Mohammad Shafia, son fils Ahmed et sa femme... (Archives La Presse)

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Mohammad Shafia, son fils Ahmed et sa femme Touba Mohammad Yahya sont accusés du meurtre de leurs trois filles et d’une parente.

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Christiane Desjardins
La Presse

(Kingston) À une minute d’intervalle, la mère, le père et le fils de la famille Shafia sont entrés dans le box des accusés, hier matin, au palais de justice de Kingston. Cette chorégraphie parfaitement orchestrée avait pour but de les réunir pour l’enquête préliminaire du quadruple meurtre qu’on leur impute sans qu’ils soient en contact direct.

Lorsqu’elle est entrée, à 9h29, la mère, Touba Mohammad Yahya, 40 ans, a regardé dans la salle d’audience, a souri à des gens qu’elle a reconnus et leur a envoyé la main avant de s’asseoir. Une minute plus tard, son mari, Mohammad Shafia, 56 ans, a salué les mêmes personnes. Tous deux sont accusés des meurtres prémédités de leurs trois filles et de la première épouse de monsieur. Leur fils Ahmed, 19 ans, le dernier à entrer, fait face aux mêmes accusations.

Les victimes, Zaïnab, 19 ans, Gaeti, 17 ans, Sahari, 13 ans, et Rona Amir Mohammad, 49 ans, ont été trouvées mortes dans une Nissan Sentra immergée dans le canal Rideau, à Kingston Mills, le matin du 30 juin dernier. La famille, qui résidait à Saint-Léonard, à Montréal, rentrait d’un voyage à Niagara Falls lorsque le drame est survenu.

Les premières indications, notamment les déclarations des parents, laissaient croire à un funeste accident. Mais les circonstances étaient bien étranges. Par la suite, une parente d’outre-mer a avancé l’hypothèse du «crime d’honneur». Au bout de quelques semaines, la police a arrêté le père, la mère et le fils aîné. Ils sont aussi accusés d’avoir comploté pour commettre ces quatre meurtres à partir du 1er mai 2009.

Hier matin, peu après l’ouverture de la séance, le premier témoin, Julia Moore, technicienne en scènes de crime, s’est avancée à la barre. Pendant son témoignage, à certains moments, on pouvait entendre la mère pleurer bruyamment dans le box. Son mari a aussi versé des larmes. Les agents leur ont donné des mouchoirs. Le fils, pour sa part, est resté coi. Plus tard, un policier de la GRC de Colombie-Britannique, qui parle le farsi, a commencé à témoigner. La preuve dévoilée à l’enquête préliminaire est frappée d’un interdit de publication.

L’exercice, qui doit durer un mois, est présidé par le juge Stephen J. Hunter. Chaque accusé est représenté par un avocat, tandis que deux procureurs représentent la Couronne. Deux interprètes traduisent les débats simultanément de l’anglais au farsi et vice versa, quand c’est nécessaire. D’origine afghane, la famille a résidé à Dubaï avant de s’établir à Montréal.

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Vietnam –
Article publié le : mercredi 03 février 2010 – Dernière modification le : mercredi 03 février 2010

Un vendeur de journaux devant la Cour de justice, à Hanoi.

AFP /Hoang Dinh Nam
Par RFI

Une révélation dans la presse a agité Hanoi ces derniers jours, un procès aurait été bâclé l’an passé parce qu’il impliquait des officiels locaux. La justice a rouvert l’enquête.

Avec notre correspondante à Hanoi, Lucie Moulin

L’affaire commence en novembre dernier par un fait divers sordide. Dans le nord du pays, un proviseur aurait abusé d’une dizaine d’élèves. Il est condamné à dix ans et demi de prison et deux lycéennes écopent de cinq et six ans pour complicité.

Mais lors du procès en appel, ces derniers jours, les avocats des deux jeunes filles font valoir leur version dans les médias : depuis le début de l’enquête, leurs clientes auraient communiqué à la police une liste d’officiels et de responsables économiques locaux qui « eux aussi » auraient profité des adolescentes. Liste aussi vite oubliée par le tribunal local.

Avec cette révélation, la justice n’a d’autre choix que de faire volte-face et de relancer l’enquête en assurant qu’elle ne sera soumise à aucune pression, et que cette fois la fameuse liste sera prise en compte.

L’intervention des médias aura forcé les juges vietnamiens à oublier leurs vieux réflexes. Car au Vietnam, selon un sondage de la Banque mondiale, près d’un tiers des magistrats consulteraient les autorités locales avant de prendre une décision.

AFP 02.02.10 | 18h39

Plusieurs élus du Congrès américain ont annoncé mardi le dépôt d’un projet de loi visant à interdire l’utilisation de fonds public pour la tenue d’un procès des accusés des attentats du 11 septembre 2001 devant un tribunal de droit commun.

Le projet de loi déposé mardi au Sénat et à la Chambre des représentants, est soutenu essentiellement par des républicains, mais aussi par quelques démocrates, comme Jim Webb, Blanche Lincoln, ainsi que l’indépendant Joe Lieberman au Sénat.

Il interdirait l’utilisation de fonds du département de la Justice pour la tenue du procès devant des tribunaux de droit commun de Khaled Cheikh Mohammed, cerveau autoproclamé des attentats du 11-Septembre et de ses quatre co-accusés.

L’administration Obama a annoncé le 13 novembre son intention de traduire les cinq détenus de Guantanamo devant un tribunal de droit commun, à New York, à deux pas de Ground Zero, le site des attentats du World Trade Center, plutôt que devant un tribunal militaire d’exception.

Pour le sénateur républicain Lindsey Graham, “New York serait un cirque”, si l’administration devait s’en tenir à sa décision. M. Graham a estimé mardi lors d’une conférence de presse qu’un “procès de droit commun avec les accusés du 11-Septembre pourrait être dangereux”.

“Nous sommes en guerre”, a-t-il souligné ajoutant que le fait de traduire les accusés du 11-Septembre devant la justice de droit commun “met le pays en danger” car il l’expose à de nouveau actes terroristes.

