LE MONDE | 13.02.09 | 14h34
vec son cardigan à motifs jacquard, ses petites lunettes et sa raie à droite, Amer Butt aurait pu faire un gendre convenable. Jeudi 12 février, le frêle jeune homme de 28 ans a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour avoir transformé Chahrazade Belayni, celle qu’il appelait “Amir”, “ma vie”, en torche vivante à l’hiver 2005. Durant un an, il a vécu en fugitif au Pakistan avant de se rendre aux autorités françaises.
L’enquête de personnalité, puis les expertises, ont décrit un garçon de “contact facile, agréable et serviable”, mais également”gâté, capricieux et hautain”. Unique fils d’une fratrie de quatre, Amer Butt a grandi “heureux et choyé” dans le Penjab pakistanais au sein d’une famille “entièrement consanguine”. Cousin germain de sa mère, son père, qu’il a idéalisé à distance, a exercé cent métiers avant de monter un restaurant en Seine-et-Marne. Durant les quatorze premières années d’Amer, il n’a rendu que très épisodiquement visite à la famille, avant de la faire émigrer en France. Un violent choc pour le garçon.
Contraint d’apprendre une toute nouvelle langue, de régresser brutalement sur le plan scolaire, l’ex-petit homme de la maison se retrouve à sa place d’enfant, sous l’autorité d’une figure paternelle autoritaire. Parvenu au prix de gros efforts en classe de première générale, à l’âge de 19 ans, cet ex-bon élève souffre du décalage avec ses condisciples et quitte le lycée sans diplôme, à contre-coeur. Il n’est guère plus heureux dans le restaurant paternel où il se sent dévalorisé par rapport à ses moyens intellectuels.
Chahrazade et les projets de mariage qu’il échafaude trois mois après leur rencontre en juin 2004, sont comme une bouée de sauvetage. “Elle est devenue le point de fuite éclairant et organisant toute son existence”, a expliqué un expert-psychiatre. Une psychologue clinicienne a décrit comme digne “de la psychologie du XIXe siècle” le “ressenti amoureux” d’Amer. L’amoureux fut assez exalté pour avaler 58 comprimés de somnifère en octobre 2005 dans le but de “finir aux pieds” de celle qui, à 18 ans, renâclait à se faire passer la bague au doigt. Mais il l’a aussi menacée de mort, émettant auprès d’amis l’idée de “la marquer” pour la punir de ne plus “être à lui”.
“Je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un extrémiste”, a-t-il juré avant le verdict de la cour d’assises. A la maison d’arrêt de Villepinte, Amer Butt est un détenu modèle “courtois, participant à toutes les activités sportives et d’enseignement”. Il se dit suivi par un psychothérapeute. Son rêve est de réussir un BTS.
Patricia Jolly
Article paru dans l’édition du 14.02.09
Laisser un commentaire
Participez-vous à la discussion?N'hésitez pas à contribuer!