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Marc Robert annonce son intention de déposer un recours contre sa mutation forcée à la Cour de cassation, qu’il estime “aucunement fondée, donc arbitraire”.

Marc Robert (Sipa)

Marc Robert (Sipa)

Le procureur général de Riom, Marc Robert a annoncé mardi 7 juillet dans un entretien au Monde daté de mercredi qu’il allait déposé un recours contre sa mutation forcée à la Cour de cassation et défend le principe de l’indépendance de la magistrature. Le magistrat rappelle le principe de séparations des pouvoirs et plaide pour un mode de nomination écartant toute influence politique. “Revenons à Montesquieu, il est grand temps (…) Nous redonnerons ainsi l’envie aux jeunes magistrats de rejoindre le ministère public et à ce dernier la sérénité dont il a besoin”, affirme-t-il.

Irrégularité du décret

Cette affaire est devenue emblématique d’une gestion des carrières des magistrats du parquet, jugée par les syndicats de magistrats politique et autoritaire. A côté des juges qui enquêtent et rendent les décisions, les magistrats du parquet sont chargés de déclencher ou non les poursuites et de représenter l’accusation. Cette affaire intervient alors que l’Elysée projette de donner tous les pouvoirs d’enquête aux procureurs, nommés sur décret du président, et de supprimer les juges d’instruction indépendants. Ce dossier a créé les premières tensions entre la nouvelle ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie et les syndicats de magistrats.
Ces derniers contestent sur le fond comme sur la forme la régularité du déplacement forcé de Marc Robert à la Cour de cassation. En effet, le décret du 24 juin avait été pris alors que Rachida Dati avait retiré le dossier de l’ordre du jour du Conseil supérieur de la magistrature.

Mutation “arbitraire”

Marc Robert confirme dans son entretien qu’il va saisir le Conseil d’Etat. “La mutation dont je fais l’objet n’est aucunement fondée, donc arbitraire”, explique-t-il. Selon le magistrat, on lui reproche de s’être opposé à la suppression du tribunal de Moulins (Alliers) et d’avoir fait part de ses réticences sur la suppression du juge d’instruction. “On ne saurait attendre d’un magistrat, fût-il procureur général, qu’il se comporte comme un partisan, voire comme un courtisan”, souligne Marc Robert.
(Nouvelobs.com avec Reuters)

Le procureur général de Riom dénonce une mutation “arbitraire”
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InternetActu | 07.07.09 | 09h29  •  Mis à jour le 07.07.09 | 09h39

e procureur général de la cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme), Marc Robert, devait déposer, mardi 7 juillet, un recours au fond et en référé-suspension devant le Conseil d’Etat, contre sa mutation d’office comme avocat général à la Cour de cassation. La chancellerie a évoqué le fait qu’il était en fonctions depuis neuf ans. Dans la magistrature, on dénonce une décision politique.

Pourquoi un recours contre votre nomination ?

Si j’ai refusé cette mutation, c’est qu’il s’agissait de m’évincer de mon poste actuel sous des prétextes fallacieux. C’est inacceptable pour des raisons de principe. La mutation dont je fais l’objet n’est aucunement fondée, donc arbitraire, et le décret de nomination me concernant est irrégulier, car la ministre de la justice a retiré de l’ordre du jour du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) le projet me concernant, après m’en avoir avisé deux jours avant. Le CSM n’a pas pu valablement statuer.

L’exécutif a déjà beaucoup de pouvoirs s’agissant de la nomination comme de la carrière des magistrats du ministère public. Encore faut-il qu’il respecte les règles constitutionnelles qui garantissent l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Je suis dans la curieuse situation d’un magistrat dont les compétences ne sont aucunement remises en cause, mais que l’on cherche à évincer sous des motifs apparents de pure gestion. L’intérêt du service ne commande pas d’affecter au parquet général de la Cour de cassation, déjà en surnombre, un magistrat supplémentaire.

Un procureur général est-il propriétaire de sa fonction et de son titre ?

Ne faisons pas semblant d’oublier que le pouvoir exécutif a la haute main sur les nominations des procureurs généraux. Si je suis en poste à Riom depuis neuf ans, c’est que l’on refuse depuis des années de me nommer dans un autre poste équivalent, alors même qu’en deux ans, 60 % des postes ont changé de titulaire.

On vous reproche vos réserves sur la réforme de la carte judiciaire et la suppression du juge d’instruction. Vous étiez le dernier procureur général nommé par la gauche. Votre mutation est-elle un acte politique ?

Je m’étais effectivement prononcé contre la suppression du tribunal de Moulins (Allier), lorsque l’on a sollicité mon avis. En ce qui concerne le juge d’instruction, j’estime qu’il faut y réfléchir à deux fois avant de supprimer un juge indépendant et accroître encore un peu plus les pouvoirs d’un ministère public dont les garanties statutaires sont manifestement insuffisantes. A deux reprises en vingt-cinq ans, le Parlement a voté, quasiment à l’unanimité, le maintien de l’instruction et la création de la collégialité, et cette réforme est en cours d’application.

On ne saurait attendre d’un magistrat, fût-il procureur général, qu’il se comporte comme un partisan, voire comme un courtisan, et c’est un principe que j’ai toujours appliqué quelle que soit la majorité. Cela ne rendrait service ni à l’image de la justice ni à celle du pouvoir politique qu’il en soit autrement.

Votre mutation montre-elle que le pouvoir exécutif ne peut se résoudre à l’indépendance du parquet ?

Je ne suis pas favorable à l’indépendance totale du ministère public, car le gouvernement doit, par la voix du ministre de la justice, pouvoir conduire une politique en matière pénale comme dans les autres domaines : il y va de l’intérêt général. Mais cet intérêt général, dont la défense est la raison d’être du procureur dans le procès car il y représente la société, ne se résume pas au seul pouvoir exécutif. Dans une démocratie, il résulte d’abord de la loi, cette loi dont il m’appartient de veiller à l’application dans mon ressort.

Au fond, qu’est-ce que nos concitoyens nous demandent ? D’être compétents, humains et totalement impartiaux dans nos décisions. Cette impartialité est d’autant plus indispensable aujourd’hui que le parquet décide de 60 % des réponses pénales à la délinquance, et qu’il doit assurer, aux côtés des juges, sa mission de gardien des libertés individuelles.

Les pouvoirs du parquet se sont considérablement renforcés, parce que nous sommes d’abord et avant tout des magistrats. Mais il faudra en tirer les conséquences institutionnelles. Continuer à faire dépendre du seul pouvoir exécutif la nomination et la carrière des magistrats du ministère public apparaît réducteur par rapport à nos différentes missions. Cela n’aide pas non plus à propager dans l’opinion publique cette image d’impartialité.

Plusieurs institutions européennes nous incitent à parvenir à un meilleur équilibre institutionnel entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, en dissociant l’autorité compétente pour la nomination des magistrats du ministère public, procureurs généraux compris, et celle, légitime, qui lui donne des instructions.

Revenons à Montesquieu, il est grand temps. Alignons les statuts des juges et des parquetiers. Nous redonnerons ainsi l’envie aux jeunes magistrats de rejoindre le ministère public et à ce dernier la sérénité dont il a besoin. Notre efficacité dans la lutte contre la délinquance n’y perdra rien.

Propos recueillis par Alain Salles
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