La suppression de la fonction de juge d’instruction voulue par Nicolas Sarkozy risque d’entraver l’action de la justice dans les dossiers qui gênent le pouvoir politique, estime l’influente organisation anticorruption Transparency International dans un rapport publié mercredi.
Cette Organisation non gouvernementale (ONG), dont la plainte est notamment à l’origine de l’ouverture récente d’une enquête contre les biens de trois dirigeants africains, dresse dans ce document un premier bilan de l’action du président français en matière de lutte contre la corruption.
La suppression du juge d’instruction, indépendant par son statut, et son remplacement pour les dossiers importants par le parquet, lié au pouvoir politique, comporte selon Transparency International un risque majeur.
“Le risque est grand que l’action de la justice ne soit même plus initiée dans des dossiers de corruption, de trafic d’influence ou d’abus de biens sociaux susceptibles de gêner des dirigeants politiques ou économiques”, écrit l’organisation.
Le projet, annoncé par Nicolas Sarkozy en janvier, est actuellement à l’étude dans une commission de réflexion sur la procédure pénale, qui l’a appuyé dans un rapport intermédiaire. Le calendrier de la réforme, vivement combattue par la magistrature, n’est pas connu avec précision.
L’actualité vient de fournir une illustration des craintes de Transparency, le parquet ayant fait appel de la décision d’une juge d’instruction parisienne d’ouvrir une enquête sur les biens français de chefs d’Etat africains.
Transparency critique aussi le projet restreignant l’accès des juges à des lieux sensibles tels que la présidence de la République, des ministères, les services secrets ou les sièges de grandes sociétés, disposition figurant dans le projet de loi de programmation militaire pour 2009-2014.
Cette réforme prévoit que serait désormais restreint, voire interdit, l’accès des juges aux lieux “susceptibles d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale” et aux “locaux d’entreprises privées intervenant dans le domaine de la recherche ou de la défense”.
UN “PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA RÉPUBLIQUE”
“Mises en perspectives avec l’affaiblissement continu ces dernières années des différents corps d’enquêteurs spécialisés en matière de délinquance financière, ces deux annonces sont perçues par de nombreux magistrats comme les points d’orgue d’une ‘réaction des élites’ à la vague des dossiers politico-financiers des années 90”, écrit Transparency.
L’organisation suggère donc à l’Elysée de renoncer à la réforme concernant le secret-défense et, s’il supprime le juge d’instruction, de créer un “procureur général de la République”, nommé par le Parlement à une majorité des 3/5e afin de garantir l’indépendance du système judiciaire.
La loi devrait permettre aux associations d’agir contre la corruption, avance-t-elle aussi.
Transparency salue en revanche l’action de Nicolas Sarkozy au niveau international pour l’encadrement des pratiques des paradis fiscaux, qui a connu un début d’application.
Le rapport suggère au gouvernement de “concrétiser” l’annonce du ministère de l’Economie, qui a promis d’exiger des banques françaises ayant des filiales dans ces pays de rendre leurs activités plus transparentes.
L’ONG salue aussi une loi de novembre 2007 qui offre aux salariés du privé une protection légale contre les représailles éventuelles de leurs employeurs lorsqu’ils dénoncent une pratique de corruption dans leur entreprise.
Rappelant par ailleurs que Nicolas Sarkozy s’était engagé à un renforcement des moyens matériels d’action du pôle financier du tribunal de Paris, Transparency constate que cette promesse n’a pas été tenue, les moyens étant stables.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse
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