J.-M. G.

Après dix-huit ans de détention en France, Ali Vakili Rad pourrait regagner l’Iran dans quelques mois.

Une histoire vieille de dix-huit ans hante encore la difficile relation franco-iranienne. Le 6 août 1991, Chapour Bakhtiar, ancien Premier ministre du shah, est égorgé à son domicile de Suresnes (Hauts-de-Seine) où il vit en exil. A la suite d’une série d’étranges ratages policiers, l’Iranien Ali Vakili Rad, qui voyageait en possession d’un faux passeport turc au nom de Musa Koçer, est arrêté à Genève avant d’être extradé vers la France. Il est jugé trois ans plus tard, en décembre 1994, par une cour d’assises spéciale composée de magistrats, et condamné à la réclusion à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de dix-huit ans.

Ali Vakili Rad, aujourd’hui âgé de 50 ans, est en détention à la centrale de Poissy (Yvelines). Sa peine de sûreté vient de s’achever. Le 2 juillet dernier, son avocat, Me Sorin Margulis, a obtenu un arrêt de la cour d’appel de Paris qui y a mis fin. Dans la foulée, le 14 août, il a déposé une demande de liberté conditionnelle pour son client, assortie d’une mesure d’expulsion du territoire. En d’autres termes, si les autorités judiciaires devaient satisfaire sa requête, l’assassin de Chapour Bakhtiar pourrait regagner l’Iran dans les mois qui viennent.

Les autorités iraniennes feignent de ne pas s’intéresser au cas Ali Vakili Rad. Comme le détenu a toujours nié avoir tué l’opposant en exil, il eût été délicat de faire pression sur la France pour obtenir son élargissement. Une telle démarche aurait démoli son système de défense et implicitement démontré que le régime des mollahs avait envoyé un tueur contre cet adversaire acharné de la République islamique. C’est toute la différence avec Anis Naccache, auteur de la première tentative d’assassinat contre Chapour Bakhtiar le 18 juillet 1980, à Neuilly-sur-Seine, condamné à la perpétuité en 1982 et libéré en 1990 à la suite d’une amnistie décidée par François Mitterrand. Dans son cas, Téhéran avait exigé sa libération, parmi les conditions posées pour relâcher les otages français au Liban.

Les connaisseurs du dossier franco- iranien soulignent que l’Iran considérerait le retour d’Ali Vakili Rad au pays comme un geste positif. Pour la France, le prix ne serait pas particulièrement élevé. Si la justice devait lui appliquer le régime que la loi réserve à ceux qui ont fini de purger une peine de sûreté supérieure à quinze ans, il devrait passer par une période probatoire de semi-liberté pendant laquelle il exercerait un travail. Comme le souligne son avocat, il a certes appris le français en détention et suivi des formations professionnelles. Mais le régime de semi-liberté prévu par la loi exigerait qu’il obtienne un permis de séjour et un permis de travail. « On imagine mal la préfecture délivrer ces papiers à quelqu’un qui a été condamné à perpétuité pour assassinat alors qu’elle les refuse à des étrangers qui n’ont jamais commis le moindre délit », souligne Me Sorin Margulis, qui espère une issue favorable pour son client. Mais il ne s’attend pas pour autant à une décision rapi de. « Avec le nombre d’étapes à franchir et le nombre d’instances différentes qui doivent donner leur avis, dit-il, cela devrait prendre plusieurs mois. » Parmi les autorités consultées figure le parquet antiterroriste, qui ne devrait montrer aucune hâte à voir repartir celui qu’il a toujours vu comme un bras armé par les services iraniens.

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