NOUVELOBS.COM | 11.12.2009 | 10:34

L’ancien espion Alfredo Astiz comparaît pour avoir torturé et tué six personnes, dont deux religieuses françaises, sous la dictature, entre 1976 et 1983.

Alfredo Astiz en 1998 (Sipa)

Alfredo Astiz en 1998 (Sipa)

Un ancien capitaine de corvette, espion à l’époque de la sale guerre en Argentine, est jugé à partir de ce vendredi 11 décembre pour la mort sous la torture de deux religieuses françaises, d’un journaliste et de trois militants des droits de l’Homme.
Alfredo Astiz, plus connu sous le surnom d'”ange blond de la mort“, pour sa cruauté sous des allures d’enfant de choeur, avait infiltré le groupe. Sous la dictature, entre 1976 et 1983, il est présumé avoir joué un rôle important dans la chasse aux opposants de gauche et leurs supposés sympathisants.

Méga-procès longtemps attendu

Pour pénétrer le groupe de défenseurs des droits humains, il s’était présenté comme le frère d’un des milliers de disparus, probablement enlevés et tués par les forces de sécurité dans des centres de torture clandestins.
Astiz est jugé avec 19 autres anciens de la Marine. Ce méga-procès longtemps attendu, doit faire la lumière sur des enlèvements, des actes de tortures et des meurtres perpétrés dans les sous-sols de l’école de mécanique de la Marine, de sinistre réputation. D’après les militants des droits de l’Homme, quelque 5.000 prisonniers sont passés par ces antichambres de la mort. Moins de la moitié ont survécu.

Deux religieuses françaises

“Seule une partie des personnes responsables sont jugées ici” confie Luis Alem, le sous-secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme du gouvernement. “Nous espérons que ce sera un point de départ et qu’ils seront condamnés à la prison à vie”. Astiz a 58 ans.
L’ancien espion aurait participé activement à l’enlèvement et à la disparition des religieuses françaises, Alice Domon et Léonie Duquet, du journaliste d’investigation Rodolfo Walsh, et de plusieurs fondateurs du mouvement de la Plaza de Mayo (la place de mai). Ces mères de disparus se rassemblaient en 1967 peu après le coup d’Etat militaire devant le palais présidentiel pour demander des nouvelles de leurs enfants.
Le groupe, animé par Duquet, Domon et une troisième nonne qui a fui le pays, se réunissait aussi dans une église du voisinage pour échanger les informations recueillies sur les disparus. Un jeune homme se présentant comme Gustavo Nino, frère d’un disparu, venait régulièrement aux réunions.
Nino était en fait Astiz, et en décembre 1977 il a identifié pour les forces de sécurité les deux religieuses et une dizaine d’autres militants qui allaient être kidnappés. D’après des témoins, Léonie Duquet aurait été emprisonnée à l’école de Mécanique jusqu’à ce que son corps soit jeté depuis un avion dans l’Océan Atlantique, lors d’un “vol de la mort” destiné à se débarrasser définitivement des cadavres des prisonniers.

Déjà jugé… et amnistié

Mais le corps de la religieuse devait être renvoyé vers les côtes argentines, et enterré dans une sépulture sans nom. En 2005, des experts en anthropologie ont pu l’identifier, avec celui d’une autre “folle” de la place de mai, Azucea Villaflor de Vicenti.
Astiz nie avoir eu connaissance de ces vols, et affirme n’avoir fait qu’exécuter des ordres, en tant que membre des forces armées, pour protéger la nation de violences des extrémistes. Il a été condamné par contumace en 1990 en France, pour le meurtre des nonnes et en Italie, pour la disparition de trois de ses citoyens.
En Argentine, il a été jugé une première fois en 1985, puis amnistié, avant la réouverture des procès en 2005. D’après le centre d’études légales et sociales, il y aurait 385 autres Argentins attendant d’être jugés pour les crimes de la “sale guerre”.

(Nouvelobs.com avec AP)

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