Escroquerie et banqueroute : le système qui a conduit la maison de négoce de vin de Bize à la faillite a été décrypté hier devant une salle comble. Un système de gestion qui n’a fait que repousser les difficultés. Le passif est de 14 millions d’euros.

Si le procès de la maison Rieux devait se résumer à une audience, ce serait celle du tribunal correctionnel d’hier. Car la précédente, en 2007, sur la fraude portant à la fois sur les volumes et sur les qualités de vins vendus par la maison de négoce Rieux n’avait jamais décrypté “le système”. Devant une salle comble, et face à une dizaine d’avocats, la présidente du tribunal Catherine Lelong a patiemment analysé le dispositif illégal mis en place. Puis, el le s’est attachée à répondre à la question des responsabilités de chaque acteur-clé.

Un

trou de 14 M E

Le 11 juillet 2007, la Sarl Rieux était placée en liquidation judiciaire et affichait un passif de 31 millions d’euros. Or après les contestations de créances (donnant lieu à d’autres litiges en cours) ce passif est ramené à 14 millions d’euros. Maître Karssenty, avocat de la plupart des caves adhérentes à l’Union Plein Sud, le groupement de producteurs (dont la Sarl Rieux est l’outil commercial) dépose plainte suite au résultat d’un audit comptable demandé par les caves et reflétant la situation financière catastrophique. Dès lors, la question que tout le monde se pose est : qui connaissait les anomalies comptables ? Et chacun de se renvoyer la responsabilité jusqu’à l’audience d’hier. Car ce premier audit a été complété par plusieurs documents financiers et rapports transmis par des experts mandatés par le tribunal de commerce. Tous confirment l’audit des caves. Ils dévoilent également que la situation difficile de Rieux date de 2001 avec, déjà à cette date une ligne rouge de 11 millions d’euros de déficit. Le système frauduleux mis en place a été présenté à la barre par Elie Lecha et Bernard Latore pour masquer les difficultés et comme seule solution pour continuer à bénéficier de la confiance des banques et des assurances. “J’ai trouvé la solution pour faire plaisir à tout le monde”, explique l’expert-comptable. “On n’intègre pas les dettes en cours et on surévalue la valeur des stocks. On a sous-facturé le prix de vente du vin. Exemple sur 40 E l’hectolitre il était demandé aux caves de ne facturer que 10 E et le reste du prix devant être facturé l’année suivante, sous forme de complément de prix”. Ce report systématique d’année en année tendait en fait à repousser les difficultés et à les accroître. De plus, le SRPJ a démontré la surévaluation des stocks de vins, car alors que le prix moyen à l’hectolitre était de 50 E en 2005, il était chez Rieux à 100 E . La section financière de la Police Judiciaire a souligné la minoration des dettes et l’augmentation concomitante de la valeur des stocks. Ce qui permettait à la Sarl d’afficher une situation bénéficiaire de 6 M E de marge nette. Bernard Latore et Elie Lecha ont expliqué le système en insistant sur le rôle des présidents des caves coopératives. Tout le monde savait ” Le but était clairement, dès le départ de couvrir cette perte de 11 millions d’euros et tout le monde le savait et était d’accord ! “, a martelé Bernard Latore. “On a décidé de sous-facturer mais les livraisons des caves n’ont pas été suffisantes pour couvrir la perte. Je l’ai dit à Lecha qui a dit alors : on va mettre les stocks de tant….” Et c’est un ainsi que l’escalade a commencé , tel un château de cartes. “Un peu comme des joueurs qui espéraient se refaire” a qualifié Elie Lecha. Et le commissaire aux comptes, Yvan Subra nie avoir eu connaissance du système soutenu par Latore. Au fil des auditions le “Père Rieux ” a désigné Lecha comme le véritable gérant. Quant à Bernard Codina, il s’est dé peint lui-même sous les traits d’une homme naïf, plus préoccupé par l’assemblage du vin que par les comptes : “Je ne signais rien, c’était Lecha qui avait les signatures, embauchait et débauchait au sein de l’entreprise. Oui, j’étais un gérant de paille”. A la question pourquoi dans ces conditions avoir accepté ce poste, Codina répond : “Je voulais que les vignerons soient bien rémunérés. Lecha m’avait embauché pour l es vins, pour le reste je fermais ma g … Je pense que j’ai été manipulé. Quant aux augmentations de salaires, elles étaient malvenues compte tenu des pertes de l’entreprise”. Sur la question des augmentations (plus de 90 000 euros de salaires par an en 2004, 2005 et 2006 pour les deux gérants) Elie Lecha répond laconiquement : “il fallait prendre des risques au niveau commercial”. Tous les mois, le point sur la situation était dépeint lors de réunions mais, aux dires des présidents des caves interrogés en tant que témoins, sans qu’ils aient de document comptable à l’appui. “Il aurait été impensable de donner 15 documents comptables aux caves qui auraient été perdus dans la nature”, a justifié Latore. Dans son réquisitoire le procureur a demandé pour Elie Lecha : 2 ans ferme, 30 000 E d’amende, 15 ans d’interdiction de gérance. Pour Codina : 6 mois ferme et 6 mois de sursis, 30 000 E d’amende et 15 ans d’interdiction de gérance. Pour Latore : 1 an ferme, 30 000 E d’amende. Pour Subra : 6 mois avec sursis et 20 000 E d’amende.

V.D.
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