PAU. Pour la première fois hier, le tribunal correctionnel a annulé une procédure au motif que l’ordonnance du juge d’instruction est un « copié collé » du réquisitoire définitif du parquet

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La décision du tribunal correctionnel crée une jurisprudence nouvelle à Pau. (Photo guillaume bonnaud)

Ils étaient 12 jeunes gens à être jugés hier par le tribunal correctionnel de Pau, pour s’être livré à un trafic présumé de stupéfiants entre le Béarn et Paris, en 2006.

Mais le tribunal n’a même pas eu le temps d’aborder le vif du sujet. Deux avocats ont soulevé « in limine litis » (en début d’audience) une exception de nullité. Laquelle a fait partir l’affaire de stups en fumée.

Mes Christophe Cariou-Martin (cabinet Ducos-Ader, Bordeaux) et Nicolas Benouaiche (cabinet Kaminski, Paris) ont relevé que l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction (le document qui « convoque » leurs clients devant la justice au terme de l’enquête) n’était qu’un « copié collé » du réquisitoire définitif du parquet (la synthèse du dossier vu par l’accusation).

« À charge et à décharge »

Ce mimétisme n’a rien d’exceptionnel. C’est même une pratique courante. Toutefois, objectent les deux avocats, soutenus en cela par leurs confrères palois présents dans ce dossier, cette coutume bafoue une loi récente : celle du 5 mars 2007, dont l’objet est « de renforcer l’équilibre de la procédure pénale ».

Cette loi prévoit, via l’article 184 du Code de procédure pénale, que le juge d’instruction doit désormais « prendre ses réquisitions au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties, en précisant les éléments à charge et à décharge. Ce qui lui interdit, dorénavant, de se référer au réquisitoire définitif », estime la défense.

« Auparavant, on pouvait se contenter de mettre ”vu le réquisitoire en date du…” et cela suffisait, plaide Me Benouaiche. Aujourd’hui, on exige que les ordonnances de renvoi soient motivées. » Et mentionnent les notes aux fins de non-lieu transmises par la défense. « Quitte à faire du copié collé, autant le faire aussi avec nos observations », lance Me Benouaiche.

Me Cariou-Martin a rassuré le tribunal : la manoeuvre de la défense n’a « rien de dilatoire ». Ni d’un procès d’intention fait à la justice. « Le juge n’a pas voulu violer l’article 184. Il a été dans la nécessité de le faire par manque de moyens matériels ».

L’avocat note toutefois que « même les fautes de frappe sont reprises ! » Et le plaideur d’appeler « la justice à prendre le temps de rendre la justice ».

La cour d’appel de Paris, rappelle-t-il, a rendu en janvier un arrêt dans ce sens. Une décision « désormais affichée à l’instruction à Paris », indique l’avocat. Et le tribunal correctionnel de Bordeaux vient également de prononcer un jugement hostile copié collé.

Soulevé pour la première fois à Pau hier, l’argument a également fait mouche. Le tribunal, présidé par Yves Poumeau de Lafforest, a annulé l’ordonnance du juge, et renvoyé le parquet « à mieux se pourvoir ». Fin de l’audience.

Avant cela, le procureur Etchegoinberry avait bien expliqué que « le rôle du ministère public est d’être le garant des libertés individuelles ». Et que, par conséquent, « son travail n’est pas seulement de chercher des éléments à charge : il requiert également des non-lieux ». Quant au copié collé, le procureur « ne voit pas l’intérêt de changer systématiquement de formulation : quand une personne déclare ”je reconnais avoir transporté 300 grammes de cocaïne”, je ne vois pas comment le dire autrement ».

Vain plaidoyer de l’accusation pour les mérites du presse-papiers informatique. Le tribunal de Pau est venu s’ajouter au nombre des juridictions qui bannissent le « copié collé » entre le parquet et l’instruction.

Auteur : Gwenaël Badets
g.badets@sudouest.com

3 réponses
  1. amandine
    amandine dit :

    Bonjour,
    Je trouve votre article très intéressant, et travaille justement sur la pratique des copiés-collés des réquisitoires introductif.
    Pourriez-vous me donner plus d’informations sur le jugement rendu à Pau, car je n’arrive pas à le trouver.
    Avez-vous d’autres exemples de jugement de ce type?
    Merci beaucoup.
    amandine.

    Répondre
  2. MM
    MM dit :

    Je remercie Amandine pour son commentaire qui m’a permis de découvrir cet article qui m’avait échappé, relatant une jurisprudence qui se révèle être extrêmement intéressante pour les avocats et qui va dans le sens d’une meilleure justice.

    De tels articles devraient être envoyés systématiquement aux abonnés (cf rubrique “garde à vue”) d’Intime Conviction !

    Répondre

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