par La Rédaction du DL |

Trois ou quatre jours qu’ils cohabitaient, dans les 9 m² de la cellule G 102 à Saint-Quentin-Fallavier, ça se passait « plutôt bien ». Pourtant, ce 21 août 2006, Yannick Ryon, 32 ans, a demandé à changer : il voulait être seul. Parce que déjà, souligne son avocat Me Nathalie Farah, « il était mal » ; atteint d’une schizophrénie « légère » mais extrêmement précoce puisque sa première hospitalisation en psychiatrie remonte à l’âge de neuf ans, son client présente une « impulsivité » incontrôlable.

Sa demande a été refusée, il a aussitôt dit qu’il allait « mettre le feu » ; en rentrant, il l’a dit aussi à son co-détenu, Gregory, un jeune Grenoblois qui supportait la chaleur de l’été torse nu sur sa couchette. Et qui « ne l’a pas pris au sérieux ». Hélas. Yannick Ryon a adossé son matelas à la porte intérieure, allumé son briquet. Et tambouriné pour donner l’alarme : le feu a pris immédiatement. Le surveillant d’étage accouru a ouvert la porte, Ryon a pu sortir ; mais son co-détenu, lui, a trébuché face en avant sur le matelas incandescent. Le surveillant est entré dans la fournaise pour l’aider, avec un sang-froid et un courage « salvateurs », se brûlant les mains. Gregory, lui, a été transféré à Edouard-Herriot à Lyon, visage torse et bras atteints jusqu’au 3e degré, « celui qui précède la carbonisation », rappelle son avocat Me Olivier de Monbrison.

« C’est un survivant »

Des souffrances intolérables, trois mois d’hospitalisation, des greffes multiples, « c’est un survivant ». Qui n’a pourtant aujourd’hui « ni haine ni désir de vengeance » ; il demande réparation, « pas des années de prison » pour Yannick Ryon à qui il a « accordé son pardon ». Yannick Ryon qui répète qu’il n’a « voulu faire de mal à personne », juste « mettre la pression ». Des incendies de cellule, il y en a « fréquemment », confirme Me Pierre Levêque, avocat du surveillant d’étage, qui en ce jour de grève de sa profession, s’est lui aussi constitué partie civile. « Il avait quinze jours de pratique, et 80 détenus à gérer : il vous fait toucher le problème du doigt. C’est le message qu’il veut faire passer. Sans haine, lui non plus ».

Cinq ans de plus

Quelle peine ? C’est « tout le débat », résume l’avocat général Pascal Brillet. Déjà condamné à quinze ans de réclusion, dont dix de sûreté, pour braquage, Yannick Ryon est en état de récidive. Du fait de sa « lourde pathologie », l’expert-psychiatre a conclu à « l’altération » de son discernement ; pour autant « il reste responsable de ses actes ». Il a mis le feu « volontairement », pour un « caprice », aux conséquences « gravissimes » : dans un souci « d’équilibre » de ces contradictions, l’avocat général requiert une peine « qui ne soit pas inférieure à cinq ans ». Ce que Me Farah juge « incohérent : un incendie de cellule, ça peut être sanctionné par quinze jours de quartier disciplinaire. Ici, on vous demande cinq ans en fonction des conséquences, qui sont involontaires, d’un acte lié à une pathologie ». Son client « est un malade, que la prison ne peut pas prendre en charge correctement. Il y est jusqu’en 2016, et il faudrait qu’il y reste jusqu’en 2021 ? »

Question à laquelle les jurés répondront oui. La condamnation que prononce le président Béroud reprend les réquisitions, cinq ans plus cinq si l’accusé ne respecte pas le suivi socio-judiciaire imposé à sa sortie. Me de Monbrison, lui, obtient l’expertise médicale qu’il réclamait pour établir le préjudice définitif de la victime.

Claire SIRAND

Paru dans l’édition 38B du 05/05/2009 (cfb05f96-38df-11de-8786-93e1dd1f5e78)

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