La mutation d’office du procureur général d’Auvergne a du plomb dans l’aile. Et c’est la ministre elle-même qui désamorce son projet.

« Rachida Dati avait fait le forcing il y a trois mois pour muter Marc Robert, aujourd’hui elle fait le forcing pour contrecarrer ce projet », constataient, hier soir, les représentants régionaux des syndicats de magistrats. Ils avaient lancé une pétition qui a recueilli près de 600 signatures pour soutenir son opposé à sa mutation : « Avocat général à la Cour de cassation, explique un juge, c’est théoriquement une promotion. Mais aussi un placard où ils sont déjà six en surnombre ».

Marc Robert n’aurait en fait pas été assez zélé. Trop réticent à fermer les tribunaux de grande instance de Moulins et Riom dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, et trop militant pour l’indépendance des procureurs. Les procureurs sont aujourd’hui nommés en Conseil des ministre avec un avis seulement consultatif du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), le garant de l’indépendance de la Justice. Marc Robert, en tant que président de la Conférence des procureurs généraux d’Europe, propose que leur nomination ne soit plus du seul pouvoir politique.

Le CSM avait d’ailleurs donné, dans un premier temps, un avis défavorable à sa mutation, réfutant la « nécessité de service » invoquée par la ministre.

Mais, surprise jeudi, il a de nouveau voté et cette fois donné son feu vert. Cependant, l’après-midi même, la ministre a retiré ce projet de mutation de l’ordre du jour de la réunion avec le CSM (voir notre édition de samedi).

Du coup, la mutation était de fait au moins retardée. Rachida Dati a temporisé encore plus en recevant Marc Robert, lundi soir, pour lui demander ses souhaits. Il lui a sans doute répété qu’il aimerait rester procureur général. Aucune décision n’a été prise, mais le fait de s’enquérir de ses souhaits apparaît comme une façon de reconnaître qu’il n’y a pas « nécessité de service ». D’autant qu’un poste de procureur général va bientôt se libérer, à Pau?

Autre constat de source syndicale, la ministre s’opposerait désormais à l’Élysée : « C’est elle qui, jeudi, a retiré le projet de l’ordre du jour en tant que présidente de la réunion. Ce rôle est normalement imparti au président de la République mais, absent, il n’était que représenté par son conseiller pour la Justice, Patrick Ouart. Or, lui voulait maintenir cette mutation? »

Marc Robert peut encore du jour au lendemain être nommé à la Cour de cassation par un décret cosigné du ministre et du président de la République : « Dati s’en va, rien ne dit que son successeur ne signera pas ce que lui demandera l’Élysée ».

Éric Moine
eric.moine@centrefrance.com

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