6 ans de prison pour l'ex-compagnon d'Aurélie

Vers 2 h 30, après l'annonce du verdict, le ton est à nouveau monté du côté de la famille   de l'accusé. Un large dispositif de sécurité avait été mis en place / Photo Delphine Givord

Vers 2 h 30, après l’annonce du verdict, le ton est à nouveau monté du côté de la famille de l’accusé. Un large dispositif de sécurité avait été mis en place / Photo Delphine Givord

Le jury a tranché dans la nuit de mercredi à jeudi : l’ex-compagnon d’Aurélie Martory, Tahar Souakria, a été reconnu coupable de coups mortels. Il a fait appel du verdict hier

Un procès hors du commun. C’est ce qui restera dans les mémoires de tous ceux qui ont suivi les débats de l’affaire Aurélie Martory, de lundi à mercredi devant la cour d’assises du Jura. Hors norme en termes de tensions, de propos, d’émotion et de débats complexes, à la fois sur le plan juridique et factuel. Le verdict a été rendu dans la nuit de mercredi à jeudi, à 2 heures du matin, après trois (petites) heures de délibération.

Dans la salle d’audience pleine d’une cinquantaine de personnes et face aux clans des deux familles, en présence d’un gros dispositif de sécurité déployé suite aux esclandres de la veille (agents de sécurité et une vingtaine de policiers et de gendarmes), la cour a rendu son verdict. Tout le monde a retenu son souffle. Tahar Souakria, 29 ans, a été reconnu coupable de tout ce qui lui était reproché : violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, sur conjoint ou concubin et avec arme et violences volontaires avec ITT inférieure à 8 jours sur la personne de la jeune sœur de la défunte. Le Ministère public avait requis 10 ans de réclusion, sa défense avait plaidé l’acquittement : il a été condamné à une peine de 6 ans de prison et immédiatement écroué. Il devra également verser plus de 150 000 euros aux (nombreuses) parties civiles. L’annonce a jeté la consternation du côté de sa famille. Plusieurs se sont levés en criant une nouvelle fois à « l’erreur judiciaire », jetant menaces et invectives à la face de la cour, du Ministère public, des avocats de la partie civile et de l’autre famille. Les forces de l’ordre les ont contenus mais laissés s’exprimer, tandis que la défense les invitait à « arrêter les provocations ». « Je ressortirai ! a crié l’accusé depuis son box, qu’il avait dû garder depuis les délibérations. Mes filles, je laisserai personne me les prendre ! » A 3 heures, tout le monde avait quitté le palais de justice, sans encombres. Tahar Souakria a passé la nuit en prison. Le jury a adhéré à la thèse du Ministère public et des avocats de la partie civile, qui ont démontré le lien de causalité entre les coups portés à son ex-compagne et sa mort, après qu’elle ait pris la fuite, hébétée, pour échapper aux coups, une nuit de mai 2007 dans le Haut Jura. « Je ne vous demande pas de révolution juridique, a déclaré l’Avocat général Virginie Deneux. La jalousie a guidé ses gestes et sans ces violences, jamais Aurélie ne se serait retrouvée agonisante au bas de cette paroi rocheuse. »

Hier matin, telle qu’elle l’avait annoncé, la défense a fait appel du verdict. « Doublé d’une demande de remise en liberté, rapporte l’un de ses avocats, Maître Uzan. J’ai aussi entamé une démarche auprès de la Chambre criminelle, pour que le procès soit renvoyé dans une autre région, ailleurs que dans le Jura, pour dépassionner les débats. »

Car c’est la crainte de la défense : que l’affect, et l’image de cette ravissante jeune femme de 20 ans, mère de deux enfants, morte au bas d’une falaise ait pu prendre le pas sur tout le reste dans cette affaire.

Lors des plaidoiries de la défense, Maître Ripert a hurlé à « l’erreur judiciaire » avant de tenter de démontrer par A + B qu’il n’y avait pas de lien de cause à effet entre les coups portés par Tahar et la mort d’Aurélie, plus tard au bas de la falaise. « S’il n’est pas innocent, il n’est en aucun cas coupable juridiquement. La chute ne peut être qu’accidentelle ; Aurélie a suivi un itinéraire toute seule. Il ne l’a pas poussée et nul ne sait si elle a sauté, fait un faux pas ou glissé. Jamais la jurisprudence n’est allée aussi loin ».

Avant d’expliquer : « La jurisprudence, c’est une femme qui préfère sauter par la fenêtre pour éviter les coups de son mari. » Il a également brandi la carte du racisme. Me Uzan a pris le relais et dénoncé « une monstruosité judiciaire », « les failles d’une enquête honteuse » et « le scandale d’une procédure bancale ». Comme le veut l’usage, l’accusé (qui n’a pas reconnu les faits dans leur intégralité) a pris la parole en dernier : « J e demande pardon à mes filles et à toute la famille d’Aurélie » a-t-il lâché entre deux sanglots. « Même s’ils font appel, ce procès était nécessaire pour les victimes, commente Maître Lagoutte, l’un des avocats de la partie civile. Ça va leur permettre de commencer à faire leur deuil. »

Delphine Givord

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