La Justice sans les fous rires

| Le commentaire d’Éric DUSSART |

On dit aux alentours de la place Vendôme, à Paris, que Michèle Alliot-Marie est devenue ministre de la Justice par défaut. Que le président aurait tenu à donner enfin à Brice Hortefeux le fauteuil de premier flic de France dont il rêvait et qu’il fallait donc trouver pour « MAM » un ministère à la hauteur de ses mérites…

Mais qu’importe. Pour l’instant, les magistrats, les avocats et tout ce que la justice compte de serviteurs laissent bruire la place Vendôme.

L’essentiel était que Rachida Dati laisse sa place.

Le plus clair, le plus intransigeant des bilans de l’ex-icône de l’intégration est sans doute l’oeuvre de Christophe Régnard, président de l’Union syndicale de la magistrature – le syndicat majoritaire. M. Régnard est un homme responsable et «  modéré », comme on le dit souvent du syndicat qu’il préside. Un homme courtois dont le vocabulaire se brusque soudain lorsqu’il parle de son ancienne ministre, dont il associe le nom à cette sentence définitive : «  Une justice saccagée ! » Mais il fustige aussi le comportement d’une jeune femme nommée à un poste prestigieux sans qu’on ait encore compris si elle en avait bien la dimension. «  Aucune discussion sur le fond n’est possible », disait-il il y a quelques semaines. «  Elle parle plus volontiers de ses voyages ou des cadeaux qu’elle reçoit que de son travail », et il rappelle aussi ses dépenses extravagantes en représentation et autres frais étonnants.

M. Régnard et ses collègues peuvent légitimement espérer une évolution de ces comportements, Michèle Alliot-Marie n’étant pas une habituée des défilés de mode ni des soirées branchées.

Mais dans son constat des réformes engagées par Mme Dati, il dénonce «  des réformes de pure façade », ou «  d’autres, imposées sous le coup de l’émotion, après des faits divers ». On voit ce qu’il veut dire, mais on voit moins d’où il tire son espoir de changement, ici.

Les décisions inspirées par l’émotion ont toujours été annoncées par Nicolas Sarkozy lui-même, souvent à la première personne, et de préférence sur le perron de l’Élysée, une victime à ses côtés, comme ce fut le cas avec le papa du petit Enis, dans l’affaire Evrard de Roubaix, en août 2007. On n’avait pas l’impression, dans ces circonstances, que Rachida Dati maîtrisait réellement le processus législatif.

Pas plus que Mme Alliot-Marie au ministère de l’Intérieur. La réforme des services de renseignement et le rapprochement police – gendarmerie, qu’elle a portés depuis mai 2007, étaient clairement voulus par le président et dûment inscrits sur sa feuille de route.

Sans ostentation ni fous rires intempestifs, certes, Michèle Alliot-Marie a donc elle aussi porté la politique du président, au rythme du président. En sera-t-il encore ainsi à la Chancellerie ? Le premier élément de réponse est tombé hier, lors d’une intervention à l’Assemblée sur la future loi sur les bandes, aussi actuelle que sensible, qui doit «  donner les moyens d’agir avant que ces bandes ne commettent des agressions, ne blessent, voire ne tuent des personnes ». Et d’ailleurs, annonce-t-elle à l’adresse de ceux qui doutent de sa fermeté : «  Je vais très prochainement m’en entretenir avec les procureurs généraux. » Sous Mme Dati, on a entendu parler de «  reprise en mains » pour moins que ça. •

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