M. Graham, ancien avocat militaire, a ensuite plaidé pour des procès devant les tribunaux militaires d’exception qui “devraient se tenir à Guantanamo, rapidement, en sécurité, et avec un coût peu élevé”.

Plusieurs élus de New York, au premier rang desquels le maire, Michael Bloomberg, ont exprimé leurs craintes ces derniers jours de voir un procès d’une telle importance organisé à quelques pâtés de maison de Ground Zero, notamment en termes de sécurité et de coûts.

Ce procès coûterait environ 200 millions de dollars par an, soit un milliard de dollars sur cinq ans, selon des chiffres cités par les élus mardi.

A la Chambre des représentants, le républicain Frank Wolf a déposé mardi un projet de loi similaire pour “empêcher de façon explicite la tenue de ce procès dangereux et coûteux dans un tribunal de droit commun”, a-t-il déclaré mardi. M. Wolf a également insisté sur le fait que ce procès doit avoir lieu devant un tribunal militaire d’exception.

M. Graham, qui devrait se rendre à la Maison Blanche pour discuter de son projet de loi, s’est déclaré “confiant” d’avoir suffisamment de soutien au Sénat pour faire adopter son projet de loi.

Parmi les soutiens au texte, le sénateur démocrate Jim Webb, a affirmé mardi au cours de la même conférence de presse que le 11-Septembre “n’est pas le genre de crime qu’il convient de juger devant un tribunal de droit commun”. M. Webb a également affirmé qu'”aucune réponse claire” n’a été donnée par le ministre de la justice Eric Holder sur les implications d’un possible acquittement de l’un des accusés

Selon un amendement adopté dans le cadre du projet de loi Loppsi, les auditions judiciaires devront désormais être majoritairement effectuées par visioconférence. Certains magistrats dénoncent la mise en place d’une « télé-justice ».

Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) n’a pas fini de faire parler de lui. Alors que le texte sera discuté sur les bancs de l’Assemblée nationale à partir du 9 février, certaines voix commencent déjà à s’élever contre l’un de ses amendements.

D’après le projet de loi, adopté par la commission des lois le 27 janvier, le recours à la visioconférence « deviendra la procédure de droit commun ». Jusqu’à présent, son utilisation était exceptionnelle.

Dans le monde de la justice, cet amendement n’est une surprise pour personne. Le 5 février 2009, le ministère de la Justice avait déjà envoyé à tous les présidents de cours et de tribunaux une circulaire qui annonçait la couleur.

Le document encourageait l’utilisation de la visioconférence en vue d’une baisse des extractions judiciaires de 5% en 2009. Le but était très clair : il s’agissait d’effectuer une « nécessaire rationalisation des moyens de l’Etat » et de se préparer à « la réduction à venir des effectifs des services de police et de gendarmerie. »

Eric Ciotti, député UMP et rapporteur du projet de loi, nie pourtant en bloc être l’auteur d’un amendement dont le but serait de faire des économies :

« Les policiers effectuant les extractions seront affectés ailleurs. Chaque année, l’équivalent de 1 300 emplois à temps plein sont mobilisés pour mener les justiciables des prisons vers les tribunaux. Pour réaliser cette tâche, la police doit mobiliser un nombre important d’effectifs. Il est donc difficile pour elle de se concentrer sur la sécurité des individus, cela doit évoluer. »

Une « déshumanisation » de la justice

L’amendement adopté irrite sensiblement Marie-Blanche Régnier, vice-présidente du syndicat de la magistrature (SM). Selon elle, il présage une déshumanisation de la justice :

« Interroger un prisonnier à distance via une télévision n’a rien à voir avec un vrai entretien devant un juge. Cet amendement risque de mettre à mal l’essence de la relation qui existe entre le magistrat et le justiciable. »

Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue pour les droits de l’homme (LDH) partage ce point de vue :

« L’absence de confrontation physique est inquiétante. La justice sera rendue via un téléviseur, ce qui rend la procédure complètement virtuelle, hors de toute réalité. La visioconférence sera à la justice ce que la télé-réalité est à la télévision. C’est de la télé-justice. »

Une restriction de l’espace judiciaire

Jean-Pierre Dubois dénonce également cette nouvelle conception de l’espace judiciaire :

« Il faut faire plus simple, plus pratique. On en arrive à vouloir rendre justice dans des pénitenciers. La justice interviendra dans un lieu sous dépendance totale du milieu carcéral.

Symboliquement, c’est très fort, on méprise la justice. Elle est contaminée par une logique policière et carcérale, c’est déplorable. »

C’est aussi une des raisons pour lesquelles l’amendement chiffonne Marie-Blanche Régnier, du syndicat de la magistrature :

« Il porte un sérieux coup à l’indépendance de la justice. Début 2009, on nous incitait sérieusement à avoir recours à la visioconférence. Mais avec cet amendement, son usage devient obligatoire ! Or, seuls les magistrats doivent pouvoir décider des moyens qu’ils utilisent pour rendre justice. »

Eric Ciotti tient à nuancer ces propos. Il précise que :

« La loi laisse tout de même une porte ouverte au magistrat, qui, dans certains cas, pourra extraire les justiciables pour les écouter. »

Il insiste malgré tout sur le fait que l’amendement vise à généraliser les auditions par visioconférence.

Cela ne rassure pas pour autant le syndicat de la magistrature :

« Il va falloir faire au cas par cas, ce qui ne simplifiera pas les procédures. Les auditions par visioconférence concernent en effet toutes les personnes qui sont en prison, aussi bien celles qui doivent se présenter devant un juge d’instruction, un juge des affaires familiales ou autres. »

L’amendement laisse également perplexe Jean-Yves Le Borgne, vice-bâtonnier du barreau de Paris :

« Il n’est pas concevable d’auditionner via une télévision quand l’acte judiciaire a une vraie portée. Si c’est un interrogatoire, il doit être fait en face-à-face. »

Et si les magistrats refusent la visioconférence ?

