L’ancien aumônier de la prison d’Angoulême ne peut plus exercer, condamné hier pour un téléphone mobile. Il a décidé de faire appel. Pour ses convictions

Dès le prononcé du jugement, Marc Prunier et son avocat se sont précipités pour faire appel de la décision • photo Romain Perrocheau

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«Je suis très très très déçu.» Il était entré dans la salle d’audience confiant. Il est ressorti abattu, s’est dirigé, en compagnie de son avocat, Lionel Béthune, vers le bureau d’accueil pour immédiatement faire appel du jugement. Hier, le tribunal correctionnel d’Angoulême a condamné le père Marc Prunier, ancien aumônier de la prison angoumoisine durant six ans, reconnu coupable d’avoir introduit un téléphone mobile – sans puce – dans l’établissement. Son «complice», qui, au terrain des Alliers aurait glissé l’appareil dans la poche d’un bermuda, a été condamné par défaut à un mois de prison. Les juges n’ont pas retenu à l’encontre du prêtre les trois mois avec sursis que leur avait suggérés le procureur lors de l’audience du 26 mai dernier. Seulement le complément: l’interdiction définitive d’exercer la fonction d’aumônier des prisons.

«Un acharnement que je n’explique pas»

«Je ne comprends pas cet acharnement.» Le père Prunier est interloqué, lui qui a toujours nié toute faute, à l’opposé de son engagement comme l’avaient plaidé ses avocats Jean-François Changeur et Lionel Béthune. Dubitatif, Lionel Béthune l’est devant les motivations du jugement. «On dit qu’il était autorisé à amener des sacs de vêtements des associations, mais qu’en faisant le lien avec les familles, il est allé au-delà de l’autorisation verbale qui lui était faite. En fait, il aurait enfreint un règlement qui n’existe pas. Il n’y a pas d’écrit.»

C’est le sentiment qui n’a pas lâché le prêtre depuis près de deux ans et demi. «Je suis abasourdi devant la disproportion de ce dossier. En janvier, on était à 600 pages, peut-être 900 aujourd’hui. Tout ce temps passé, trois fois à Bordeaux, quatre heures d’audience. C’est débile», s’insurge-t-il avec flegme. «J’ai ressenti à travers cette procédure, un acharnement que je n’explique pas», confesse-t-il. Il a vécu comme une flétrissure ses heures de garde à vue, les menottes, sans lunettes, sans ceinture. «Au second jour, entre les empreintes et les photos, je me traînais dans les couloirs du commissariat en tenant ma culotte. Demandez à visiter les sous-sols du commissariat. C’est ambiance urinoirs SNCF des années 50!»

Toute cette procédure, Marc Prunier l’a vécue comme une injustice. «Ça ne passe pas.» Et pour lui, ce qui n’est pas passé, c’est sa trop grande proximité avec les détenus. «J’ai tenté de redonner à des types qui l’avaient perdue leur colonne vertébrale. Les aumôniers sont là pour ça.» «Il voyait tout, il entendait tout, il savait tout», appuie son avocat. «Je gênais sans doute», envisage le prêtre. «Je sais que les détenus m’aimaient beaucoup. Ils le disaient un peu trop fort.»

L’étonnement d’un enquêteur

Au fond de la salle d’audience, l’un d’eux s’est assis discrètement. Juste pour «soutenir le père Marc». «C’est le seul qui ait prévenu ma famille. C’est le seul qui est venu me voir au quartier disciplinaire. Il m’a soutenu moralement. Je ne l’oublierai jamais.»

Des proches du prêtre font aussi état d’avis tranchés face aux visiteurs de prison: «Depuis le temps qu’on voulait sa peau.» Un prêtre raconte l’étonnement que lui avait confié un enquêteur après la mise en examen. «J’ai cru comprendre que ça venait d’en haut», dit-il. Le prêtre en est tombé, de haut. «J’avais entendu des détenus qui me disaient qu’ils n’étaient pas écoutés. Je leur répondais qu’il fallait garder confiance. Je pense comprendre, aujourd’hui.»

La blessure, c’est la condamnation. Le principe. Pas la peine. «J’avais déjà expliqué que j’avais tourné la page. La vie est comme ça. On ne reste pas bloqué sur des blessures.» Il est aujourd’hui toujours aumônier des gens du voyage, chargé par l’évêque de la pastorale des milieux populaires dans les cités. «Je ne reviendrai pas en prison, même blanchi. Cela aurait un goût de revanche. Cette idée n’est restée présente que trois mois. C’est d’ailleurs moi-même qui ai soumis à l’évêque le nom de mon successeur, qui a été choisi.»

Marc Prunier n’oubliera pas pour autant «les six plus belles années, celles qui [lui] ont demandé le don de [lui]-même le plus intégral». «On est le confident de si grandes blessures que l’on ne peut qu’en être soi-même ébranlé.»

1 réponse
  1. Véritas
    Véritas dit :

    Une nouvelle sanction en droit pénal : l’interdiction définitive d’exercer la fonction d’aumônier des prisons ? Il est possible d’inventer ex nihilo de nouvelles peines en matière pénale depuis quand ? Ou c’est moi qui ai zappé un article du Code Pénal ?

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