Le parquet de Paris a fait appel de cette décision, a-t-on indiqué de mêmes sources. Une telle annulation pour “délai particulièrement anormal” de la procédure est rarissime.
Quatre personnes -un armateur, deux membres d’équipage et un expert- ont été mises en examen en 1993 dans ce dossier remontant aux années 1990 et 1991. L’armateur est soupçonné d’avoir détruit son navire au large des côtes italiennes afin de toucher une prime d’assurance, l’expert étant soupçonné d’avoir surestimé le prix du navire à 13 millions de FF.
La 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris a donc annulé jeudi ce dossier d’escroquerie présumée à l’assurance sans même en examiner le fond qui devait faire l’objet de deux journées d’audience. “Le principe d’un délai raisonnable est une des bases de la notion de procès équitable”, souligne le tribunal dans son jugement en précisant que sa violation est une “atteinte généralisée à l’ensemble des principes de fonctionnement de la justice pénale”.
“Il appartient au juge, gardien des libertés, de s’assurer de l’effectivité des règles fondamentales du procès. Il ne peut donc, après avoir constaté que la procédure qui lui est soumise viole la norme d’un délai raisonnable, participer lui-même à cette violation en la laissant se poursuivre sous peine de transformer les valeurs qu’il est censé protéger en simples symboles décoratifs”, souligne le tribunal présidé par Serge Portelli.
En quinze ans d’instruction, “il s’est écoulé près de huit années de procédure sans qu’aucun acte n’intervienne et ce, sans aucune raison valable”, indique le jugement. Les juges d’instruction “ont procédé à un minimum d’actes” dans une affaire d’une “durée particulièrement longue” dépassant “de beaucoup la durée des instructions judiciaires en France, même en matière financière”, relève le tribunal. L’affaire avait été renvoyée devant le tribunal en septembre 2007.
Pour justifier cette annulation, les magistrats rappellent que l’article 6.1 de la CEDH et l’article préliminaire du Code de procédure pénale prévoient que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable et qu’il soit statué de la même façon sur l’accusation dont elle fait l’objet.
Un délai qui s’apprécie bien évidemment au regard de la complexité de l’affaire, aux difficultés de rapporter la preuve, au nombre de prévenus… Or, relève le tribunal, ce dossier “ne présentait pas de complexité particulière” en dépit de faits supposés commis en Italie.
“Les seules investigations présentant un tant soit peu de difficultés tenaient aux vérifications à accomplir en Tunisie. Il a fallu quatre ans pour cela”, note le tribunal qui relève que les mis en examen n’ont fait preuve “d’aucune attitude dilatoire ou abusive”. Deux d’entre eux, aujourd’hui âgés de 82 et 73 ans, étaient absents de l’audience pour raisons médicales. La justice italienne, également saisie, a jugé en 2008 que les faits reprochés au principal prévenu étaient prescrits.
“Le tribunal est allé jusqu’au bout de la logique pour protéger les droits de la défense et les fondements même de l’organisation judiciaire”, s’est félicité l’avocat de l’armateur, Me Christian Saint-Palais.
Article de Benjamin Brame
Bonjour,
Cet article est très intéressant et je vous remercie de me l’avoir fait découvrir.
Savez-vous s’il y a des précédents jurisprudentiels ? Il me semble que oui mais je ne retrouve plus les références.