Marie-Blanche Régnier refuse personnellement de pratiquer son métier par visioconférence. Une décision qui exaspère le rapporteur de la loi, Eric Ciotti :

« Il est inadmissible que les magistrats ne veuillent pas respecter la loi de la République. »

Il reste cependant vague quant aux mesures qui seront prises si ce refus se généralise parmi les juges :

« En cas de difficulté, il appartiendra au Garde des sceaux de régler le problème. »

Par Marie Kostrz | Rue89 | 02/02/2010 | 16H03

AP | 03.02.2010 | 12:26

Les juges d’appel de la cour pénale internationale (CPI) ont demandé mercredi aux magistrats de première instance mercredi de réexaminer leur décision de ne pas retenir l’accusation de génocide contre le président soudanais Omar el-Béchir, pour son rôle dans le conflit au Darfour.

Les juges d’appel ont estimé qu’en première instance, en mars 2009, les juges avaient eu tort de conclure qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour retenir contre lui trois accusations de génocide. Ils avaient en revanche retenu sept chefs d’inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour l’orchestration d’une campagne d’assassinats, tortures, viols et expulsions forcées dans la province du Darfour (ouest du Soudan).

Le niveau de preuve requis par les juges était “trop élevé et plus exigeant par rapport à ce qui est prévu” dans les statuts de la CPI, a estimé mercredi le juge finlandais d’appel Erkki Kourula. Cette décision laisse entendre que le président soudanais pourrait être jugé pour génocide, la plus grave inculpation possible.

Le 4 mars 2009, la Cour pénale internationale (CPI) avait lancé un mandat d’arrêt international contre l’homme fort de Khartoum, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, mais n’avait pas retenu le génocide.

Selon les estimations de l’ONU, la guerre civile au Darfour a fait au moins 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés depuis le début du conflit en 2003.

Le procureur de la CPI accuse el-Béchir d’avoir mobilisé depuis six ans la totalité de l’appareil d’Etat soudanais contre les ethnies Fur, Masalit et Zaghawa au Darfour. Les forces soudanaises et les milices arabes janjaweed sont accusées de massacrer les civils, et de pratiquer une campagne de viols systématiques destinée à chasser les femmes dans le désert, où elles meurent de faim.

En première instance, les juges de la CPI avaient estimé que les preuves n’étaient pas suffisantes pour poursuivre el-Béchir pour génocide. Le président soudanais est cependant le premier chef d’Etat inculpé par le premier tribunal international permanent chargé de juger les crimes de guerre.

Omar el-Béchir ne reconnaît pas la compétence de la CPI et les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, réunis vendredi dernier en Libye, ont répété à plusieurs reprises qu’ils n’arrêteraient ni n’extraderaient le président soudanais s’il venait à se rendre dans leur pays.

Depuis son inculpation, Omar el-Béchir est cependant encore plus isolé. Il a annulé tous les déplacements vers des pays où il criant d’être arrêté et envoyé depuis la CPI. AP

Tribunaux de Commerce

Conseils de Prud’hommes

Les deux

Tribunaux de Grande Instance

Cour de Cassation

n nouveau procès du journaliste mauritanien Hanavi Ould Dehah, maintenu en détention depuis plus de sept mois malgré des protestations nationales et internationales, a débuté lundi devant une cour constituée pour le rejuger, a-t-on appris auprès d’un de ses avocats.

“Le procès s’est ouvert dans la matinée pour rejuger notre client et nous avons dénoncé des irrégularités de procédure et la détention arbitraire dont ce journaliste est victime depuis le 24 décembre”, a déclaré Me Brahim Ould Ebetty, membre du collectif des avocats.

“Le juge de la cour de renvoi a ordonné au parquet de corriger les erreurs de procédures dénoncées par la défense, revoyant l’audience à jeudi prochain, sans se prononcer sur le cas de détention arbitraire” dont Hanavi est victime, a assuré Me Ould Ebetty.

M. Ould Dehah, directeur du site d’informations Taqadoumy, avait été arrêté et placé en détention provisoire fin juin. Puis le tribunal correctionnel de Nouakchott l’avait condamné, en août, pour “atteinte aux bonnes moeurs” à six mois de prison ferme, ce qu’avait confirmé ensuite la cour d’appel.

AFP 01.02.10 | 16h47

Après avoir purgé sa peine, le journaliste devait être libéré le 24 décembre, mais il avait été maintenu en détention suite à un pourvoi en cassation déposé par le parquet. Le 14 janvier, la Cour suprême a finalement cassé les précédentes décisions de justice, renvoyant l’affaire devant une nouvelle cour, pour que le journaliste soit rejugé.

Le site Taqadoumy se situe dans l’opposition au régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, meneur du coup d’Etat du 6 août 2008, élu en juillet 2009 à la présidence de la République.

(AFP) –

SAO PAULO — Trois Français, accusés accusés d’avoir perturbé le 7 décembre un vol de la compagnie brésilienne TAM Sao Paulo-Paris, ont expliqué lundi que l’altercation avait été provoquée par la panique des passagers après l’accident de l’Airbus d’Air France.

Les trois passagers – Emilie Camus, Antonio Nascimento et Michel Ilinskas – ont assuré pendant leur procès à Sao Paulo qu’ils avaient été injustement désignés comme des fauteurs de troubles par l’équipage de la TAM.

Le juge, Alessandro Diaferia, a déclaré que le jugement serait probablement rendu en début de semaine prochaine.

Les accusés restent libres sous caution, avec leurs passeports confisqués, jusqu’à cette date.

Ceux-ci ont expliqué, dans des dépositions séparées devant le juge, qu’un grand nombre de passagers français qui devaient quitter le 6 décembre Sao Paulo pour Paris avaient paniqué quand des problèmes techniques inexpliqués avaient retardé le décollage de trois heures.

Le commandant de bord a renoncé trois fois à décoller, et l’équipage n’a pas traduit en français les quelques annonces faites en portugais et en anglais.

“Il y avait beaucoup de discussions sur le vol d’Air France” parmi les passagers inquiets, a dit Emilie Camus, 54 ans.

