Le sénateur UMP des Hauts-de-Seine et ancien ministre de l’Intérieur comparaît pour deux semaines devant la Cour de justice de la République pour des faits présumés de corruption.

Deux semaines qui s’annoncent pénibles pour le sénateur UMP des Hauts-de-Seine Charles Pasqua. Il comparaît à partir de lundi 19 avril devant la Cour de justice de la République (CJR) pour des faits présumés de corruption qui remontent à l’époque où il était ministre de l’Intérieur entre 1993 et 1995.

A 83 ans, l’ancien ministre d’Edouard Balladur, figure emblématique de la droite française, sera l’unique prévenu de ce procès devant la seule juridiction compétente pour examiner des crimes et délits reprochés à un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. Le verdict est attendu le 30 avril. Charles Pasqua encourt dix ans de prison, mais reste protégé par son immunité parlementaire et pourra encore engager un recours.

Corruption massive, recel d’abus de biens sociaux

Quinze juges devront déterminer quel rôle a joué le vieux lion politique dans trois dossiers. Dans l’affaire dite du casino d’Annemasse, Charles Pasqua est accusé d’avoir, en 1994, accordé à des proches l’autorisation d’exploiter cet établissement de jeux, en échange d’un financement politique ultérieur. Il est renvoyé pour corruption passive.

En 1994 toujours, le ministre a signé un agrément autorisant le déménagement d’une entité de GEC-Alsthom. Un pot-de-vin a été versé à un proche de Charles Pasqua. L’homme politique est soupçonné d’en être l’ordonnateur. Il est mis en examen pour complicité et recel d’abus de biens sociaux.

La même qualification a été retenue dans le dossier de la Sofremi, société d’exportation de matériel militaire qui dépendait du ministère de l’Intérieur. Là encore, des commissions illicites ont bénéficié à l’entourage du ministre.

Mauvais présages

Ces trois affaires ont déjà été jugées par des juridictions de droit commun : d’autres protagonistes -hommes d’affaires, cadres d’entreprise, hauts fonctionnaires- ont été condamnés pour leur participation à ces malversations.

Charles Pasqua lui-même a écopé de 18 mois de prison avec sursis dans le volet non ministériel du dossier du casino d’Annemasse, première peine définitive au casier de l’élu.

L’ancien ministre qui ne semble pas se faire d’illusion sur l’issue du procès devant la CJR : “(…) J’ai le sentiment que tout est réglé d’avance, comme une formalité”, a-t-il confié au Point, estimant sa condamnation “inéluctable”.

“Tout a été fait pour m’abattre”

Sa défense va soutenir que le sénateur est victime d’un règlement de comptes politique. “Ce que je sais, c’est que mes ennuis judiciaires ont commencé en 2000, quand j’ai laissé entendre que je serais peut-être candidat à la présidentielle de 2002. Dès lors, tout a été fait pour m’abattre (…)”, a-t-il ajouté au Point.

“On veut faire de Pasqua un mafieux, le juger en fonction d’une légende sulfureuse totalement fausse. Le procès permettra de dire qui il est vraiment”, promet l’un de ses avocats Me Léon Lev Forster.

Le sénateur clame son innocence. “Les enquêteurs ont cherché partout, à aucun moment, ils n’ont pu prouver que Charles Pasqua avait bénéficié de quoi que ce soit. Il n’y a que des déclarations de certains témoins qui se basent sur des ‘on dit'”, dénonce l’avocat.

Beau monde politique appelé à la barre

Cinquante-sept témoins seront appelés à la barre, dont des figures du monde politique: le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, ancien directeur adjoint du cabinet du ministre, Philippe de Villiers qui s’était allié à Pasqua lors de la création du RPF, Jean-Marc Sauvé, vice président du Conseil d’Etat, sont attendus dès le deuxième jour. Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, Pierre Falcone, incarcéré dans l’affaire de l’Angolagate, et le fils de Charles Pasqua témoigneront la deuxième semaine.

