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oup sur coup, deux juges d’instruction de la section financière de Paris ont vu rouge. Après Xavière Simeoni, c’est au tour d’un autre magistrat, René Grouman, d’avoir signifié au policier Patrick Hefner, patron de la sous-direction des affaires économiques et financières (Sdaef) de la préfecture de police, que la brigade financière qu’il supervise était dessaisie de l’enquête liée au groupe Casino. La décision des juges fait suite aux révélations du Canard enchaîné du 8 avril sur un embarrassant dîner au domicile de Philippe Courroye.

A la table du procureur de Nanterre – dont l’épouse travaille pour la fondation Casino -, se sont en effet retrouvés Jean-Charles Naouri, patron du groupe Casino, son avocat Paul Lombard, et M. Hefner. Or ce dernier enquête sur une série de plaintes liées au groupe de distribution en conflit avec la famille Baud, fondatrice des enseignes Franprix et Leader Price, détenues par Casino. Le litige qui oppose les deux parties dure déjà depuis deux ans, et a pris un tour judiciaire. La juge Simeoni instruit ainsi une plainte pour abus de biens sociaux de Casino versus Baud, tandis que le juge Grouman, lui, fait exactement la même chose en sens inverse, Baud versus Casino. Or, la famille Baud détenant toujours 5 % de Franprix et 25 % de Leader Price, les deux camps s’affrontent sur la valorisation de ces actions. Et chacun tente de peser sur la décision qu’un tribunal arbitral devrait rendre en juin.

Présentant au mois de mars les résultats du groupe Casino, M. Naouri avait affirmé, devant la presse, que tout devait être réglé “d’ici fin 2009”. C’est pour s’assurer que les choses allaient assez vite que la rencontre chez M. Courroye aurait été organisée…

“PRATIQUES COURANTES”

Découvrant ces agapes dans le Canard enchaîné, Mme Simeoni a alors convoqué dans son bureau M. Hefner, qui a reconnu les faits. La magistrate, considérant que cela pouvait fragiliser toute la procédure, lui a aussitôt annoncé qu’elle lui retirait l’enquête, sans avoir encore désigné quel service de police reprendrait l’enquête. Une façon aussi de démontrer l’indépendance d’un juge d’instruction très irrité par les méthodes d’un procureur.

La plupart des protagonistes refusent aujourd’hui de s’exprimer à visage découvert sur ce dossier. M. Hefner, qui jouit d’une très bonne réputation, continue de bénéficier de la confiance de sa hiérarchie et de ses collègues, mais le mal est fait. Pour certains, il s’agit de “pratiques courantes” et jamais “médiatisées”.

D’autres dénoncent un “acharnement” sur la personne de M. Courroye, mis en cause par des avocats dans le procès de l’Angolagate, qu’il avait instruit en tant que juge. Récemment décoré par Nicolas Sarkozy lors d’une cérémonie à laquelle participait l’avocat Paul Lombard, il est promis à succéder à Jean-Claude Marin au poste de procureur de Paris.

Isabelle Mandraud
Article paru dans l’édition du 03.05.09

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