“J’avais peur”, a admis Antonio Nascimento, 64 ans.

Tous les trois ont fait allusion au pire accident qu’ait connu Air France six mois plus tôt : le 1er juin, l’avion assurant le vol AF 447 Rio-Paris a plongé dans l’océan Atlantique pour des raisons encore grandement inexpliquées, provoquant la mort des 228 personnes à son bord.

Copyright © 2010 AFP. Tous droits réservés.

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En 1990, La Croix avait mené une enquête inédite sur les cours d’assises. Vingt ans après, nous avons refait ce travail. Il apparaît que les homicides sont en baisse constante, alors que les viols augmentent sensiblement. Les peines, elles, sont considérablement plus sévères

Une partie des avocats de la défense attendent, le 04 mai 2004 dans la cours d’assises du Pas-de-Calais à Saint-Omer, le début du procès Outreau (Charlet/AFP).

On entend tout et son contraire sur les assises. Certains dénoncent un laxisme grandissant, quand d’autres fustigent une politique pénale trop répressive. Les victimes se plaignent de l’indulgence des peines, quand les avocats de la défense dénoncent des sanctions toujours plus lourdes. Comment s’y retrouver ?

C’est précisément ce à quoi s’est attelée La Croix en comparant à vingt ans d’intervalle l’activité des cinq cours d’assises siégeant à Douai, Paris, Aix-en-Provence, Lyon et Versailles. En s’appuyant sur les verdicts rendus entre 1985-1989 puis entre 2004-2008 pour trois catégories de crimes pour viol, homicide volontaire et vol criminel (avec effraction, en réunion, avec armes, etc.). De cette comparaison inédite, il ressort plusieurs constats impressionnants.

Des homicides en baisse

C’est le premier enseignement majeur. En vingt ans, le nombre d’homicides volontaires a sensiblement baissé. À la cour d’assises de Paris par exemple, 105 personnes ont été jugées pour ces faits ces cinq dernières années, contre 279 il y a vingt ans. À Lyon (Rhône), la baisse enregistrée est de 60 %.

La chancellerie relativise certes cette diminution en rappelant qu’elle ne dépasse pas 14 % au plan national. Mais du côté de l’Observatoire national de la délinquance (OND), on assure que le nombre d’homicides enregistré par la police a baissé de 30 % en quinze ans et qu’il a même atteint son plus bas niveau en 2009.

« Les statistiques sanitaires, policières et judiciaires abondent toutes dans le même sens. La période actuelle est la moins meurtrière depuis le début du XXe siècle », confirme le sociologue Laurent Mucchielli, auteur de L’Histoire de l’homicide en Europe (1). « Ce constat invite à une plus grande prudence celles et ceux qui embrassent un peu vite l’air du temps et s’inquiètent d’une montée de la violence physique ».

Davantage de viols jugés

À cette baisse des homicides répond une augmentation considérable du nombre de viols soumis aux jurés. Alors que les vols criminels constituaient la majorité des affaires renvoyées aux assises il y a vingt ans, ils se trouvent aujourd’hui relégués loin derrière les viols. À Douai, par exemple, les vols ont baissé de 44 % quand les viols, eux, ont augmenté de 70 %.

Constat identique à Aix-en-Provence, qui compte sur vingt ans deux fois moins de vols et 40 % de viols supplémentaires. Une évolution qui fait écho aux statistiques nationales de la chancellerie, selon lesquelles les viols renvoyés devant la justice ont augmenté de 179 % en vingt ans, quand les vols accusaient une baisse de 42 %.

Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas. Ces chiffres ne signifient pas nécessairement que davantage de violeurs passent à l’acte. « Cette évolution démontre avant tout que les services policiers et judiciaires sont davantage à l’écoute des victimes », souligne Me Anne Jonquet, avocate à Bobigny et spécialiste de ce contentieux. « Les crimes sexuels sont d’autant plus fréquemment portés à la connaissance des autorités que plusieurs lois récentes ont étendu la définition même du viol. »

Depuis 1990, par exemple, la Cour de cassation reconnaît le viol entre époux. En 1994, le nouveau code pénal a donné une définition plus large du viol. Enfin, depuis 2004, tout adulte a la possibilité, à sa majorité, de porter plainte pour un viol subi dans son enfance et cela pendant vingt ans, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 38 ans. Autant de réformes ayant abouti à une multiplication de procès.

Des condamnations de plus en plus sévères

Autre phénomène mis au jour grâce à notre enquête. En vingt ans, les peines de prison se sont considérablement allongées. Le nombre de condamnations à plus de 10 ans de réclusion a fait un bond impressionnant. À preuve, il y a vingt ans à Versailles, 25 % des violeurs écopaient de plus de dix ans de prison, c’est le cas de 45 % d’entre eux aujourd’hui. Dans cette même cour d’assises, le constat est plus saisissant encore en matière d’homicide : il y a vingt ans, 35 % des condamnés se voyaient infligés plus de dix ans de réclusion, contre 80 % aujourd’hui.

À cela, plusieurs raisons. La flambée, dans les années 1990, du contentieux portant sur les crimes sexuels commis sur mineurs ne serait pas étrangère à cette évolution. Me Alain Molla, avocat pénaliste depuis trente-trois ans notamment à la cour d’assises des Bouches-du-Rhône (Aix-en-Provence), situe le début de cette sévérité accrue à ces mêmes années.qui atteignit tous les crimes », estime-t-il.

Cette évolution des mentalités s’est accompagnée d’une empathie plus grande en direction des victimes. « Or, elles ont aujourd’hui tendance à demander un surplus de pénalité dans l’espoir de compenser ainsi leur douleur », estime Denis Salas, magistrat et auteur de La Volonté de punir (2). « Dans ce contexte, la sévérité des peines ne peut que s’accroître… »

Des verdicts plus cohérents d’une cour à l’autre

Alors qu’il ressortait des statistiques recueillies il y a vingt ans des verdicts très contrastés, on constate cette fois une certaine cohérence dans les sanctions prononcées aux différents coins de France. Ce qui n’empêche pas la cour d’assises siégeant à Aix-en-Provence de se distinguer légèrement des autres pour sa sévérité, de même que pour son taux d’acquittement élevé puisqu’il concerne plus de 10 % des prévenus, contre 5 % en moyenne ailleurs.