Une juridiction exceptionnelle

Charles Pasqua sera le sixième ministre à comparaître devant la CJR. Cette juridiction exceptionnelle avait jugé en 1999 l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, l’ancienne ministre des Affaires sociales Georgina Dufoix et l’ancien secrétaire d’Etat à la Santé Edmond Hervé, en fonction dans les années 1980 au moment de l’affaire du sang contaminé. Laurent Fabius et Giorgina Dufoix avaient été relaxés et Edmond Hervé avait été condamné pour “manquement à une obligation de sécurité ou de prudence”, mais dispensé de peine.

L’ancien secrétaire d’Etat aux Handicapés de 1988 à 1993, Michel Gillibert, a été condamné en juillet 2004 à trois ans de prison avec sursis pour des détournements de fonds.

Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille, a été relaxée en 2000 dans une affaire de diffamation l’opposant à des enseignants. Les décisions de la CJR peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

(Nouvelobs.com)

Avant son procès, Pasqua évoque en souriant son pouvoir magique

Reuters

Avant son procès qui s’ouvre lundi prochain devant la Cour de justice de la République (CJR), l’ex-ministre de l’Intérieur Charles Pasqua réaffirme son innocence, s’estime victime de menées politiques et menace avec le sourire ceux qu’il juge responsables.

Le sénateur des Hauts-de-Seine, qui aura 83 ans dimanche, encourra jusqu’à dix ans de prison pour “corruption par personne dépositaire de l’autorité publique et complicité et recel d’abus de biens sociaux” dans trois dossiers remontant à 1993-1995, quand il était ministre de l’Intérieur.

“Je veux bien assumer une certaine culture du secret, c’est aussi sans doute un héritage de ma jeunesse. Mais de là à être présenté moi-même comme un corrompu ! Ceux qui font cela ne savent pas qu’ils prennent des risques, je pourrais leur jeter un sort”, dit-il dans un entretien au Point.

Prié de dire s’il est sérieux, il répond “parfaitement” en éclatant de rire, note le magazine, et assure ensuite que certains membres de sa famille en Corse avaient des dons magiques, qui leur ont permis des guérisons miraculeuses.

“Chez les Corses, on dit que ces pouvoirs se transmettent en héritage. Peut-être que je les ai utilisés contre certains… et qu’ils ne le savent pas encore”, ajoute-t-il.

Interrogé sur les éventuels dossiers qu’il pourrait détenir pour compromettre ses adversaires, il répond: “C’est du fantasme, comme le reste. Mais j’ai quand même un peu de mémoire.”

Le ministre de l’Intérieur des gouvernements de Jacques Chirac (1986-1988) et d’Edouard Balladur (1993-1995), qui a fondé ensuite son propre parti et a obtenu des succès sur un créneau “souverainiste” et anti-européen, juge que les procédures contre lui sont politiques.

Il estime en effet que c’est son projet de candidature contre Jacques Chirac à la présidentielle de 2002 qui a tout lancé et il met en cause le juge qui a instruit les affaires contre lui, Philippe Courroye.

“Ce que je sais, c’est que mes ennuis judiciaires ont commencé en 2000, quand j’ai laissé entendre que je serais peut-être candidat à la présidentielle de 2002. Dès lors, tout a été fait pour m’abattre et le juge Courroye a joué un rôle dans cette opération”, dit-il.

Il estime que “tout a été fait par avance pour sceller le résultat de ce procès”, car, remarque-t-il, les affaires qui le concernent ont déjà été jugées pour leurs volets concernant les autres prévenus. Il estime que les deux semaines de débats prévues sont trop courtes.

“En procédant ainsi, on veut faire de la CJR une chambre d’enregistrement. Je ne me laisserai pas faire”, dit-il.

Assuré, du fait de son immunité parlementaire, de sortir libre de l’audience même en cas de condamnation, il déclare qu’il poursuivra son action politique. “Après le procès, je reprendrai la parole sur tous les sujets qui me tiennent à coeur. J’ai un âme de combattant”, dit-il.

Thierry Lévêque, édité par Sophie Louet

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