LE MONDE | 27.03.10 | 14h03  •  Mis à jour le 27.03.10 | 14h03
Bucarest Correspondant

e son lit de l’hôpital municipal de Bucarest, le sénateur socialiste Catalin Voicu contemple la vue sur la capitale roumaine. Il imaginait cette ville à ses pieds, mais au lieu de fêter ses 45 ans, il s’est retrouvé à l’hôpital. Son coeur a défailli lorsqu’il a appris que ses collègues sénateurs avaient donné le feu vert à son arrestation. Les élus ont livré un des leurs à la justice : une première en Roumanie, pays réputé pour son haut degré de corruption.

Catalin Voicu est accusé par le parquet national anticorruption (DNA) de trafic d’influence. Entre juillet et septembre 2009, il serait intervenu auprès de plusieurs magistrats et hauts responsables de la police en faveur de deux hommes d’affaires aux prises avec la justice. Les rendez-vous secrets avaient lieu dans une salle retirée d’un restaurant du centre de Bucarest. Son chauffeur et les serveurs gardaient le silence sur ses rencontres avec les magistrats et les hommes d’affaires. Le dernier arrangement en faveur de l’un d’eux, Costel Casuneanu, lui avait rapporté 260 000 euros. “Il ne faut pas rater cette affaire, avait-il dit à son complice Florin Costiniu, juge à la Haute Cour de justice et de cassation. On ne retrouvera plus une telle somme d’argent.”

“SYSTÈME MAFIEUX”

Mais il était surveillé. Ses conversations téléphoniques étaient écoutées et ses rencontres épiées par les procureurs. Un copieux dossier fut transmis au Parlement avec une demande de levée de son immunité parlementaire. Quelques jours plus tard, les journaux publiaient le contenu de ses entretiens téléphoniques. Deux juges de la Haute Cour de justice et de cassation, plusieurs hauts responsables de la police et des magistrats avaient accepté les bakchichs du sénateur pour sauver ses clients. “Les informations contenues dans ce dossier décrivent un système mafieux et les symptômes d’un cancer qui a touché les institutions-clés de l’Etat, affirme le journaliste Dan Tapalaga, à l’origine de ces révélations. Pour la première fois, nous avons la carte détaillée d’un réseau, avec des noms, des méthodes et des tarifs.”

Cette découverte a mis en ébullition le monde politique. D’autant que le 23 mars, la Commission européenne a rendu public un rapport cinglant sur l’état de la justice. “Des retards de procédures sont patents dans les procès de corruption à un haut niveau”, relève-t-elle. Selon elle, le parquet national anticorruption est la seule institution qui s’attaque la corruption. Le DNA a inculpé l’ancien premier ministre Adrian Nastase, plusieurs maires, des juges et des policiers. En 2009, 244 hauts responsables ont été déférés devant les tribunaux.

Les obstacles sont plutôt l’absence de volonté des élus et des juges trop laxistes. “La lutte contre la corruption ne se limite pas aux inculpations et aux condamnations, explique Daniel Morar, directeur du DNA. Il faut une campagne de prise de conscience doublée de mesures punitives pour entraîner un changement de mentalité.”

Mirel Bran
Article paru dans l’édition du 28.03.10
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