Autre constat, conforme cette fois à celui dressé il y a vingt ans : la cour d’assises de Paris reste la plus indulgente des juridictions. Un président de cour d’assises ayant siégé à Paris et en province avance une possible explication : « Le niveau d’études des jurés y est souvent plus élevé qu’ailleurs. Lors des délibérations, ils débattent de manière souvent plus abstraite et distante de l’acte commis. Ils prennent plus souvent en compte la souffrance psychique de l’accusé. Tout cela a tendance à diminuer la peine. »

Des acquittements stables et des appels limités

Dernière leçon : la proportion des acquittements est, elle, restée plutôt stable au fil des ans. Ainsi à Douai, on passe de 6,4 % d’acquittés à 6,6 %, à Versailles de 4,6 % à 4 %, à Lyon de 3,1 % à 2,5 %. Enfin, n’ayant été introduite qu’à partir de l’an 2000, la possibilité de faire appel des verdicts d’assises empêche toute comparaison avec les chiffres collectés par La Croix dans les années 1980.

Cependant, une étude menée par la chancellerie pour les années 2003-2005 montre que l’appel n’a que peu d’incidence sur le verdict final. Seule une personne sur quatre y recourt. Et parmi elles, moins d’une sur dix voit sa peine inversée (passant du statut d’acquitté à celui de condamné, ou l’inverse). Toutes les autres écopent de sanctions proches de celles prononcées en première instance.

Une comparaison qui se situe au moment où une nouvelle réforme pénale pourrait voir le jour. Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, doit en dévoiler les contours en février (lire les Repères). Mais, d’ores et déjà, avocats et magistrats parient sur une nouvelle évolution des sanctions. La motivation des verdicts d’assises pourrait notamment y contribuer.

C’est en tout cas l’opinion de l’avocat pénaliste Me Gilles-Jean Portejoie : « En empêchant les jurés de s’en remettre à leur seule “intime conviction” et en leur demandant d’expliquer la démarche qui les amène à condamner, le doute de certains apparaîtra au grand jour. » À suivre donc, et rendez-vous dans vingt ans…

Marie BOETON

(1) En collaboration avec Pieter Spierenburg, Éd. La Découverte, 2009, 27 €.

(2) Chez Hachette, 2005, 8,50 €.

Deux sources ont été utilisées pour réaliser cette enquête:

Les verdicts de 1985 à 1989 portant sur trois crimes dans cinq cours d’assises ont été collectés en 1990 par la rédaction directement auprès des greffes des cours.

Les verdicts vingt ans après (2004 à 2008) portant sur les mêmes crimes et les mêmes cours d’assises ont été obtenus auprès du service statistique de la chancellerie, qui collecte dorénavant ces chiffres, sauf les acquittements, obtenus de chaque greffe.

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Les assises : textes et réformes à venir

LES TEXTES VOTÉS

Depuis 1990, quatre grands textes au moins ont fait évoluer les assises.

Un nouveau code pénal en 1994, qui redéfinit notamment la notion de viol.

La loi du 15 juin 2000, qui ouvre la possibilité de faire appel des verdicts d’assises.

La loi du 10 août 2007, qui crée les peines planchers et impose une sanction minimale pour les récidivistes.

La loi du 25 février 2008, qui autorise la rétention en fin de peine, sans limite dans le temps, de personnes supposées dangereuses.

LA RÉFORME À VENIR

La ministre de la justice Michèle Alliot-Marie doit présenter ce mois-ci les contours de la future procédure criminelle. Voici les préconisations formulées par le rapport Léger dont elle devrait s’inspirer :

Présence renforcée des avocats en garde à vue, avec accès aux procès-verbaux dès la 12e heure.

Création de délais butoirs en matière de détention provisoire. Les personnes poursuivies pour crime ne pourraient pas être privées de liberté plus de deux ans. Si à l’issue de cette période, la personne mise en cause n’a pas été jugée, elle devra être remise en liberté.

Nouveau rôle pour le président d’assises. Ayant aujourd’hui la possibilité de rechercher la vérité en posant des questions, le président pourrait à l’avenir être cantonné au rôle d’arbitre en veillant uniquement au bon déroulement des débats.

Introduction du plaider-coupable en matière criminelle. La «reconnaissance préalable de culpabilité » devrait permettre d’accélérer les procédures, en incitant à avouer le crime. En échange de quoi, la peine maximale encourue serait minorée, sauf si la personne poursuivie risque la perpétuité.

Motivation des verdicts. Aujourd’hui, les verdicts d’assises sont fondés sur l’intime conviction. Ils pourraient devoir être motivés.

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Trois regards experts sur les assises

Le premier a présidé plusieurs centaines de procès dans trois grandes villes du Sud-Est. Le deuxième tient le rôle de l’avocat général depuis plus de dix ans aux assises de Paris. La troisième, avocate pénaliste, défend depuis quinze ansdes accusés en région parisienne. Paroles sans fard de trois professionnels

« Le regard sur les affaires de viol a évolué »

Jean-Marie Fayol-Noireterre, ancien président de cour d’assises et formateur

Observer, scruter l’évolution des mentalités, telle a été l’opportunité offerte à Jean-Marie Fayol-Noireterre pendant quinze ans. Président de cour d’assises à Saint-Étienne (Rhône-Alpes) de 1990 à 2000, puis à Grenoble (Isère) et à Valence (Drôme) entre 2000 et 2005, le magistrat a participé aux délibérations des jurés dans plusieurs centaines de procès. Aujourd’hui âgé de 70 ans, il était il y a trois mois encore formateur à l’École nationale de la magistrature, face à de futurs présidents de cours d’assises à qui il prodiguait ses conseils.

