Le barreau de Lille est une entreprise qui exporte décidément bien son talent. Après les aventures – toujours en cours – de Franck Berton au Mexique dans l’affaire Florence Cassez, trois autres robes noires lilloises, Mes Jean-Yves Moyart, Stefan Squillaci et Éric Dupond-Moretti, viennent de se distinguer en obtenant des jugements incroyables dans des paradis exotiques du bout du monde. Voici leurs histoires. PAR FRÉDÉRICK LECLUYSE
metro@lavoixdunord.fr PHOTO REPRO LA VOIX
Après trois semaines en Nouvelle-Calédonie, il n’est même pas rentré bronzé en ce début du mois de mai. Non. Jean-Yves Moyart a passé beaucoup d’heures dans les avions et plus encore dans la salle d’audience de la cour d’assises de Nouméa. Vingt-deux milles kilomètres pour une plaidoirie et un acquittement, l’avocat lillois n’avait jamais fait encore. Il apprécie. « C’est une expérience formidable, qui s’est achevée par un verdict magnifique. » C’est à la demande d’un ancien avocat douaisien, Me Jean-Jacques Deswarte, installé depuis plusieurs années en Nouvelle-Calédonie, que Jean-Yves Moyart a fait le tour de la planète pour un procès en appel. « En première instance, l’un des deux clients de Jean-Jacques avait été condamné à quinze années de réclusion criminelle pour le meurtre d’une touriste japonaise, il avait besoin d’un regard extérieur. J’y suis allé. » C’est ce qui s’appelle avoir du nez. « On a complètement démonté l’instruction de ce dossier, qui était totalement indigente, raconte l’avocat.
Pareil avec les gendarmes qui avaient mené l’enquête ; ils sont repartis du tribunal en slip ! » Au final, la décision de la cour n’a pas traîné. « Les jurés ont rendu le verdict en une heure trente alors qu’ils avaient délibéré huit heures lors du premier procès. » Acquittement, donc, pour les deux frères et la une du journal local pour Jean-Yves Moyart.
Les aventures des deux associés, pour ne pas dire compères tant ils sont complices, Stefan Squillaci et Éric Dupond-Moretti sont, elles, complètement explosives. Elles se déroulent fin février, à La Réunion où le volcan est régulièrement en éruption. Cette fois, c’est à la cour d’assises de Saint-Denis que l’explosion a lieu en cette première semaine de débats. Le procès est de taille. Quatre hommes sont poursuivis pour l’assassinat de cinq personnes et des tentatives sur dix autres. Un vrai bain de sang. « C’était digne d’un roman ou d’un film avec des morts partout, un truc de fou », raconte Stefan Squillaci. Avec Éric Dupond-Moretti, il assure la défense du principal accusé, un certain Abasse Mamodtaky, considéré comme l’ennemi public numéro 1. Parmi les autres avocats de la défense, Me Gilbert Collard. Que du lourd, quoi.
« Outreau à l’envers… »
Mais ce sont les deux Lillois qui vont endosser le costume de stars de ce procès hors normes. « Avec Éric, on s’est aperçu qu’un officier de police judiciaire avait enquêté en dehors du cadre légal et qu’il avait été en outre l’amant de la femme de notre client ; on a donc déposé des conclusions de nullité. » Stefan Squillaci sourit. « Le mieux, c’est que l’avocat général nous a suivis. » Et voilà comment toute la procédure a été annulée et, surtout, voilà aussi comment quatre criminels en puissance ont été remis en liberté. Éric Dupond-Moretti : « Ce n’est pas une victoire de la défense, c’est une victoire de la justice et des règles de droit, qui honore l’institution judiciaire quand elle les applique.
» À La Réunion, c’est un tremblement de terre. La presse locale, toujours prompte à s’enflammer, s’embrase littéralement. À dessein en l’occurrence. Elle évoque un fiasco, voire un chaos judiciaire. Un éditorialiste titre : « C’est Outreau à l’envers. » Les familles des victimes sont catastrophées. « C’est une première dans l’histoire de la justice française », confirme Stefan Squillaci qui s’apprête à reprendre son bâton de pèlerin. Le parquet général s’est, en effet, pourvu en cassation. Le cataclysme réunionnais sera examiné le 10 juin à Paris. C’est un peu moins loin… •
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