La tâche est immense. Elle n’est pas impossible. Pour restaurer la crédibilité de cette institution essentielle de la République, trois objectifs devraient guider votre action.
Une justice accessible et efficace. Même si son budget a augmenté depuis une dizaine d’années, la justice demeure sous-dotée en France, qui reste à la traîne au niveau européen. Votre premier souci devra être de doter enfin l’institution judiciaire des moyens nécessaires à son fonctionnement, pour apporter des améliorations concrètes à la justice du quotidien. Les idées ne manquent pas : en matière civile, c’est la création d’un pôle “famille” dans chaque tribunal, la reconnaissance de l’action de groupe, ou encore des audits annuels d’efficacité et de déontologie des juridictions comme des barreaux.
En matière pénale, c’est la création d’un bureau national d’exécution des peines rattaché au Casier judiciaire national, ou d’un service d’aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d’infraction qui ne peuvent bénéficier de la commission d’indemnisation. En matière pénitentiaire, c’est la transformation des prisons en écoles de la seconde chance et le développement des alternatives à l’incarcération, la réinsertion des détenus restant le seul vrai moyen de lutter efficacement contre la récidive.
Enfin, concernant l’aide juridictionnelle, si ses bénéficiaires sont plus nombreux chez nous que chez nos voisins, les indemnisations versées aux avocats sont dérisoires, sauf à attendre d’eux un bénévolat que rien ne saurait justifier. Pour que l’accès à une justice de qualité ne reste pas réservé à ceux qui en ont les moyens, une réforme du système s’impose.
Une justice indépendante et respectée. Nomination de magistrats proches du pouvoir aux emplois stratégiques, caporalisation des parquets, composition du futur Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : il faut en finir avec cette conception d’un autre âge, celle d’une justice soumise et obéissante au pouvoir. Les Français attendent de la justice qu’elle soit impartiale, bien sûr, mais égale pour tous. C’est pourquoi vous devrez suivre les avis du CSM pour toutes les nominations des magistrats et prendre l’engagement solennel devant le Parlement de ne jamais donner d’instruction de nature à dévier le cours de la justice.
Garant de son indépendance, vous devrez lui garantir aussi le respect qui lui est dû. Et donc vous garder de jouer l’opinion contre les juges en les enfermant dans un piège infernal, leur reprochant tantôt d’emprisonner des innocents, tantôt de relâcher des coupables.
Plus généralement, gardez-vous de désigner à l’opinion ceux qui seraient censés représenter un danger, qu’il s’agisse des mineurs, des étrangers ou des malades mentaux, pour justifier une fuite en avant législative vers une société sous haute surveillance. La politique de l’enfermement généralisé, du fichage tous azimuts et de la surveillance systématique a certes le grand avantage d’éviter de reconnaître que le risque zéro n’existe pas, mais elle a le grave inconvénient de ne rien résoudre au fond.
Une justice sereine et apaisée. Gardez-vous aussi et surtout de la démagogie, qui conduit, après chaque fait divers, à annoncer une nouvelle réforme et à caler la politique judiciaire sur l’actualité en vertu d’une vision émotive et superficielle de la justice. Code des mineurs et procédure pénale : de nouvelles réformes sont annoncées. Partielles et ponctuelles, elles vont venir s’ajouter à d’autres réformes, dans un tourbillon ininterrompu depuis des années.
Prenez donc le temps nécessaire à une remise à plat globale, totale et générale de notre système pénal, sur la base du consensus que nous avions réussi à créer autour des travaux de la commission Outreau. Et pourquoi ne pas partir alors du rapport parlementaire dont je veux rappeler qu’il fut voté à l’unanimité ?
Enfin, madame ou monsieur le prochain ministre de la justice, n’oubliez jamais que si le populisme est toujours dangereux pour la démocratie, le populisme pénal est le pire de tous, qui met en cause des principes aussi fondamentaux que la présomption d’innocence ou la liberté individuelle.
Souvenez-vous que la responsabilité des politiques est d’éclairer l’opinion publique plutôt que d’épouser ses emballements. Et que la noblesse de la politique, sa vraie grandeur, n’est pas dans la crainte des électeurs mais dans le respect des citoyens.
André Vallini est député PS de l’Isère.
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