Durant toutes les années où il a présidé les assises, ce magistrat a pu voir « le regard des jurés sensiblement évoluer sur les affaires de viol ». « C’est surtout, dit-il, l’évolution des jurés masculins qui m’a étonné. Ils sont devenus aussi sévères que les femmes, voire plus encore ! » Fini l’époque où certains laissaient entendre que le comportement de la victime était en partie responsable de son malheur. « Ce genre d’allégation a totalement disparu. Les hommes sont devenus très sensibles au sort des femmes victimes. » Et le juge d’analyser : « L’idée d’être identifié aux accusés de viols en tant qu’homme les met sans doute mal à l’aise. Au final, ce sont parfois eux les plus sévères au moment de décider du montant de la peine. »

Le président d’assises se remémore ainsi une délibération houleuse entre deux jurés : « Un homme plaidait pour qu’on condamne un violeur à douze ans alors qu’un autre juré, une femme en l’occurrence, demandait, elle, que l’on s’en tienne à huit. Cela n’en finissait pas. Tout à coup, la jeune femme a éclaté en sanglots et a raconté qu’elle avait elle-même été violée dans sa jeunesse. Elle ne s’était jamais confiée à qui que ce soit. C’était saisissant de voir que cette femme, elle-même victime, réclamait une peine plus clémente que son homologue masculin… »

Autre différence observée par le magistrat entre les hommes et les femmes : ces dernières s’avèrent beaucoup plus exigeantes en matière de preuves. « Elles cherchent toujours à savoir si les faits sont clairement établis, notamment en matière d’atteinte sexuelle. Plus attentives à cet aspect en tout cas que leurs collègues masculins », assure Jean-Marie Fayol-Noireterre. De quoi faire dire à l’ex-président de cour d’assises que « les avocats des accusés poursuivis pour viol se trompent souvent lorsqu’ils récusent les jurés femmes au prétexte qu’elles seraient forcément plus dures que les hommes ».

« Une plus grande tolérance envers certains crimes familiaux »

Philippe Bilger, avocat général

Les peines de plus en plus lourdes prononcées par les cours d’assises sont-elles dues à une sévérité croissante des jurés ? À entendre l’avocat général près la cour d’appel de Paris, Philippe Bilger, les choses ne sont pas si simples. Lui qui depuis 1999 a requis aux assises dans des procès médiatisés – celui de Bob Denard, d’Émile Louis ou de Youssouf Fofana – s’étonne de la très grande imprévisibilité des verdicts finalement prononcés. Certains vont bien au-delà de son réquisitoire. D’autres, au contraire, conduisent presque à dédouaner l’accusé.

« Certains criminels sont ainsi beaucoup plus lourdement condamnés que par le passé quand d’autres, à l’inverse, bénéficient d’une quasi “absolution” », souligne le magistrat. Pour lui, les condamnés les plus lourdement sanctionnés ont presque tous le même profil. Ils ont porté atteinte à l’intégrité physique ou à la vie de leur victime sont récidivistes et avaient un discernement altéré au moment des faits. « Les jurés semblent convaincus que ces individus-là continueront à agir de même par la suite, précise le magistrat. Ils écopent, en conséquence, de peines qui ne cessent de s’alourdir au fil des ans. »

Une évolution étonnante quand on sait que le fait d’avoir un discernement altéré devait, à l’origine, conduire à abaisser la peine prononcée. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui, renchérit Philippe Bilger. Le déséquilibre psychique amène plutôt les jurés à durcir les sanctions. »

À l’inverse, l’avocat général a remarqué que le jury populaire se montre de plus en plus tolérant envers certains crimes commis au sein de la famille. « La détresse de certains accusés les bouleverse », analyse l’avocat général, qui rappelle les verdicts très cléments – voire les acquittements – prononcés fréquemment dans les affaires d’euthanasie ou d’infanticides de nourrissons ou d’enfants handicapés. « Les prévenus impliqués dans ce type d’histoires familiales douloureuses bénéficient d’une compréhension nouvelle, note Philippe Bilger.

Les jurés sondent, plus que par le passé, leur épaisseur psychologique. Ils sont très sensibles à la part d’humanité de ces criminels et se demandent comment, eux-mêmes, auraient réagi dans une pareille situation. » Que penser alors de ces jugements parfois cléments ? Le magistrat s’avoue troublé : « Je me garderai bien de commenter de tels verdicts car chaque histoire est singulière. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que, quelle que soit la décision, ces affaires doivent continuer à être jugées aux assises. »

« On s’est aperçu que les avocats femmes étaient sérieuses ! »

Clarisse Serre, avocate pénaliste

Avec sa longue chevelure brune et bouclée, sa taille élancée et son allure décidée, on la surnomme « la lionne » dans les prétoires. À 38 ans, Clarisse Serre, avocate pénaliste depuis quinze ans, fait partie d’une espèce rare. Elle plaide aux assises au milieu d’un monde très masculin – « macho », dit-elle même ! Avant d’ouvrir son propre cabinet à Paris, elle a été la collaboratrice de quatre grands ténors (Patrick Maisonneuve, Pierre Haïk, Paul Lombard et Philippe Dehapiot) et n’a jamais dévié de sa trajectoire. Pour faire sa place dans les salles d’audience – à Versailles, Évry et Paris notamment –, elle a dû batailler. Fière de dire qu’aujourd’hui, certains clients viennent la trouver pour faire appel alors qu’en première instance, défendus par des grands noms, ils ont écopé d’une lourde peine.

Une audience aux assises, « c’est un travail intense de chaque minute », dit-elle. Quand il y a 25 accusés dans le box, il ne faut pas en laisser un dans l’oubli. Il faut aussi être disponible quand on est seule à assurer la défense. Ne rater ni un mot, ni un regard, ni une attitude. Connaître son dossier par cœur pour relever un détail oublié par le président. Veiller à l’agenda : « Un témoin qui passe à dix heures du soir, cela n’a pas le même impact sur les jurés. Il faut être là à 100 %. » Car aux assises, rien n’est jamais acquis.

