Front uni des magistrats contre le pouvoir politique

Reuters Thierry Lévêque

Les trois syndicats de magistrats français et leurs cinq associations professionnelles présentent un front uni contre le pouvoir politique et annoncent une série d’actions en 2010.

Ils entendent combattre une série de réformes et de projets portant atteinte à leurs yeux au principe d’indépendance, notamment la suppression annoncée du juge d’instruction.

Conjugués à la paupérisation du système, ces textes préparent selon eux une mise sous tutelle de l’institution.

“Il y a une opération de démantèlement de l’institution judiciaire, consciente, organisée, préparée”, a dit Naïma Rudloff, présidente de FO-Magistrats, lors d’une conférence de presse commune.

Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), est intervenu dans le même sens.

“Nous sommes en train de crever gentiment et d’être dans l’impossibilité matérielle d’assumer nos missions”, a-t-il dit.

Avec le Syndicat de la magistrature (gauche) et cinq associations catégorielles représentant les juges d’instance, le secteur de la jeunesse et de la famille, les juges d’instruction, les juges d’application des peines et les magistrats débutants, ils entendent prolonger la protestation toute l’année 2010.

Des “contre-rentrées” seront organisées partout en France en janvier pour concurrencer les cérémonies officielles, notamment le 14 janvier à la Cour de cassation, où doit se rendre le Premier ministre, François Fillon.

Les syndicats projettent d’autres actions dont ils ne veulent pas dévoiler le contenu, mais ils prévoient une grande “journée nationale pour la justice” le 9 mars, à quelques jours du premier tour des élections régionales.

LE SYSTÈME SOMBRERAIT DANS LA MISÈRE

Le statut des magistrats leur interdit la grève et des actions du type “grève du zèle” – l’application stricte des règles de procédure – ne sont pas envisagées car elles portent préjudice aux justiciables, ont déclaré les syndicats.

Le ministère de la Justice, où Michèle Alliot-Marie a succédé à Rachida Dati en juin, fait la sourde oreille.

Alors que les syndicats exigent le paiement des astreintes et de certaines rémunérations repoussées faute de crédits, le ministère n’a pour l’instant rien accepté, alors que les surveillants de prison ont obtenu cette semaine des concessions sur les mêmes points après une menace de blocage.

Sur les grands projets, Michèle Alliot-Marie est aussi restée inflexible. Elle a déjà déclaré que l’idée de supprimer le juge d’instruction indépendant pour le remplacer dans les enquêtes complexes par les parquets, liés hiérarchiquement au pouvoir politique, n’était pas négociable.

C’est ce sujet que les organisations de magistrats soulèvent notamment, car selon elles ce texte sonnera le glas de l’indépendance du système. Elles mettent aussi en cause la préparation d’un code de justice des mineurs plus répressif.

Les magistrats se targuent de l’appui de l’opinion, mesuré par les sondages. “Si le président de la République, c’est un peu Jules César, nous ne sommes pas un village de Gaulois seuls”, a dit aux journalistes Marc Trévidic, président de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI).

Les juges s’élèvent en outre contre la réforme de la carte judiciaire, qui sera complétée ce mois-ci avec la fermeture définitive de 151 tribunaux d’instance.

Cette réforme allonge les délais et désorganise les juridictions, car des emplois sont supprimés, notamment dans les greffes, a dit la présidente de leur association nationale.

Pour les syndicats, le système judiciaire français s’enfonce dans une véritable misère, que le pouvoir tenterait de résoudre en introduisant des procédures expéditives telles que le “plaider-coupable” (jugement sans procès).

Cette paupérisation a été mise en lumière dans un rapport publié en 2008 par le Conseil de l’Europe, qui a classé la France au 35e rang européen sur 43 en termes de dépenses pour ce poste.

Avec 0,19% de sa richesse nationale (PIB) consacrée à la justice en 2006, la France était derrière l’Arménie, Andorre, la Moldavie, la Roumanie et la Russie. Elle dépense deux fois moins d’argent par habitant pour la justice que l’Allemagne.

Édité par Yves Clarisse

AP
  • L’ensemble des syndicats et associations de magistrats ont dénoncé mercredi au Palais de justice de Paris les atteintes à l’indépendance de l’autorité judiciaire et la paupérisation de la justice.

“Tous sur la même longueur d’onde”, l’Union syndicale des magistrats (USM), FO-Magistrats, le Syndicat de la magistrature, ainsi que des associations catégorielles (application des peines, jeunes magistrats, instruction) ont annoncé, lors d’une conférence de presse, des actions en 2010 pour poursuivre la contestation.

La première d’entre elles devrait être “une manifestation le 14 janvier à 15 heures”, jour de l’audience solennelle de rentrée à la Cour de cassation où le Premier ministre François Fillon devrait être présent. D’autres manifestations devraient avoir lieu, notamment le 9 mars pour la journée nationale de la Justice, avec pour objectif de “mobiliser dans toute la France”. “Les modalités ne sont pas encore définies”, a précisé Marc Trévidic, président de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI).

Selon l’ensemble des syndicats, le malaise est plus fort que jamais dans les juridictions. “Le ras-le-bol est général. Ce n’est pas un débat sur la suppression du juge d’instruction, même s’il est révélateur car il passe pour le dernier bastion de résistance”, a dit M. Trévidic.

Pour les syndicats, ce projet de réforme apparaît clairement comme une volonté du pouvoir politique de contrôler les affaires sensibles ou gênantes pour l’exécutif, selon un communiqué de presse commun.

De plus, avec la réforme de la carte judiciaire, qui a commencé à se mettre en place, ce sont 178 tribunaux d’instance qui vont disparaître très prochainement. “C’est une gestion plus administrative mais la qualité de la justice n’est pas accrue. Supprimer des tribunaux d’instance, c’est pire que des bureaux de Poste”, a conclu M. Trévidic. AP

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