CLICANOO.COM | Publié le 14 février 2009

COUR D’ASSISES – Superstitieux jusqu’au bout des ongles, Georget Sadon redoutait les pouvoirs surnaturels qu’il prêtait à son proche. Jugé un vendredi 13, l’homme risquait la réclusion criminelle à perpétuité pour assassinat.

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« J’ai peur de la sorcellerie, bien sûr », affirme la concubine de Georget Sadon. « La sorcellerie ça existe. C’est la Réunion, ça », affirme encore la maîtresse de l’accusé. « Mi crois à la sorcellerie », assure aussi la mère de la victime. Une grande partie de l’affaire tournera autour de cette notion de sorcellerie. Sorcellerie que de nombreuses personnes peuvent avoir du mal à prendre en compte, mais qui est une constante dans la culture et la tradition de l’île. Culture et tradition de la sorcellerie et de la superstition qui seront confirmées par le médecin psychiatre qui a examiné l’accusé. « Il est fortement imprégné de croyances », confirme le praticien, « il affirme que son cousin avait un pouvoir surnaturel parce qu’il pratiquait la religion malbar. »`

Un homme fruste et immature

Pour Madame Marin, la psychologue, la sorcellerie lui permet de trouver un refuge dans la dénégation de ses propres carences, qu’il est bien incapable de pouvoir percevoir. Et ce soir-là, dans la nuit du 11 au 12 août 2007, c’est ce qu’il affirme lorsqu’il va tuer son cousin. Trois coups de fusil de chasse qui l’obligent à recharger son arme. Deux des coups seront mortels alors que l’accusé se trouve à une distance de la victime estimée entre deux et quatre mètres. Ensuite, il prend la fuite et ce sont plusieurs appels en direction de sa concubine et de sa maîtresse qui l’empêcheront de se suicider. Il décidera aussi de se rendre aux forces de l’ordre. Si la sorcellerie reste au centre des débats, une question posée par Me Anne-Marie Noël, l’avocat général, va provoquer une certaine forme d’interrogation. « Pourquoi à 11 h 40, lors du contrôle d’alcoolémie, il est contrôlé négatif à 0 alors que lui-même affirme qu’il a bu deux litres de vin ? » Question sans réponse. L’audition des témoins n’apportera rien de bien particulier, sauf que tous affirment croire à la sorcellerie. Et d’une certaine manière, cela influe sur leur vie. Mais, l’explication de la diablerie par le biais « des rites malbars » ne repose sur aucun éclaircissement. Les parties civiles, représentées par Mes Jean-Claude Duleroy et Estelle Chassard vont tenter de casser cette opinion de l’homme, certes fruste et immature, comme le soulignent le psychiatre et le psychologue, bon père et grand travailleur, comme l’assurent encore les témoins qui se sont succédé toute la matinée à la barre. Les deux conseils de la partie civile vont soutenir l’accusation. C’est Me Estelle Chassard qui va prendre en premier la parole. « La victime n’est pas présente pour dire réellement ce qui s’est passé », attaque l’avocate. « Les membres de sa famille ne le reverront jamais. La sorcellerie est simplement un prétexte », termine l’avocate en laissant ensuite la parole à son confrère Me Duleroy.

De l’assassinat au meurtre

« La victime est terrassée par trois coups de fusil. Il a été sans pitié. Il ne lui a laissé aucune chance. La maison de la victime était à 300 mètres. La sorcellerie n’est qu’une excuse », continue l’avocat. « Certes, il y a un problème de terrain. Il y a la naissance d’une inimitié irrationnelle et Jean-François Goulamousenne est devenu l’exutoire de l’accusé. Nous ne sommes pas satisfaits des réponses », explique encore Me Duleroy, « et mes clients ne savent pas pourquoi il est mort. » « C’est un criminel car il avait l’intérêt de tuer. Il a été entendu sept fois et ces sept auditions sont emplies de haine et de rancœur qui donnent envie de tuer », affirme Anne-Marie Noël, l’avocate générale. « Il faudrait nous faire croire qu’il a agi sous une force infernale, mais les sept déclarations qu’il a faites prouvent le contraire », poursuit la représentante du parquet, qui dans son réquisitoire va éliminer la préméditation et donc retirer la qualification d’assassinat pour la requalifier en meurtre simple. Et c’est pour cette raison que le ministère public requerra une peine de réclusion criminelle comprise entre 13 et 15 alors qu’il risquait au début la réclusion criminelle à perpétuité, voire trente ans pour le meurtre. C’est donc assez serein que Me Mickaël Nativel va prendre la parole pour assurer la défense de Georget Sadon. « Depuis les faits, il a des regrets pour la victime et pour la famille », admet Me Nativel tout en s’étonnant du crime de son client alors que celui-ci, quelque temps auparavant, avait sauvé plusieurs personnes lors d’un incendie à Saint-Paul. « On tente de donner des explications satisfaisantes, mais elles ne tiennent pas. Ce qui est constant dans ce dossier”, poursuit l’avocat sudiste, “ce sont les croyances en la sorcellerie. Lorsque vous êtes sous l’emprise de ce type de croyances, vous pouvez faire des choses illogiques. Il est passé à l’acte en raison de ses croyances”, poursuit Me Mickaël Nativel en expliquant aux jurés qu’ils sont en train de juger un homme comme eux.

Compte rendu d’audience Jérome Leglaye

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