À commencer par le verdict. Clarisse Serre dit n’avoir eu jusqu’ici qu’un seul acquittement. « J’ai dû me battre pour cela. » En revanche, elle s’est parfois dépensée avec succès pour obtenir une peine plus légère. Elle se souvient ainsi de ce jeune qui en première instance avait pris dix-huit ans de réclusion pour une agression sur une vieille dame. Un dossier difficile à plaider. Pourtant en appel, la peine a été ramenée à huit ans. « Aux assises, on remet tout à plat. Avec un président consciencieux, des jurés attentifs, on peut relativiser le rôle d’un accusé. »

Enfin elle aime la plaidoirie. « Ce n’est pas l’aspect essentiel, mais si celle-ci est bonne, cela ne fait pas de mal ! Il faut s’y lancer à fond, ne pas être timide et bien sentir que l’on plaide pour quelqu’un », soutient-elle, tout en avouant aimer que les confrères la félicitent.

Il y a quelques années encore, une avocate pénaliste était forcément une simple assistante. Plus maintenant. « J’ai parmi mes clients des vieux routiers du grand banditisme. Ils se sont aperçus que les femmes savaient s’imposer face au président, qu’elles étaient sérieuses, connaissaient leurs dossiers et avaient de bons résultats. »

Un métier prenant pour cette jeune mère de trois enfants dont l’aînée veut déjà suivre la trace. Une seule fois, elle a voulu quitter le métier. On jugeait une évasion de la prison de Fresnes. Elle défendait un homme qui, sans être parmi les organisateurs, avait profité de l’occasion pour fuir. Il a pris huit ans et fait une tentative de suicide à Noël. « Les avocats hommes n’y mettent pas autant d’affectif. Moi j’ai voulu tout plaquer. “Il faut te relever”, m’a dit un confrère. Je l’ai écouté. »

Marie BOËTON et Marie-Françoise MASSON

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Une protection renforcée pour les personnes âgées

Un amendement du gouvernement a été adopté mercredi 27 janvier par la commission des lois de l’Assemblée nationale lors l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi).

Ce texte, qui doit être débattu au Parlement à partir du 9 février 2010, prévoit de porter les peines de prison de cinq à sept ans pour les vols commis au préjudice de personnes vulnérables (dont les personnes âgées) et de porter de sept à dix ans la peine encourue pour les vols avec violence commis à leur encontre.

Cette annonce a été faite par Brice Hortefeux le week-end du 30 janvier après le double meurtre de deux personnes âgées dans l’Oise.

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A Madrid, une autre idée des droits de la défense

La justice espagnole est soucieuse du droit des accusés. Mais se montre inflexible lorsqu’il s’agit de terrorisme. Exemple, la garde à vue

Est-ce le souvenir douloureux du franquisme ? En Espagne, les droits des accusés sont sensiblement plus importants qu’en France. Un exemple peut être trouvé avec la garde à vue. Dès 1978, la Constitution espagnole a défini les droits individuels des détenus pendant cette période. Cette garde à vue ne pourra donc pas durer plus de 72 heures, pendant laquelle la présence de l’avocat sera obligatoire. Alors qu’en France, on s’interroge encore aujourd’hui sur cette présence dès la première heure.

En Espagne encore, au-delà des 72 heures, le détenu sera déféré à la justice ou libéré. Toute personne détenue doit être informée dès qu’elle est arrêtée, de ses droits, de la raison de sa détention et peut décider de se taire. « Aucun interrogatoire ne peut avoir lieu sans la présence d’un avocat quelle que soit l’affaire de droit commun. Sinon l’enquête de la police est déclarée nulle », explique l’avocat Fernando Piernavieja, président du Comité d’accès à la justice du Conseil des barreaux européens (CCBE) et membre du Comité du pénal et des droits humains du CCBE.

La Constitution prévoit également que toute personne détenue illégalement peut faire reconnaître ses droits en justice. « Du coup dans 99 % des cas, la procédure est respectée. D’après une étude comparative que nous avons effectuée auprès de différents pays européens, l’Espagne est l’un des pays qui offre le plus de garanties en ce domaine. »

«De telles mesures peuvent entraîner des dérives graves»

Paysage tout différent pour les questions de terrorisme. Cette fois, c’est l’Espagne qui se montre plus dure que la France.

Durant cinq jours (au lieu de 72 heures en France), le suspect d’activités terroristes peut être retenu et interrogé par la police sans pouvoir communiquer avec quiconque. Mis ensuite entre les mains d’un juge, ce dernier peut autoriser la prolongation de cette détention pendant huit jours. « Cette procédure constitue une énorme difficulté », assure Virginia Alvarez, responsable des relations institutionnelles et de politique intérieure au sein d’Amnistía Internacional Espagne.

L’accusé aura seulement droit à un avocat d’office qui ne pourra assister qu’aux interrogatoires choisis par la police. Il n’aura pas d’entretien privé avec son défenseur, ne pourra pas appeler un médecin. Et ses proches ne seront pas avertis. « À l’ONU, l’auteur d’un rapport sur la torture s’est inquiété dès 2003 de telles mesures qui peuvent entraîner des dérives graves : il faudrait installer des caméras et des vidéos durant ces interrogatoires », s’insurge Virginia Alvarez.

Valérie DEMON, à Madrid

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Juré d’assises, quand le devoir vous rattrape

Rendre la justice en cour d’assises est le devoir de tout citoyen désigné par le tirage au sort. Voici le témoignage de cette expérience, où l’anonymat a été préservé, conformément à la loi

L’annonce arrive par lettre recommandée. Le tirage au sort sur liste électorale vous a désigné pour être juré d’assises. Six mois plus tard, les choses se précisent avec l’arrivée d’un nouveau courrier : une convocation cette fois, en bonne et due forme.

Inutile de penser vous soustraire à ce devoir, il vous en coûterait la somme de 3 750 € d’amende. Vous n’aviez pas vraiment songé à vous dérober non plus. La session durera quinze jours, avec trois affaires à juger. Meurtre, viol et viol encore.

