et le sentiment d’avoir perdu la confiance de sa hiérarchie. “On m’a laissé m’enfoncer”, accuse-t-il, reprochant à son supérieur de lui avoir confié les procédures concernant des mineurs post-divorce, alors que lui-même vivait une séparation difficile avec trois enfants. Selon lui, aucun de ses collègues ne lui a manifesté de soutien amical. Une amitié qu’il n’a, poursuit-il, trouvé uniquement chez le dentiste corrupteur.
La représentante de la Chancellerie a requis la “révocation sans perte des droits à pension”, après avoir souligné la “perte totale de repères déontologique” de Patrick Keil, accusé de “vénalité”. L’intéressé n’a pas été surpris, puisqu’il venait de déclarer qu’il s’attendait à une révocation. “Je l’assume avec dignité”, a-t-il souligné, évoquant son projet de changer de métier en créant un site Internet de conseils juridiques et fiscaux. Son avocat, Me Jean-Marc Darrigade, a décrit une “déchéance humaine” qui l’a conduit à l’alcoolisme: “Dans les bars, la misère a rencontré la misère. De la vénalité? Non. Il a été victime d’un état de nécessiteux, qui lui a fait perdre ses repères.”
Le CSM transmettra son avis au Garde des Sceaux le 21 juillet.
Sur les conséquences humaines des affaires traitées par Monsieur Patrick KEIL, croyez-vous possible, au delà de ses aveux retransmis par quelques médias, de lui réclamer des excuses publiques ?
Avant d’être sanctionné, ce magistrat s’est naturellement attaqué très vivement à des gens qui eux, s’inscrivaient dans une spirale plus vertueuse que la sienne. Il a peut-être su faire procéder à des arrestations de brigands ou malfrats, mais parfois il s’est complètement et gravement planté, et il a travaillé à charge contre des innocents, des gens honnêtes qu’il a totalement écrasés et qui aujourd’hui se taisent ou n’ont même plus aucun moyen de s’informer sur ce “petit procureur” qui riait de les avoir à sa merci.
Vérité oblige, la question a été posée par des parents et des familles dans de nombreuses associations dans toute la France.