Clément Sabourin Agence France-Presse Montréal |
Un Rwandais de 42 ans accusé d’avoir dirigé une milice dans le sud de son pays lors du génocide de 1994 connaîtra vendredi son verdict dans le premier procès de l’histoire canadienne pour crime contre l’Humanité.
Le procès de Désiré Munyaneza s’est ouvert en janvier 2007 et s’est déplacé en Afrique et en Europe pour entendre quelques-uns des 66 témoins présentés par la défense et la Couronne (ministère public). Les parties ont notamment fait comparaître au palais de justice de Montréal des «témoins de contexte», dont le général à la retraite Roméo Dallaire, à la tête de la mission des Casques bleus au Rwanda en 1994, et l’historienne américaine Alison des Forges, décédée en février dernier dans un accident d’avion aux États-Unis.
Fils d’un commerçant aisé de Butare, M. Munyaneza est accusé d’avoir perpétré des viols, tué et torturé des civils, ainsi que d’avoir dirigé une des principales milices qui tenait des barrages de la mort dans cette préfecture du sud du Rwanda.
Il se serait par la suite exilé au Cameroun avant d’arriver au Canada en 1997 en présentant une demande d’asile rejetée par les autorités en raison de son rôle présumé dans les tueries, qui ont fait 800 000 morts parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés selon l’ONU.
Il a été arrêté en 2005 à Toronto, où il résidait avec sa famille, au terme d’une enquête de cinq ans de la police canadienne.
Ce procès a valeur de test pour la justice canadienne car M. Munyaneza est la première personne inculpée au Canada en vertu d’une loi fédérale de «compétence universelle» sur les crimes contre l’Humanité, promulguée en octobre 2000.
S’il est jugé coupable, il encourt la prison à perpétuité, soit 25 ans derrière les barreaux. Mais s’il est acquitté, l’agence canadienne de l’immigration pourrait être appelée à lui accorder un permis de séjour, note l’un de ses avocats, Me Richard Perras.
«Quiconque fait face à un crime majeur où les sentences sont très élevées doit nécessairement être très stressé» à l’approche du verdict, a déclaré à l’AFP Me Perras.
Tout au long des auditions à Montréal, dont beaucoup se sont déroulées à huis-clos, M. Munyaneza est apparu très attentif, prenant scrupuleusement des notes et échangeant des propos avec ses avocats.
Selon des rescapés, celui qui se faisait appeler «Gikovu» (cicatrice en kyniarwanda) aurait dirigé des barrages routiers et perpétré des viols à son domicile.
Lors d’une commission rogatoire au Rwanda, un homme emprisonné pour sa participation au génocide a affirmé de son côté que M. Munyaneza avait orchestré le massacre de 300 à 400 Tutsis dans une église.
Face à ces accusations, la défense a mis en avant les propos contradictoires de certains témoins et a fait comparaître des proches de M. Munyaneza, ainsi que des réfugiés qu’il aurait accueillis, pour détailler son emploi du temps durant le génocide. Le portrait qu’ils ont dressé est celui d’un fils dévoué à l’entreprise familiale.
Mais certains témoins de la défense n’ont guère convaincu le juge de la Cour supérieure du Québec André Denis qui a déclaré avoir identifié «de grands pans de témoignages» qu’il ne retiendrait pas dans son jugement car «pas pertinents».
Le magistrat a eu six mois pour préparer son jugement, qui devrait faire plus de 800 pages. S’il condamne M. Munyaneza, Me Perras a l’intention d’interjeter appel, ce que devrait vraisemblablement faire la Couronne (ministère public) en cas d’acquittement.
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