Les procès de Khaled Cheikh Mohammed, cerveau des attentats du 11 septembre, et de Bernard Kerik, ancien chef de la police corrompu, se tiendront prochainement à New York. L’occasion, pour le dessinateur et chroniqueur Jeff Danziger, de se livrer à une étonnante comparaison entre les deux hommes.

10.12.2009

L’autre jour, dans le métro, j’ai vu quatre filles qui lisaient un journal chinois. Elles-mêmes n’étaient pas chinoises, mais une photo de Khaled Cheikh Mohammed s’étalait en première page. Le procès du cerveau présumé des attentats du 11 septembre et de ses compatriotes est donc venu s’ajouter à la kyrielle de débats sur l’actualité internationale en cours à New York. Après avoir croupi dans la prison de Guantánamo pendant les huit années qu’ont duré les jeux sanguinaires du gouvernement Bush, ces hommes représentent aujourd’hui un héritage gênant pour le président Obama (Khaled Cheikh Mohammed, qui a subi le simulacre de la noyade à plus de 140 reprises, est le plus clean de la bande ). Eric Holder, le ministre de la Justice, a décidé qu’à défaut d’autres solutions un procès civil déciderait de leur sort. Les crimes ayant été commis à New York, les procès devront également s’y tenir. Et comme ils relèvent de la juridiction fédérale, leurs auteurs seront jugés devant un tribunal fédéral et selon les règles fédérales. D’aucuns craignent que celles-ci ne soient plus restrictives que les règles des Etats, en particulier sur le respect des droits des accusés. Il s’est ensuivi un débat sur la question de savoir comment on pouvait garantir les droits d’un monstre comme Khaled Cheikh Mohammed, si tant est qu’il faille lui accorder des droits.

Vers la même époque s’est ouvert à New York un procès d’une tout autre nature. Si Khaled Cheikh Mohammed doit être jugé pour ce qu’il a fait avant la tragédie [en l’organisant], Bernard Kerik le sera pour des délits qu’il a commis après. On se rappelle que le matin du 11 septembre 2001, quand les avions se sont écrasés contre les tours du World Trade Center, le fantasque et colérique Rudolph Giuliani était maire de New York. Il avait rempli deux mandats et s’apprêtait à quitter ses fonctions, au soulagement d’un grand nombre d’entre nous. Avant d’être élu maire, M. Giuliani avait lui-même occupé un poste de procureur général à New York. Puis il avait brigué la mairie de la même manière, c’est-à-dire en poursuivant tous ceux qui le gênaient. La plupart des New-Yorkais en avaient assez de lui, pour ne pas dire plus. Il était apparu qu’en plus de tout le reste il était coupable d’adultères en série. On peut dire que les attentats du 11 septembre, qui ont tué plus de 3 000 innocents, ont sauvé la vie ou tout au moins la carrière d’un homme qui, lui, n’était pas innocent. Dans les heures et les jours qui ont suivi, il a pris la ville à bras-le-corps avec énergie et efficacité, en étant partout à la fois. Il faut bien reconnaître que, dans les situations d’urgence, il était formidable.

Ses capacités de discernement, en revanche, laissaient à désirer. Durant son second mandat, M. Giuliani a engagé Bernard Kerik comme chauffeur. Celui-ci n’était guère plus qu’un flic de quartier, mais il a montré qu’il adhérait à quelques-uns des principes les plus durs de son patron. M. Giuliani l’a ensuite nommé responsable de l’administration pénitentiaire de New York, un travail de titan consistant à contrôler les prisons. Selon certains, Bernard Kerik aurait alors fait preuve de quelques talents organisationnels, mais sa principale qualité était la loyauté : en public, à Rudolph Giuliani, et en coulisse, à ses bas instincts.

Puis M. Giuliani l’a promu chef de la police de New York, une autre tâche colossale pour un ancien chauffeur. Bernard Kerik n’a pas tardé à manquer à ses obligations. Dans la confusion de l’après-11 septembre, tout le monde essayait d’aider la police et les pompiers dans leur dur travail. Un citoyen soucieux de l’intérêt général avait mis à la disposition de la police un appartement qui donnait sur les décombres encore fumants du World Trade Center pour que les sauveteurs puissent prendre une douche ou se reposer. Mais M. Kerik se l’est tranquillement approprié et l’a affecté, non pas au repos de ses valeureux agents, mais à ses missions personnelles avec des personnes du sexe opposé. Il a pu ainsi recevoir toutes celles qui le voulaient bien et continuer en toute impunité à rouler son monde en jetant à l’occasion un coup d’œil par la fenêtre pour voir comment les choses progressaient sur le site.

Mais il a commis l’erreur, qui n’est d’ailleurs pas inhabituelle, d’avoir deux maîtresses en même temps, en pensant qu’elles ne se soucieraient pas l’une de l’autre. Or nous savons que c’est faux, et c’est là que la situation devient tragi-comique. Pour ne rien arranger, M. Giuliani venait tout juste de recommander son ancien chauffeur au poste de ministre de la Sécurité du territoire dans l’ambiance délétère du gouvernement Bush.

Pincé juste à temps, Bernard Kerik a dû renoncer au poste.

0 réponses

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.