Laurence de Charette
Ambiance de salle au procès Colonna, en février dernier. Si la Cour décidait jeudi de suivre la démonstration de l'avocat spécialisé Patrice Spinosi, toute l'activité des cours d'assises s'en trouverait bouleversée.
Ambiance de salle au procès Colonna, en février dernier. Si la Cour décidait jeudi de suivre la démonstration de l’avocat spécialisé Patrice Spinosi, toute l’activité des cours d’assises s’en trouverait bouleversée. Crédits photo : Le Figaro

Aujourd’hui, l’accusé ne connaît pas les raisons de sa condamnation.

L’audience qui doit se tenir, jeudi matin, à la Cour de cassation, donne depuis quelques semaines des sueurs froides au gouvernement : la chambre criminelle va examiner une question centrale : faut-il, ou non, motiver les décisions des cours d’assises ? Le droit français, attaché au système de jury populaire, ne prévoit pour l’instant pas de motivation écrite des arrêts. Les jurés répondent par oui ou par non à une liste de questions dressées par le président de la cour, et se prononcent simplement selon leur «intime conviction».

Mais, le 13 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Belgique, dont la pratique est comparable. Les juges européens ont considéré que le Belge Richard Tasquet, condamné à 20 ans de prison pour l’assassinat du ministre André Cools, n’avait pas eu droit à «un procès équitable», car l’accusé n’avait pas pu connaître les raisons concrètes de sa condamnation – notamment parce que la formulation des questions posées aux jurés était «vague et abstraite». Le requérant ignorait «les motifs pour lesquels il a été répondu positivement aux questions, (…) alors qu’il niait toute implication», ont expliqué les juges européens. Une situation qui crée selon eux «l’impression d’une justice arbitraire et peu transparente».

Depuis lors, plusieurs dizaines de plaignants ont porté leur dossier devant la Cour de cassation française, lui demandant d’appliquer la jurisprudence européenne, et de casser leur condamnation, pour absence de motivation…

La Chancellerie réfléchit à un texte propre

L’affaire que doit examiner jeudi matin la chambre criminelle en formation plénière est la première du genre. L’avocat spécialisé Patrice Spinosi (également avocat d’Yvan Colonna) tentera de faire annuler la condamnation à 18 ans de réclusion criminelle d’une femme condamnée en septembre 2008 dans le Var pour homicide volontaire. Or, si la Cour décidait de suivre sa démonstration, et de casser l’arrêt, toute l’activité des cours d’assises s’en trouverait bouleversée. Des dizaines d’arrêts, dont celui visant Yvan Colonna, seraient remis en cause….

L’avocat général qui doit s’exprimer à l’audience jeudi matin a toutefois conclu au rejet du pourvoi, considérant que le droit belge n’est pas strictement identique au droit français, et qu’il revient au législateur de se prononcer. De plus, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme doit une nouvelle fois se pencher sur la question – car la Belgique a fait appel, rejointe par la France – le 21 octobre prochain. S’ils suivaient les conclusions de l’avocat général, les magistrats pourraient laisser un sursis au législateur.

C’est ce qu’espère la Chancellerie. Mais la motivation des arrêts d’assises ne devrait de toute façon plus tarder à voir le jour. La commission Léger, chargée par le président de la République de réfléchir à la refonte du Code de procédure pénale, l’avait déjà proposée. Sa mise en œuvre ne pourra toutefois peut-être pas attendre la grande réforme pénale. La Chancellerie a pris les devants, réfléchissant à un texte propre. Pourtant, exiger une motivation écrite d’un jury populaire, par définition non formé au droit, n’est pas simple. L’une des pistes envisagées serait de joindre au jugement une synthèse, rédigée par le président et signée par le premier juré, exprimant les principales raisons qui ont fondé la décision.

1 réponse
  1. Méfiate
    Méfiate dit :

    Ce serait une véritable révolution ! Mais dans un bon ou un mauvais sens ? S’ils en profitent pour instaurer des magistrats professionnels en assises, pas sûr que l’on y gagne au change (cf : la mascarade du procès Colonna)

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