Trois affaires. Trois fois tiré au sort. Jamais récusé. Exceptionnel, mais imparable. Le temps d’accomplir son devoir est venu. Levez la main et dites : « Je le jure . » Le moment est solennel, le temps compté. Trois jours et deux nuits pour juger une affaire.

Désormais, vous appartenez à la cour. Au coude à coude avec trois magistrats. Neuf jurés – aide-soignante, commerçant, standardiste, enseignant… – à qui l’on demande de rendre la justice. « De quel droit ? », vous interrogez-vous. Peu importe, les états d’âme visibles sont proscrits. Les sentiments – compatissants ou haineux – doivent rester cachés. Visage de marbre.

Chaque suspension d’audience vous fait passer d’un monde à l’autre

L’entrée se fait dorénavant par une porte qui ouvre sur les coulisses du tribunal. Un endroit où les muscles se relâchent, la parole se délie et les fous rires nerveux fusent. Un endroit où se décide dans le plus grand secret la condamnation des autres. Ceux de l’autre côté du mur. Chaque suspension d’audience vous fait passer d’un côté à l’autre, d’un monde à l’autre.

La porte s’ouvre. « La cour ! » Tout le monde se lève. Les victimes et les accusés vous font face. Chacun avec ses attentes et ses angoisses. La séance peut commencer. Place au ballet des robes noires. La greffière lit les chefs d’accusation.

Le chronomètre est lancé. Certains détails, ignobles, commencent à peser sur l’assemblée. Vous êtes concentré. Vous notez beaucoup de choses. Pour vous souvenir de manière précise. Pour éviter les erreurs, les malentendus. Pour tenter de comprendre… pourquoi.

La salle est séparée en deux. Victimes et accusés. À gauche le « bien » et à droite le « mal ». Les Assises c’est « du sang et des larmes ». Ils doivent se souvenir ensemble, sans se regarder… Remuer le passé pour tenter de construire un avenir plus serein. Dans un temps donné. Ils sont face à vous. Tout près, un ou deux mètres. À les observer toute la journée, vous finissez par les connaître un peu. Par les comprendre. Par vous sentir concerné parfois.

Les témoins s’adressent à la cour avec émotion

À la barre se succèdent ensuite les témoins venus soutenir l’un ou l’autre camp. Mal à l’aise, ils donnent l’impression d’être jugés aussi pour ce qu’ils « oublieraient » de dire. Ils s’adressent à la cour avec émotion. Ils défilent comme des hommes et des femmes pris au piège, ils ont hâte d’en finir. Leur histoire racontée, ils fuient vers la sortie.

Puis arrivent les experts : enquêteurs de personnalité, policiers, médecins légistes, psychiatres, psychologues… Ils ont passé au crible les faits, étudié les profils psychologiques, analysé les actes, recoupé les événements, plongé dans le contexte familial… Les avis s’expriment, se contredisent ou se confortent.

L’exposé des experts est efficace mais n’empêche pas le doute de s’immiscer dans les esprits. La cour interroge chacun d’entre eux pour tenter d’enrichir le dossier avec de nouveaux éléments. Ce seront les derniers. Ceux qui permettront peut-être de vous forger une « intime conviction ».

Puis le ballet reprend. Retour des robes noires. L’avocat des parties civiles. L’avocat général. Puis l’avocat de la défense. Chacun travaillant pour son parti. Avec quelle conviction ? Ces résumés de l’affaire adoptent une perspective différente suivant la cause que l’avocat défend. Ces prestations oratoires s’adressent en tout premier lieu aux jurés. Peuvent y figurer des raccourcis volontaires, des contre-vérités et de la morale à bon marché.

Exprimer son « intime conviction »

La fin de ces envolées lyriques marque le temps du départ en délibération, le plus difficile. Celui du choix. Celui de la condamnation. Un temps indéterminé et secret où la cour est enfermée dans la chambre des délibérations, surveillée par des gardes, pour exprimer son « intime conviction ». Le temps pour les magistrats de guider les jurés vers l’annonce du verdict.

Autour d’une table, magistrats et jurés retracent encore une fois l’histoire. Retour sur les faits. Vous devez répondre à cinq questions qui, dans une suite logique, aboutiront à la reconnaissance ou non de la culpabilité de l’accusé. Le tour de table commence. Premières impressions.

Les jurés parlent d’abord. Les magistrats ensuite. Le président des Assises donne le ton. Il anime et distribue la parole. Chacun à son tour. Les choses se précisent pour certains. Les moins déterminés suivront le mouvement. Les votes se succèdent et le sort de l’accusé se dessine. « Coupable », par une majorité de huit voix sur douze.

Puis vient la peine. Fonction des circonstances « aggravantes ». Une peine qu’il est très difficile de quantifier pour un non-initié. ça vaut combien ? Au-delà de cinq ans, pas de sursis. Le réquisitoire de l’avocat général n’est qu’une indication, « on n’est pas obligé de le suivre ».

Le verdict doit être annoncé : retour tendu dans la salle d’audience

Nouveau tour de table. Chacun essaie de se souvenir de ce qu’il a pu entendre aux informations télévisées. « Un viol, d’habitude, c’est plutôt dix ans, non ? » Chacun donne un chiffre. On en discute. Les plus avertis prennent des positions claires. Les autres suivront. On vote plusieurs fois, jusqu’à ce qu’une majorité de sept voix sur la peine se dégage.

Le verdict tombe de l’urne. Petits papiers sur lesquels il est écrit : « Sur mon honneur et en ma conscience ma déclaration est… ». La délibération prend fin. Le verdict doit être annoncé. Retour tendu dans la salle d’audience. Ne rien montrer. Cela va très vite. L’accusé « accuse » le choc et est emmené par les gardes. L’audience criminelle est terminée. Les jurés se retirent et retournent à leur vie de citoyen ordinaire.

Camille Cayenne

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Les verdicts dans cinq cours d’assises



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