Bastia –  19 février 2009

Après trois jours d’audience, la cour d’assises de Haute-Corse a, en appel et sous la présidence de Jean Brunet, condamné hier Paul-Joseph Poggi à 13 ans de réclusion criminelle sans délai de sûreté. Soit deux années de moins qu’en octobre 2007 à Ajaccio où ce verdict de première instance avait été assorti d’une peine incompressible de dix années.

Une dernière fois, l’accusé avait eu l’occasion de redire, en début de séance, qu’il ne voulait « pas tuer cet homme, juste lui faire peur ». Une thèse naturellement rejetée avec vigueur par Me Dominique Ferrari, l’avocat des parties civiles. Selon lui « Poggi voulait en découdre ! S’il se sentait menacé, il avait largement le temps d’avertir la gendarmerie. On peut parler de crime abject, de crime odieux, de crime de lâche ! » Et pour donner plus de poids à sa plaidoirie, Me Ferrari avait usé de l’opposition des deux personnalités : « Émile Corticchiato était un jeune homme de bien, il défendait et même incarnait les vraies valeurs de la Corse. L’homme qui lui a ôté la vie est quelqu’un qui n’est jamais content, qui rend toujours responsables les autres de sa situation et qui avait fini par communiquer à son épouse son délire de la persécution. Pour l’assassinat dont il s’est rendu coupable, je ne réclame pas vengeance mais simplement justice… »

« Les amis de ses ennemis sont ses ennemis »

L’avocat général Hyppolyte Savelli avait évidemment abondé dans son sens, en rappelant les propos de Paul-Joseph Poggi dès lors qu’il avait su imminente la « visite » d’Émile Corticchiato : « J’avais de mauvaises choses dans la tête ». Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public avait ensuite démonté le processus qui, comme dans une tragédie antique, avait conduit au drame : « Le sort de la victime a été scellé dès lors qu’il a été prononcé son nom dans la querelle des deux femmes. Dans l’esprit de Paul-Joseph Poggi, il était dès lors devenu un réel danger et les mots qu’il a employés pour le décrire traduisent son animosité envers lui. Plus tard, il parlera même de « pourriture » ! Son raisonnement tient au fait que les jeunes qui avaient roué de coups son fils, fréquentaient l’établissement tenu par la compagne d’Émile Corticchiato. L’un et l’autre ont dès lors été suspectés d’appartenir au complot. Suivant la formule consacrée, l’accusé avait fait des amis de ses ennemis, ses propres ennemis. Tout simplement parce qu’il n’y a, dans son esprit, que deux thèses possibles : soit on est avec lui, soit on est contre lui ! »

En conséquence, l’avocat général en était venu à requérir contre Paul-Joseph Poggi une peine d’emprisonnement plus lourde que celle initialement prononcée. À savoir : de 18 à 20 ans dont les deux tiers incompressibles.

Il avait alors appartenu à Me Karine Foata d’ouvrir les plaidoiries de la défense. Après avoir rappelé que Mickaël Poggi n’avait pas seulement été tabassé mais aussi menacé de mort par ses agresseurs (d’où l’achat du pistolet par son père) elle avait réfuté la préméditation en donnant une autre interprétation des « mauvaises choses » auxquelles l’accusé avait dit avoir pensé : « Il parlait de ce qui pouvait arriver à sa famille, au danger qui planait sur les siens, et non de ce qu’il se préparait à faire ! »

« Pas irrécupérable pour la société »

Me Antoine-Pierre Carlotti insistait à son tour sur le fait que « Paul-Joseph Poggi n’avait, face au péril, pas une structure mentale qui aurait pu lui permettre de faire la part des choses ». Revenant sur l’altération du discernement évoquée par l’expert psychiatre, il demandait donc à la cour de prendre en compte cette atténuation de la responsabilité pour rendre un verdict plus juste que la sentence ordonnée en première instance. Enfin, Me Sacha Thomas-Porri avait retracé le parcours de l’accusé pour parler de « tous les préjudices qui l’avaient jalonné, jusqu’à cette journée du 1er novembre 2005 faite, elle-même, d’un tragique enchevêtrement d’actes et de mots qui allaient rendre la situation incontrôlable ». Insistant sur l’incapacité de Paul-Joseph Poggi à mettre des mots sur sa souffrance et à exprimer clairement son ressenti des événements, il avait au préalable vertement rejeté « l’idée que cet homme puisse être irrécupérable pour la société ».

Des arguments développés avec beaucoup de conviction par la défense et qui ont donc convaincu les jurés de ne pas retenir la préméditation dans l’assassinat du malheureux Émile Corticchiato.

Compte Rendu D’audience Jean-paul Cappuri
0 réponses

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.