Procès Demjanjuk

Par Anne Vidalie, publié le 20/04/2010 à 12:22

A travers le juge Richthof, appelé à la barre mercredi et jeudi, les précédents procès visant des responsables du camp d’extermination de Sobibor s’invitent dans les débats.

Le juge Hans Robert Richthof, 64 ans, sera la vedette des audiences qui se dérouleront les mercredi 21 et jeudi 22 avril devant la cour d’assises de Munich, qui juge depuis fin novembre l’octogénaire John Demjanjuk, accusé de complicité dans l’assassinat de 27 900 Juifs au camp d’extermination de Sobibor (Pologne). Le témoignage de ce magistrat fraîchement retraité est très attendu car, avec lui, ce sont les précédents procès contre l’encadrement SS de Sobibor qui s’invitent à la barre.

En effet, de 1982 à 1985, le juge Richthof a siégé au second procès du sous officier Karl Frenzel, patron du camp de 1942 à 1943. A cette occasion, l’accusé avait déclaré se souvenir d’un gardien nommé “Iwan Demjanjuk“. Condamné une première fois à la prison à vie en 1966, l’ancien adjudant a bénéficié seize ans plus tard d’un acquittement pour vice de forme, avant d’être rejugé et d’écoper, de nouveau, de la perpétuité. Une peine qui ne fut pas appliquée pour raisons de santé. Frenzel est mort en 1996, dans une maison de retraite près de Hannovre.

Avant l’affaire Demjanjuk, les tribunaux allemands avaient déjà jugé, à plusieurs reprises, d’anciens cadres SS de Sobibor, l’une des trois machines à broyer des vies, avec Belzec et Treblinka, que le régime nazi avait érigées à l’ouest de la Pologne pour liquider les Juifs d’Europe.

Reconnu par un survivant dans une rue de Berlin après la guerre, Erich Bauer, l’opérateur des chambres à gaz, a été condamné à finir ses jours derrière les barreaux en 1950 La même année, le tribunal de Francfort-sur-le-Main a infligé une peine identique à l’ex sergent Hubert Gomerski.

Le juge qui doute

Exprimera-t-il son scepticisme devant les juges de Munich? L’an dernier, le juge Richthof a qualifié de “blague de l’Histoire” l’ouverture du procès de John Demjanjuk: “Le fait que quelqu’un se trouve quelque part ne fait pas de lui un coupable”, a-t-il déclaré dans les colonnes du quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. Un point de vue qui fait bondir Thomas Walther, le magistrat dont l’enquête minutieuse a permis de mettre en branle la machine judiciaire allemande contre l’ancien gardien de camp ukrainien. “Demjanjuk n’est pas poursuivi parce qu’il se trouvait à Sobibor, mais pour ce qu’il y a fait, explique-t-il. Personne n’a pu passer six mois dans ce camp d’extermination sans avoir activement participé à cette machinerie de mort!”

En 1965 s’est ouvert à Hagen, en Rhénanie du Nord-Westphalie, ce que les livres d’histoire ont appelé “le procès de Sobibor”. Dans le box des accusés se trouvaient douze membres de l’encadrement du camp – dont Karl Frenzel. Bilan de ces seize mois d’audiences : un suicide, une condamnation à perpétuité (Frenzel), cinq peines de 3 à 5 ans d’emprisonnement et cinq acquittements au nom d’une subtilité du droit pénal allemand – les intéressés pensaient que leur vie pouvait être menacée s’ils n’exécutaient pas les ordres.

Alors réfugié au Brésil, Franz Stangl, ancien commandant des camps de Sobibor et de Treblinka, a été expulsé vers l’Allemagne en 1967. Trois ans plus tard, les juges de Düsseldorf l’ont condamné à la prison à vie.

Dans l’ex-Union soviétique, les gardiens de camp ukrainiens de Sobibor, Belzec et Treblinka ont, eux aussi, subi les foudres de la justice. Une vingtaine d’entre eux ont été exécutés. L’Allemagne, elle, n’a jamais poursuivi, jusqu’à présent, ces supplétifs des commandos SS. John Demjanjuk est le premier.

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